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Dans le temps de Biz, c’était tellement plus français…

<mode montée de lait>

À l’occasion d’une entrevue dans le cadre de l’émission les Francs Tireurs, Sébastien Fréchette, qui joue le personnage de Biz dans l’opéra rap Loco Locass, donnait son avis sur l’état actuel de la chanson francophone. Je retranscris ici un extrait qui m’a particulièrement étonné, pour ne pas dire découragé.

[Biz] Y’a une résurgence des chanteurs qui chantent en anglais maintenant. Moi quand j’ai commencé à faire de la musique dans les années 2000

[Patrick Lagacé] Tu veux dire au Québec, des francophones

[Biz] Oui, Pascale Picard et compagnie

[Patrick Lagacé] Pascale Picard, Marie Mai, les jeunes, Simple Plan

[Biz] Quand j’ai commencé à faire de la musique, moi, on était, disons, Mes Aïeux, Cowboys Fringants, Mononc Serge, Vulgaire Machin, on était toute une vague à faire toutes sortes de genres de musique en français et c’était comme la résurgence, pis là je me suis dit, hey, c’est super, fini la musique en anglais des années poches, des années 80. Maintenant, les jeunes, dans leurs chambres, ils vont avoir des posters de leurs idoles, Québécois, en français et des paroles qu’ils comprennent. Ça a duré cinq six ans pis là on revient à des chanteurs qui chantent en anglais.

Je ne sais pas pour vous, mais pour ma part, quand j’entends un jeune et dynamique poète me dire que lui là, dans son temps là, on était donc super bons en français, tellement plus que maintenant, je suis pris d’un violent mal de dos.

Avons-nous donc vieilli si vite pour devenir si rapidement des has been?

Je ne sais trop sur quelle planète habite Sébastien Fréchette… Si j’avais à m’avancer à ce sujet, je parierais pour une certaine idéologie en orbite où il fait bon se sentir constamment assiégé.

Je laisse aux vaillants statisticiens et divers experts le soin de commenter les données démographiques concernant l’état de la langue française au Québec ou le dialecte des joueurs de Hockey. Il m’arrive même de les croire. Je n’ai aucune compétence en ces matières.

Mais lorsqu’il s’agit de musique et de chanson québécoise, il se trouve que je me considère comme assis aux premières loges pour pouvoir témoigner de ce qui se passe depuis quelques années. Un mouvement qui a commencé à la fin des années 90, quelque chose que j’appellerais comme un « effet Colocs ». Quelque chose de très fort que je résumerais ainsi : Le français n’a jamais autant sonné.

Il me faudrait trois chroniques pour énumérer tous les groupes et chanteurs francophones qui font sonner le français. J’ai souvent fait cet exercice dans divers textes. À chaque fois, je manque d’espace. J’observe la scène musicale depuis au moins 15 ans au Québec, depuis 2005, je participe au web magazine BangBang, qui couvre essentiellement la musique locale alternative.

Orange Orange, Jimmy Hunt, Bernard Adamus, Gatineau, Jérôme Minière, Karkwa, Malajube, Alexandre Désilets, Fred Fortin, Dany Placard, Galaxie, Yann Perreau, Philippe B, Cœur de Pirate, Simon Kingsbury, Domlebo, Antoine Corriveau, Les Breastfeeders, Pierre Lapointe, Émilie Proulx, Fred Pellerin … name it comme disent les latins! Il me faudrait tout un journal pour faire une liste exhaustive. J’inclus volontiers dans l’air du temps les rejetons de Star Académie qui, qu’on aime ou qu’on n’aime pas, s’inscrivent pour la vaste majorité (la totalité?) dans la création francophone. Marie Mai s’est essayée à l’anglais? Hey! Ça ça me fait peur! En attendant, ma petite nièce a bien son poster sur son mur de chambre… En français dude

Mieux encore, plus que jamais les francos collaborent avec les anglos. Depuis 10 ans, c’est une réelle industrie alternative qui a été fondée, avec des entreprises comme Bonsound, Grosse Boîte/Dare to Care, C4 productions, des festivals comme le FMEAT, le coup de grâce de Saint-Prime, un concours comme Les Francouvertes, détour obligé pour dénicher « la prochaine grosse affaire ». Les francophones n’ont jamais été si présents, si organisés et, oserais-je dire, si bons.

J’y vais même d’une confession : Il n’y a pas que dans cette montée de lait que vous lisez présentement que je manque d’espace pour être exhaustif… au Voir et au BangBang, on en manque continuellement. Il y a plus de talent francophone que de ressources humaines et budgétaires pour le couvrir adéquatement.

Un moment donné là, Pascale Picard et Simple Plan, il faudrait bien se rendre compte qu’en fait d’invasion et d’échec de la francophonie Québécoise, ça commence à faire un peu pic pic. Vous avez vraiment juste ces deux noms qui vous viennent en tête? C’est tout ce que vous avez à mettre dans la balance pour me faire trembler?

Quand vous me dites que la chanson francophone se meurt, délaissée pour une anglophilie montante sur la base d’un exemple et demi que vous radotez depuis 10 ans, je regrette, c’est vous qui avez l’air de morts-vivants. Sortez au grand air, vous verrez bien le temps qu’il fait.

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