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Comment je suis devenu cybermasculiniste (!?) et organisateur de festival…(!)

Au fil de mon humble carrière médiatique, j’ai eu droit à pas mal de noms d’oiseaux lancés par quelques idéologues soucieux de me trouver une place dans leur catalogue. C’est ainsi qu’on m’a tour à tour traité d’anarchiste, de hipster multiculturaliste, d’anti-syndicaliste, de cryptofédéraliste, de représentant de la gauche plateaunienne, d’homophobe, de transphobe, d’idiot utile à la solde de Daesh, de colonisé canadian et bien d’autres choses que je n’ai pas cru bon de conserver dans mes souvenirs.

Comprenez donc qu’au gré du vent de l’actualité, je rigole quand même assez souvent. J’attends toujours le nouveau chapeau qu’on voudra me prêter avec un amusement qui ne s’estompe jamais, en me disant que la connerie, elle, au moins, n’a qu’un seul nom.

La plupart du temps, je reçois ces mots nouveaux par le biais des médias sociaux ou de commentaires publiés sur le web. Je me dis toujours que même les technologies les plus évoluées comportent leur part de comique, et ça me rassure pour dire vrai.

Mais aujourd’hui, un ami m’envoie la reproduction d’un article tiré d’un ouvrage collectif dirigé par Francis Dupuis-Déri, professeur permanent à l’UQAM, et Mélissa Blais, doctorante en sociologie et chargée de cours à l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF) de l’UQAM. Des figures contemporaines que je connais un peu pour suivre assez régulièrement l’actualité, et pour lesquelles je n’ai aucune raison d’entretenir un doute sur le sérieux de leur démarche intellectuelle.

L’ouvrage s’intitule: Le mouvement masculiniste au Québec : L’antiféminisme démasqué. Il s’agit d’une toute nouvelle édition revue et augmentée parue cette année aux éditions Remue-ménage. La première édition était parue en 2008.

Or, dans ce livre donc, on trouve un article signé par Sarah Labarre — qui se présente sur twitter comme « Amoureuse, féministe enragée, sale gauchiste d’Hochelag, auteure en devenir, redoutable mangeuse de tartes » — intitulé : Les féministes, les réseaux sociaux et le masculinisme : guide de survie dans le No Woman’s Land.

Dans une section de cet article, intitulée Les médias, les boys clubs et les réseaux sociaux : une nouvelle forme de cybermasculinisme, j’ai eu la surprise de constater que j’avais droit à plusieurs mentions à titre de cybermasculiniste et d’organisateur d’un festival à Alma…!

Ça, j’avoue, je ne l’avais pas vu venir… Hipster multiculturaliste, je pouvais comprendre, car je porte la barbe, mais cybermasculiniste qui organise des festivals, je dois reconnaître mon étonnement complet et total!

En effet, Sarah Labarre avance dans son article, à la page 167, que: « Le Festival de l’internet à Alma, projet de Trouble Voir en collaboration avec l’émission radio-canadienne La sphère confirme les soupçons d’un nombre grandissant de féministes : pas une femme à l’affiche de ce festival de vedettes du web ». Suivent quelques pages où je semble avoir un rôle de premier plan à jouer dans la polémique qui concernait la programmation de la première édition de ce festival.

On lit donc que le projet Trouble Voir (auquel je prends part) et l’émission La sphère diffusée à Radio-Canada auraient collaboré à un projet de festival à Alma. Étonnant.

Madame Labarre ne peut pas ignorer que cette affirmation est tout à fait loufoque et mensongère puisque, par ailleurs, deux pages plus loin dans son article, elle réfère à un texte que j’ai rédigé à l’époque et où je réaffirme n’avoir absolument rien à voir avec la programmation de ce festival ou son organisation.

C’est vraiment très curieux. Voilà que dans un texte qui se veut « savant », publié sous la direction de chercheurs universitaires, je suis devenu organisateur de festival en collaboration avec une émission de Radio-Canada, avec laquelle je n’ai jamais eu, d’une manière ou d’une autre, de lien d’affaire de ma vie.

D’autre part, il faut bien le préciser au passage, il est connu de tous que l’émission La Sphère diffusée à Radio-Canada n’a strictement rien à voir dans l’organisation de ce festival. Et il n’y a jamais eu de collaboration entre cette émission et le Voir, d’aucune manière. Il va de soi que j’en aurais entendu parler…

C’est tout de même assez incroyable, au fil de ces quelques pages, on peut lire mon nom à maintes reprises à propos d’une polémique concernant cet événement, mais jamais celui du réel organisateur de ce festival, qui est pourtant connu et qu’on peut trouver partout dans le fil de presse à ce sujet. Une simple recherche sur Google aurait suffi.

Qu’importe, ces approximations suffisent pour lier la sauce. On goûte alors une sorte de potage assez confus où ce festival de l’internet à Alma, le Voir, votre humble serviteur, La sphère et que sais-je encore, méritent d’être mentionnés comme des « pôles institutionnalisés » constituants des « boy’s clubs (…) qui s’apparentent à la manosphère. »

Retenez votre envie de rigoler, car c’est très sérieux. C’est écrit dans un bouquin.

Comme je vous disais, je ne compte plus les noms d’oiseaux. J’en suis d’ailleurs devenu un avec le temps : Un canard, comme dans l’expression « Comme l’eau sur le dos d’un canard».

Me défendre? Allons… Mais de quoi au juste?

Mais je me questionne tout de même. Comment un ouvrage collectif publié dans un contexte universitaire, à l’instar des médias sociaux dans leur forme comique, peut se contenter de telles balivernes qui tiennent plus du potin 2.0 que d’une réelle recherche dotée d’un état de la question, d’une hypothèse et d’une méthodologie digne de ce nom?

Dans un tel contexte, permettez un peu qu’on sourcille face aux conclusions… On parlera peut-être d’une nouvelle forme de cyber-intellectualisme qui s’apparente à des règlements de comptes idéologiques. J’écrirai peut-être un jour cette théorie en surfant sur Facebook, ce sera du solide.

DUPUIS-DÉRI, Francis, BLAIS, Mélissa et al. Le mouvement masculiniste au Québec : L’antiféminisme démasqué, Montréal, Remue-ménage, 2015, Nouvelle édition revue et augmentée (1ere édition 2008), 320p.