On a évidemment beaucoup parlé du Charlie Hebdo au cours des derniers jours et Je suis Charlie est devenu un slogan provoquant l’adhésion spontanée de bien des protagonistes dont la plupart n’avaient que vaguement entendu parler de cette publication avant les attentats.
De tous les documents disponibles qui permettent de mieux comprendre la genèse de cette publication, née de l’interdiction du journal Hara-Kiri hebdo en 1970, un reportage réalisé par Pierre Dumont et Marc Schindler pour la Radio Télévision Suisse me semble indispensable. On y voit notamment au travail les Reiser, Gébé, Choron, Cavanna et Wolinski, mort lors de l’attentat du 7 janvier 2015.
On comprend certainement mieux, en écoutant Cavanna, l’esprit de la bêtise et de la méchanceté qu’ils revendiquaient à l’origine :
« Bête et méchant, oui. On revendique fièrement la bêtise et la méchanceté que tout le monde repousse. Tout le monde se veut intelligent et bon et tout le monde agit avec une connerie merveilleuse et une méchanceté infatigable. Or, dans ce cas-là, autant revendiquer fièrement la bêtise et la méchanceté. » — Cavanna
En voyant les notables de tout acabit défiler en tête de manifestations, j’ai souri, un peu quand même, en me remémorant ces paroles. Il y a tant d’esprits bons et intelligents qui commettent des conneries merveilleuses.
C’est un documentaire que j’ai visionné à de multiples reprises et que je connais pratiquement par cœur. Or, cette semaine, en le réécoutant ces mots de Wolinski me semblent avoir trouvé un nouvel écho.
« Ça ne peut pas être un journal de militant. Y’en a pas un seul parmi nous. C’est incompatible. Un travail de création est incompatible, je crois, avec un travail de militant. Quand tu es militant, tu ne fais que ça. C’est à dire, tu milites. Et nous, créer, ça comporte une part de rêve, une part de travail chez soi et puis une immense part d’égoïsme. (..) Ce que nous savons faire, nous, n’importe quel militant ne peut pas le faire. Et après tout ce n’est pas notre boulot d’aller coller des affiches. Ce que nous faisons est irremplaçable. Alors qu’on nous foute la paix. » — Wolinksi
Journaliste: Marc Schindler
Réalisateur: Pierre Demont
Visionnez Temps présent: Hara-Kiri Hebdo – 20 janvier 1972
On comprend bien qu’il y a eu deux Charlie Hebdo, celui de Philippe Val et de Charb n’était sans doute plus le même que celui de Cavanna et Choron. La France et la presse ne sont plus, non plus, ce qu’elles étaient à l’époque. Néanmoins, comprendre ce qui motivait ceux qui ont donné naissance à ce projet demeure fondamental pour mieux saisir les enjeux contemporains et les débats qui nous animent aujourd’hui sur ces questions.
Du coup, puisque vous naviguez vers le site de Radio Télévision Suisse, prenez le temps de parcourir ce dossier « Un trait de liberté » duquel est issu ce documentaire.
Vous y trouverez plusieurs documents d’un intérêt indéniable, notamment des entretiens avec Wolinski et Martial Leiter, un long document sur la liberté d’expression en Suisse et aussi un débat sur la censure de l’Écho des Savannes à la suite de la publication d’un dessin de Willem jugé trop scabreux.
Merci mille fois pour cette info!
Je ne suis pas certain que beaucoup de monde savait que ce docu existait.
Je suis devenu ado et anar en lisant Cavanna et cette bande d’humanistes débridés aux allures de goujats….dans le mensuel le plus détesté de Navarre
Ils ont fait grincer des dents cette société gaullienne Où etaient en train de pousser les fleurs de mai 68. C’est dans les pages de hara-kiri hebdo que j’ai lu les premiers textes parlant de pollution et de pesticides. Choron, Cavanna, Gebe…y avait même Fred si je ne m’abuse dans le mensuel Hara-Kiri… Quelle gueule ils auraient faite si on leur avait dit qu’un jour la planète entière ou presque verserait une larme sur leur journal et leurs petits mickeys…..