Je me mords un peu le bout de la langue depuis qu’est apparu dans les médias le dénouement de la fameuse affaire « Shotgun sur Mariloup Wolfe », lettre de Gab Roy qui a fait les manchettes depuis l’an dernier. Je me mords aussi le coude parce que bien qu’en complet désaccord avec le geste comme tel, la forme du propos, j’ai défendu le principe.
Je n’ai pas, à l’époque, condamné Gab Roy. Ça m’a valu pas mal de reproches.
Mais je n’ai pas changé d’avis aujourd’hui.
Oui, la vulgarité extrême. Oui, ce type déplaisant qui est allé trop loin, plus loin que le trop loin où il s’était déjà rendu dans la vulgarité. Trop, vraiment trop… Et alors?
Je ne sais pas ce qui est vraiment si vulgaire au point de s’en indigner. Lors de l’annonce de la séparation du couple Wolfe/Lemay-Thivierge, tous les médias de masse se sont emparés de la rumeur. TVA titrait à l’époque « Guillaume Lemay-Thivierge et Mariloup Wolfe : c’est fini! ». Lemay-Thivierge y allait de quelques révélations :
« Effectivement, Mariloup et moi, on s’est disputé, a précisé le comédien. On s’est chicané, comme n’importe quel couple, comme le font aussi les dentistes, les médecins, les avocats… Mais puisque c’était nous, ç’a créé un momentum. C’est ça, la game, quand on est connu, et je l’accepte. On ne choisit pas toujours de se retrouver à la une des journaux et des magazines, même si, de l’extérieur, ça peut ressembler à un désir de notre part d’étaler notre vie privée. Mais j’accepte cette convention. »
En entrevue au Huffington Post il se vidait le cœur :
« C’était un potin drôlement croustillant de dire que Mariloup et moi, on était séparés, alors que, trois semaines avant, on faisait probablement la couverture d’un magazine ensemble. Mais de nous retrouver aux nouvelles de TVA et sur la bande défilante de LCN, ça m’a causé un petit malaise, un pincement au cœur. Je ne peux pas croire que la chicane d’un petit couple bien ordinaire fasse les nouvelles! Ce n’était pas une nouvelle, et ça n’avait pas été confirmé! Mais ça veut dire que les gens s’y intéressent, et que ç’a été payant pour quelqu’un. »
Il faut bien comprendre ce qui se passe ici, selon les propos de Guillaume Lemay-Thivierge lui-même : à partir d’une rumeur lancée sur la toile par un blogue à potin, tous les médias se sont emballés. On parle ici de la bande défilante des nouvelles à LCN. Tous ont repris la rumeur comme un fait, tous ont plongé leurs mains dans la vie d’un couple, dans leur intimité, sans vérifier, pour le simple plaisir du fric.
Ce couple de deux jeunes enfants chéris du star système Québécois, cette histoire de conte de fées télévisuel et médiatique, disons-le, pour les médias, c’est de la matière première, de la bouette à pomper, c’est une imprimerie, une machine à clics, une machine à piasses! Ils s’y enfoncent l’antenne profondément, vigoureusement, sans vergogne.
Vulgarité, vous disiez? Le couple et ses disputes comme objet de consommation, où chacun se plonge les mains et les dix doigts pour en tirer profit, pour le bon plaisir du peuple qui en redemande, c’est bien de la vulgarité, ça, non? De la vraie, du solide! Aucune pudeur, aucune retenue, quand il faut y aller, il faut y aller.
Sur la toile, chacun tentait un gag. Untel se prétendait nouvel amant de Mariloup, une autre plaisantait sur sa relation avec Guillaume. C’était le truc du jour. Tous y allaient de leurs histoires comiques, ou pas, à ce sujet.
Est ainsi arrivé un monstre dans le paysage. Dans ce conte de fées d’enfants chéris des médias aux cheveux blonds, innocents et aimés de tous, un ogre s’est pointé : Gab Roy. Le plus méchant de tous les méchants.
— Viens princesse abandonnée, je vais t’en foutre de toutes les couleurs, moi!
Je paraphrase. C’était pire que ça. Il lui en foutait de toutes les couleurs et encore plus, mais c’était ça quand même. Un ogre, un gros colon, un pas fin. On savait qu’il habitait au fond des bois, mal foutu, mal engueulé. On le savait. C’était un ogre. Un vrai.
C’était ça, cette fameuse lettre. Dans la grande fiction du conte de fées médiatique des enfants chéris de la télé où tout le monde rigole en sécurité, il y avait un ogre, un danger, un personnage, méchant, sans limite. C’était Gab Roy.
La vulgarité de sa lettre n’était pas isolée sur une île déserte. Il a joué un personnage dans un récit populaire d’une vulgarité déjà consommée, totale, sans pudeur, où chacun mastique la revue à potin, où la vedette est à nue, déshabillée, ses vêtements déchirés, trompée par le prince charmant, chacun s’indignant avec des « hooo » et des « hooon ». C’est dans cette tragédie de la fiction populaire que le personnage a pu fonctionner.
Et force est de constater qu’il fonctionne encore. La princesse a eu raison du monstre. Tout le monde se réjouit. Le bien a triomphé. Mon Dieu que le monde va mieux maintenant! Elle a gagné! À l’amiable en plus! Merci, vraiment!
Et les majorettes de la chronique en remettent, car c’est payant. Ces mots clés sont ceux du jour et les tantes magiques qui transforment des citrouilles en carrosses n’en manquent pas une pour mettre leurs noms sur la devanture. Moi, moi, moi, j’étais au premier rang lors du bal!
Notez bien que ce sont les mêmes médias qui faisaient défiler naguère la bande des nouvelles avec un potin jamais vérifié au bas de l’écran qui en beurrent des centimètres aujourd’hui. N’en doutez pas, c’est du divertissement. Mais non, ce n’est pas de la vulgarité, c’est de l’information, voire du débat de société… Bon spectacle!
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Mais oui, je sais, je devrais me garder une petite timidité sur cette affaire. Après tout, j’ai connu Gab Roy, j’ai un peu travaillé avec lui et je me suis même pointé à la messe médiatique du dimanche soir en sa compagnie. J’entends déjà les cris : « On sait bien, toi! »
Si je vous livre le fond de ma pensée, honnêtement, c’est que je suis persuadé que Gab Roy lui-même n’était pas en mesure de comprendre cette fiction à laquelle il prenait part. Il ne pouvait défendre cette lettre, et moi non plus, ni personne qui l’entourait à l’époque.
D’une part, la fiction médiatique est trop réelle. Il faut s’y soumettre. Tenter de faire valoir que tout ça n’est qu’un spectacle est vain. Ceux qui y jouent un rôle, et qui en tirent profit, sont persuadés d’être dans le « vrai » monde. La page couverture du magazine qui les interpelle en faisant la file à la pharmacie est pour eux le reflet du réel, ils s’y projettent.
D’autre part, je m’en suis rendu compte au fil du temps, lui-même, Gab Roy, n’avait pas l’intelligence pour prendre conscience de son rôle d’ogre immonde dans ce spectacle. Ce personnage, il le jouait tout naturellement, sans même comprendre que c’était une fabrication théâtrale. En fait, pour lui, il n’y avait même pas de théâtre… Il se voyait jouer dans le magazine comme dans la vraie vie. Jusqu’à sa perte.
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Outre cette histoire qui selon mon humble avis est strictement une fiction médiatique et où chacun joue son rôle au quart de tour, surtout les commentateurs — j’en suis peut-être! — une autre affaire concerne Gab Roy. Plus sérieuse, plus réelle, dépourvue dans son essence de toute fiction. Une affaire criminelle qui n’a rien d’un spectacle — même si d’autres comédiens commentateurs — les mêmes — voudront sans aucun doute faire un autre tour de piste à ce sujet.
Cette autre histoire, et pour cause, contribue à faire de Gab Roy le monstre à abattre. Les accusations qui pèsent contre lui sont graves, organiques, bien ancrées dans un vécu réel. On est loin des magazines ici.
Mais puis-je humblement soumettre une question, nonobstant cette autre affaire, en me concentrant uniquement sur l’histoire de la fameuse lettre dont il est question aujourd’hui dans l’actualité?
Oubliez Gab Roy une seconde… Oubliez que c’est lui, ce type que vous détestez tous au point d’applaudir sa disparition médiatique.
Dans la fiction et la parodie de la mise en scène du conte de fées médiatique, la limite du bon goût, de la vulgarité, vous la traceriez où, vous?
Avant ou après les potins qui défilent dans la petite bande jaune à LCN?
Je ne me suis jamais questionnée sur cette histoire. J’en ai pas l’intérêt. Aussi je suis surprise de vous avoir lu jusqu’au bout…c’que vous écrivez bien!!!
Notre quotidien est nappé d’une sauce pleine de grumeaux.
Certaines agglutinations passent presque inaperçues, tandis que d’autres ne passent tout simplement pas. Sans oublier de mentionner que trop de chefs contribuent à gâcher davantage la sauce qui n’était pas très appétissante pour commencer.
On ne devrait jamais se mettre à table sans avoir – au préalable – pris la peine de tamiser ce que l’on va consommer. Car si les grumeaux seront toujours inévitables, un simple tamisage de notre part rendra le repas plus digeste – ou moins indigeste…
À moins que l’on aime les grumeaux, bien entendu.
Bonjour Simon,
Un tout p’tit mot afin de vous faire savoir que je prends toujours un malin PLAISIR à vous lire.
Au delà du sujet que vous traitez et de l’expression de votre opinion, il y a votre style épistolaire, la richesse de votre vocabulaire, la sémantique si insipide chez nombre de vos collègues de la chose écrite. Vous constituez indubitablement l’exception qui confirme la règle et soyez-en remercié!
Bonne journée
Serge