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Lettre à Pauline Marois: Et vous, votre itinéraire, c’est quoi?

Chère Madame Marois,

Je suis un Montréalais de naissance. On ne se connaît pas. En tout cas, vous, vous ne me connaissez pas. Je vous ai écrit plus tôt cette année à propos de mon duplex et de mes soucis fiscaux. Vous ne m’avez pas répondu mais en tout cas, vous semblez avoir tenu compte de mes doléances. Je profite de la présente pour vous remercier. Mais aujourd’hui, j’aimerais vous entretenir d’un tout autre sujet.

Montréalais que je suis, je ressens un très grand inconfort en regardant ce qui circule dans les médias depuis quelques jours. Surtout en ce qui concerne les manifestations à Montréal et les interventions policières.

Ne vous méprenez pas. Je suis de ceux qui croient qu’il est assez vain de multiplier les manifestations par les temps qui courent. Je suis un con moyen, un con qui a compris qu’au final au moins deux tiers des Québécois ne vous ont pas appuyé alors que vous battiez la casserole lors du printemps dernier. Je vous ai même trouvé habile avec votre sommet sur l’éducation et je persiste à penser que les leaders de l’ASSÉ ont raté une belle occasion de réfléchir lorsqu’ils ont choisi de ne pas s’y présenter. J’irais même jusqu’à dire que la commission Charbonneau et la défaite des libéraux, comment dire, vous donnent un peu de swing politique. Un peu de temps et d’espace.

Mais bon, comme je vous disais, je ressens un profond inconfort en ce moment, alors que je vois certains de mes concitoyens se faire prendre en souricière à l’occasion de manifestations qui n’ont à peu près pas le temps de commencer. Règlement municipal oblige. Certes, à Montréal, il a toujours été interdit de troubler l’ordre sur la voie publique, mais depuis le printemps dernier, il n’est même plus question de troubler l’ordre. Il suffit de vouloir manifester sans remettre son itinéraire au SPVM pour déclencher des arrestations préventives massives. Et mon petit doigt me dit qu’un grand nombre de citoyens qui n’ont pas grand-chose à se reprocher se voient encerclés et bousculés comme de vils criminels.

Enfin… J’exagère presque. Car les vils criminels, vous le savez comme moi, ne se font pas encercler et bousculer. En tout cas, plus ils sont vils et criminels, moins ils sont bousculés. J’imagine que vous écoutez les mêmes nouvelles que moi.

Et c’est là que commence mon inconfort. Pas à cause de la hausse des frais de scolarité, pas à cause du complot global du capitalisme mondial, mais à cause des crosseurs potentiels qui nous gouvernent. À Montréal –comme ailleurs sans doute- une grave crise d’autorité perdure. Le maire a démissionné. La semaine dernière, le directeur général -coupable d’avoir menti en chassant la tête du chef de police!- empruntait le même chemin. Qui gouverne dans ma ville, madame Marois? Qui contrôle les forces de police? Où les policiers prennent-ils leurs ordres? Doivent-ils s’en remettre, sans rendre de compte à quiconque, à un règlement municipal? Ces questions se complexifient quand on sait que la SQ est appelée à intervenir lorsque les situations se corsent. Qui veille à ce que les forces de l’ordre fassent preuve de discernement?

À ces questions s’en ajoute une autre qui a une certaine importance à mes yeux.

Vous, madame Marois, à l’époque où vous tapiez sur votre casserole en marchant dans la rue, c’était quoi, au juste, votre itinéraire?

Madame Marois, vous êtes la première ministre du Québec. Vous êtes donc maintenant la chef du pouvoir exécutif. Or, lors du printemps dernier, vous avez désobéi à une loi. Vous avez marché spontanément lors de manifestations –et certains de vos collègues qui sont désormais ministres et députés ont fait de même- en sachant très bien que vous ne respectiez pas la loi et, à Montréal, le règlement municipal.

Je me demande donc, maintenant que vous êtes élue, maintenant que vous occupez la plus haute fonction politique en cette province, quel est votre itinéraire? Où comptez-vous aller? Quelle est la direction que vous comptez prendre?

Allez-vous accepter que des citoyens soient aspirés dans l’illégalité alors qu’ils font exactement ce que vous faisiez, vous et vos collègues, au printemps dernier?

Comprenez-moi bien. Je suis assez convaincu que les manifestations auxquelles on assiste encore aujourd’hui n’ont pas lieu d’être. Je suis intimement convaincu qu’elles sont menées par des citoyens déçus et qu’on y retrouve un bon lot de n’importe quoi. On manifeste un peu pour manifester, faute de mieux.

Faute de mieux, justement… Or, on est en droit d’espérer mieux.

C’est là que votre rôle devrait commencer. Vous devriez avoir quelque chose de mieux que la rue à proposer. Quels sont vos conseils? Où sont vos initiatives? Qui gouverne, madame Marois? Qui dirige les services de police à Montréal et ailleurs? Quelles sont les règles que ces pauvres bougres portant la matraque et l’uniforme doivent suivre? Allez vous créer des lieux de discussion, des lieux de réflexion? Allez-vous envoyer un message clair aux autorités municipales qui sont en ce moment inexistantes à Montréal? À qui ceux qui tapent sur des innocents doivent-ils rendre des comptes au juste?

Qui gouverne, madame Marois? Prenez bien le temps de soupeser le sens et le poids politique de cette question: Qui gouverne?

Vous êtes la seule à pouvoir répondre. Et devant votre silence, ces travailleurs policiers, tout connement, doivent se contenter de taper du manifestant. Et les manifestants, tout connement, doivent se contenter de manifester et de se faire taper par des policiers. On se souhaite mieux.

Je n’irai pas appuyer les manifestants dans les rues madame. Du moins pour l’instant. Mais si le silence de l’État devait perdurer, j’aurai beaucoup de difficulté à blâmer la rue de faire du bruit pour le combler.

Alors, madame Marois, votre itinéraire, c’est quoi?