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Les artistes ont-ils choisi de gérér au lieu de créer?

Étonnante présence de Jacques Parizeau hier à Bazzo TV, une des rares émissions où la réflexion et l’argumentation ne sont pas balayées sous le tapis de la moronerie ambiante. Étonnante d’abord parce qu’on a bien vu que pour peu qu’on choisisse de discuter sans faire dans le vite-avant-la-pause-on-coupera-au-montage, Parizeau affiche une prestance intellectuelle qui fait tristement défaut à nos politiciens contemporains. Parizeau réfléchit, au sens fort du terme, comprendre ici qu’il est aussi capable de se voir lui-même, de se remettre en question et de reconnaître la valeur des arguments de ses adversaires.

À la question « de quoi le Québec a-t-il besoin? » Parizeau a répondu (de mémoire) : des artistes, des créateurs et des poètes.

À ses côtés, Normand Baillargeon, professeur en science de l’éducation à l’UQAM que je présenterais volontiers comme un philosophe. Un autre qui réfléchit sans gêne. De son côté, même constat : nos leaders politiques devraient être plus créatifs, plus inspirés oserais-je ajouter. En fin d’émission, il a lancé cette phrase très forte : « la gauche a géré au lieu de créer ».

J’en viens donc à me poser une question qui me trotte dans la tête depuis belle lurette : Se pourrait-il qu’au Québec, par les temps qui courent, les artistes ne jouent plus leur rôle, ne remplissent plus leur mission sociale?

Se pourrait-il que le geste créateur –expression que je déteste au plus haut point mais que j’emploie faute de mieux, se limite désormais à une gestion de l’offre et de la demande, de cotes d’écoute, de ventes d’album, du goût du public, de gestion de carrière et de programmes de subventions? Se pourrait-il que les artistes n’aient pas d’autre cause sociale que ce qui les concerne directement dans leur case gouvernementale : sortir dans la rue ou dans les médias pour défendre les droits d’auteurs et le financement de la culture, la vente de billets sur Internet.

Oh oui, certains épousent une cause, ce en quoi on les considère comme « engagés », mais le plus souvent, cet engagement ne dépasse guère le niveau de la simple gestion : gestion de telle ou telle ressource naturelle, gestion de l’état et de l’éventuelle indépendance du Québec, gestion d’une calamité sociale ou d’une autre, faim, pauvreté, maladie. Dans tous les cas, on a presque l’impression que ce qui est réclamé, c’est de la saine gestion de la part des politiciens. J’ironise, mais d’abord et le plus souvent les artistes semblent demander simplement : « faites de meilleures lois »… Ce qui me semble pour le moins irréconciliable avec la nature même de la création qui, selon mon humble avis, devrait s’employer à transgresser les conventions et non à en réclamer de nouvelles…

Beaucoup de gestion donc… Très peu d’inspiration.

Se pourrait-il que les artistes soient devenus, en quelque sorte, des fonctionnaires du divertissement, qui gèrent au lieu de créer?

Et se pourrait-il que cette fonctionnarisation de la culture puisse entraîner avec elle la dimension créatrice de toute une société : intellectuels, journalistes, universitaires, pédagogues, politiciens et tous les autres?

Je n’ai que des questions et très peu de réponses…