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Rédaction, aventures et voyages.

Prendre la parole?

Facile.

Donner sa parole?

Pas mal plus tough.

J’ai répété assez souvent cette idée au gré des événements de ma vie quotidienne: S’engager, ce n’est pas prendre la parole, c’est donner sa parole.

Légion sont les «engagés» qui ont oublié cette différence… La vaste majorité des gens -Ah! Les gens!- qui sont réellement et profondément engagés au sein de telle ou telle cause ne font pas de bruit.

D’ailleurs, en apparté, je me demande bien ce que pense le Père Pops des médias sociaux et son branding sur twitter… Peut-être partage-t-il des hot dog en cliquant sur like…? Mais bon, c’est une autre histoire.

Me permettrez-vous un détour un peu sucré?

De toute façon, vous n’avez pas le choix.

J’aime croire que ne suis pas trop différent de la plupart des humains. Ça me rassure. Un peu moyen, donc. Je me suis longtemps imaginé aventurier, voyageur, avide de réalité bien réelle et poursuivant l’exotisme aux quatre coins du globe. Je passe sur l’interprétation psychanalytique de ces rêves de jeunesse, mais vous voyez ce que je veux dire. Déjà, plus jeune, je voyageais en hamac au hasard des palapas ou descendant le Mékong persuadé que j’avais quelque chose à voir avec Hugo Pratt, ou mieux encore, Corto Maltese. Le rêve n’avait aucune limite. Je me voyais même marin, tiens. Moi qui flotte si mal!

Bon, vous aurez compris que c’est raté. Désormais, coquin de sort, je passe la plupart de mon temps assis sur une chaise de bureau en rigolant avec mes collègues qui, comme moi, nagent jusqu’à la rive des vendredis pour planter des concombres ou pour se donner une impression de décalage horaire en achetant des cossins dans une boutique du marché Jean-Talon.

J’habite donc une banlieue du plateau, quelque part sur l’île de Montréal. Un peu con, j’ai une pelouse et les outils qui viennent avec. Voilà, c’est dit. J’assume.

Faute d’aventures, je me suis acheté une scie à onglet et quelques autres accessoires. J’ai fabriqué l’an dernier une cabane pour ma fille dans le jardin. Je ne vous dis pas son nom, de ma fille je veux dire. Vous ne trouverez pas sa photo sur facebook, mais je vous jure que c’est vrai, je suis un père. Bon.

Tout le voisinage rapplique, dans cette cabane. Il faut même gérer un peu. Le soir, en regardant le soleil se coucher et en évaluant la progression de mes courgettes et de mes haricots grimpants, je deviens sourd. Enfin, presque. Je n’entends alors que les cris de ma fille et de ses collègues de ruelle. Mes tympans filtrent les bruits du monde… Ne reste que ce signal… Celui de cette construction enfantine, repère de tous les clubs de l’imaginaire et des tannants aux plans acrobatiques qui multiplient les défis improbables.

En ces moments, même le cul planté là dans ma bourgeoisie propriétaire, je me dis que ma vie d’aventurier n’est pas si ratée que j’aurais pu le croire. Elle est assez réussie, en fait.

Si vous saviez les distances que je parcours, assis là, immobile… Il m’arrive même de croire que je prends l’apéro au bord du lac Titicaca.

Le soir venu, c’est le temps des histoires. Je lui lis du Heidegger. Pour deux raisons précises. D’une part, tout ce monde manque clairement de philosophie, d’autre part, il est important pour moi de pouvoir ploguer Heidegger dans mes écrits, même quand je ne parle de rien. Surtout quand je ne parle de rien, en fait… Ça vient avec le statut.

– Papa, c’est quoi l’être de l’étant?

– Ben… C’est la grenouille, non?

C’est fou ce qu’on rigole.

Nous parlions de quoi donc? Ah oui… Prendre la parole. J’y reviens. Ça m’arrive parfois, trop souvent, de m’écarter.

Eh oui, donc, je deviens rédacteur en chef du média que vous lisez présentement. Le Voir, une boîte dans laquelle je suis engagé depuis quelques années. Bon, comme ça, ça semble rigolo, voire prestigieux pour certains. Il s’en trouve même, ayant passé par là et soucieux d’avoir une opinion sur la question, pour élaborer des théories sur les réalités économiques des médias. La vie n’est pas un long fleuve tranquille… En fait, la vie n’est pas un fleuve du tout, court ou long. C’est ainsi… Le Voir, c’est un peu comme le PQ, on ne compte plus les belles-mères. On ne s’en formalise pas, on fait avec.

J’avoue que ça donne un certain trac. Si vous saviez tout ce qu’il faut se taper comme paperasse et documents pour comprendre ce dont il est question. On me dit même que je devrais vous dire quelque chose, prendre la parole, ou quelque chose du genre.

Ça viendra bien. D’ici là, laissez-moi poser un peu mes valises. Si vous saviez les distances qu’on parcourt sans vraiment changer d’endroit…

– Papa, c’est quoi rédacteur en chef?
– C’est comme dans une tribu. Quand on me croise, on me dit «bonjour chef!»
– T’es con papa.
– Ben oui… Bonne nuit.

À bientôt!