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Attentats au Canada: La terreur de la certitude

Vous ne les trouvez pas terrifiantes, vos certitudes, vous?

Même pas un peu?

Moi, tous les jours.

Je crois vous avoir déjà écrit, à un moment ou à un autre, que selon mon humble perspective, l’homme est un animal qui croit. Je sais bien, je parle de croire, peut-être même de foi, et vous vous braquez. Mais quand même, je persiste. L’humain est intrinsèquement religieux. On peut bien changer les étiquettes, tuer tous les bons dieux, botter tous les culs de toutes les bonnes sœurs hors des services publics, l’humain trouvera autre chose pour croire. Il n’y a pas beaucoup de différence, à mes yeux, entre se prosterner en groupe sur des tapis, faire la file au Costco en lisant la circulaire comme un missel ou laisser des commentaires et des likes sur le mur Facebook de TVA nouvelles. Entre ça et le mur des lamentations, vous savez… Je vois toujours le même animal maladroit en quête d’une certaine certitude.

Et quand vous me parlez de terrorisme et de religion, ça me titille un peu. Sans doute, elle est terrifiante, cette religion poussée à l’extrême. Elle sait bien profiter de cette quête de certitude inachevée et si elle tombe sur une pauvre âme en peine, attention les dégâts!

C’est un peu ce qu’on dit, non, à propos de ces deux types qui viennent de nous ramener la terreur dans l’actualité canadienne? Ah ces satanés islamistes djihadistes radicaux! Il faudrait bien les faire taire une fois pour toutes!

Je ne sais pas si on s’en rend compte, mais en mettant l’accent sur les possibles succès de la propagande islamiste auprès des âmes perdues dans les sociétés occidentales, ce sont nos propres échecs que nous mettons en relief. Nous acceptons, avec une triste suffisance, que ces types qui se convertissent au délire de la terreur, nous les ayons échappés. Ils sont passés par les mailles de notre filet social. Notre culture, notre éducation, les mécanismes en place pour forger l’esprit critique, au moins dans ces deux cas, n’ont pas été efficaces.

En disant que c’est le discours des islamistes radicaux qu’il faut en tout premier lieu combattre, nous abdiquons en quelque sorte. Nous nous concentrons sur les effets et non sur les causes, en laissant entendre que cette chute dans les déchirures de notre tissu social, nous n’y pouvons rien. Il faudrait simplement tomber ailleurs, en quelque sorte.

Dans toutes les réactions entourant ces événements, nous semblons accepter, résignés, qu’il y aura toujours ici-bas, des esprits perdus, troublés, prêts à commettre l’inadmissible. C’est sur l’échelle de l’inadmissibilité que nous nous prononçons. Au nom du délire vampirique, comme ce fut le cas pour Kimveer Gill? Ça peut encore aller. Au nom d’Allah? Ah non! Ça, jamais! Aux armes camarades!

Et c’est ainsi que nous marchons tous d’un pas guilleret, en cadence, en quête de sécurité pour combattre des ennemis idéologiques, sans jamais s’arrêter pour se demander: au fait… Comment se fait-il que parmi nous il puisse se trouver des esprits aussi désespérés pour croire n’importe quelle sornette? Et si nous arrivions à anéantir tel ou tel conte pour les cons, il en resterait combien, des légendes du genre, sur lesquelles les désespoirs pourraient s’agglutiner? Vous allez tous les anéantir, les conneries extrêmes? Sans jamais vous demander, une seule fois, « pourquoi il a cru ça, ce pauvre type? »

Manquer de livre ne tuera jamais personne, disait le ministre Bolduc dernièrement. Ah bien tiens… Et si, mettons, et si les livres pouvaient armer les esprits contre l’enrôlement de l’idiotie de la dévotion béate? Ah! Eh bien… Peut-être…. Ou peut-être pas.

Peut-être aussi que la dévotion béate, dans nos contrées, nous propose des litanies de discours plates, de mantras sur « les vraies affaires », sur l’économie, l’économie, l’économie, mot répété par nos leaders comme une prière dès qu’ils veulent nous convaincre de les suivre, de leur faire confiance… Peut-être aussi qu’on ne peut plus les croire, que nous n’y croyons plus, que le type qui rate un peu sa vie, quelques semaines ou quelques mois, peut-être qu’il a l’impression d’être un damné de la sainte église du clientélisme social. Peut-être qu’il se dit que dans cette grande fête de foi idéologique sauce succès individuel, il n’a plus sa place.

Et il va raconter ça à qui, au juste, ce type en déroute? Au curé du village? À l’aumônier? À l’animateur de pastorale?

– Monsieur, j’ai l’âme en peine. Je ne m’y retrouve plus dans ce monde!

– Avez-vous songé à participer à une ligne ouverte? Ça pourrait peut-être vous aider. Désolé, ceux qui travaillent sur l’âme, nous les avons tous virés.

– Non monsieur, je ne sais plus en quoi je peux croire. Je suis perdu.

– Vous avez dit croire? Désolé, nous ne pouvons pour vous, ici, c’est un service public. La foi, c’est vos oignons, débrouillez-vous comme vous pouvez, mais en privé SVP.

Elle est terrifiante la certitude, non?

À qui demander secours? Assez ironiquement, cette semaine, c’est envers les leaders religieux que nous tendions la main. Nous demandions de toute urgence leur collaboration et leur support.

Il faut quand même avoir du front tout le tour de la tête, alors que nous nous sommes époumonés pendant des mois à supplier qu’ils gardent leur religion dans les limites de la simple maison, à l’abri des regards, pour demander aujourd’hui aux musulmans modérés d’investir la sphère publique, au nom de la cohésion sociale, de l’État avec un grand E et de la démocratie.

Hier, encore, cette cohésion sociale, ils la menaçaient, disaient certains, du seul fait de manifester leur foi en public.

Coquin de sort, nous les supplions aujourd’hui de sortir et de se montrer au grand jour. Pour prévenir quoi? Pour nous aider à sauver nos propres âmes perdues que nous n’avons pas réussi à sauver? Nous disons il y a quelques mois: « nous ne voulons pas entendre parler de votre foi et de vos balivernes au sein de nos institutions, c’est une nuisance! »

Maintenant que cette foi nous la constatons pervertie, à l’extrême, par-delà les limites de la normalité, terrorisante, tout à coup, on se dit qu’ils devraient bien collaborer et que finalement, pour l’occasion, s’ils pouvaient nous donner un petit coup de main et même nous aider à identifier ceux qui déraillent, ce serait pour le moins apprécié.

Vous ne ressentez pas comme le commencement d’une petite gêne vous, en leur demandant de se transformer purement et simplement en travailleurs sociaux?

Vous ne trouvez pas ça terrifiant, la certitude?