On a vu ces Iraniennes se dévoiler, se prendre en photos et partager cette liberté furtive au monde entier. Geste qui demande une montagne de courage dans une théocratie qui juge bon de dicter aux femmes comment s’habiller. À la lumière de ces récentes actions, des opinions de toutes sortes ont fusées. D’un bord, certains pointent du doigt le fait que la situation est encore plus révoltante en Arabie Saoudite ce qui, par défaut, rendrait tolérable celle des femmes en Iran. Si l’imposition d’une burqa est sans contredit d’une abjection sans nom, ce n’est pas une raison pour banaliser le fichu qu’on demande aux femmes iraniennes de poser sur leur tête. De l’autre côté, en trop grand nombre, il y a ceux qui en ont profité, une fois de plus, pour déverser leur fiel d’éternels stéréotypes et ridiculiser les femmes portant un voile par conviction. Les deux positions excluent complètement la voix des femmes concernées. Pourtant, c’est d’une évidence : quand on parle d’imposer le port d’un vêtement ou d’en imposer le retrait, dans les deux cas, on nie le droit des femmes à l’autodétermination.
En ce sens, ce que ces femmes font, de marteler ainsi leur droit de choisir librement, est tout à leur honneur. Elles traduisent aussi toute la force qui habite les femmes dans ces différents pays qu’on pointe trop souvent du doigt, qu’on veut trop souvent prendre sous notre aile. Elles prouvent qu’elles sont amplement capables de générer des changements dans des sociétés particulièrement conservatrices, sans la bénédiction occidentale. Quand ces femmes décident qu’il est temps de remuer l’ordre étatique, ou du moins certains codes en place, elles savent précisément comment s’y prendre.
Un autre aspect pour le moins intéressant est ressorti, soit l’appui qu’elles ont reçues, pour plusieurs d’entre elles, des hommes les entourant. Que ce soit un père, un frère ou un amoureux, les photos où ces hommes apparaissent, fiers et confiants, sont parlantes comme jamais. Force est de constater que l’image des hommes Iraniens, musulmans ou pas, est ébranlée. Comme les femmes, les hommes dans ce coin du globe revêtent rarement un beau rôle dans l’imaginaire collectif, mais d’un geste d’appui aux femmes Iraniennes, ils détruisent des stéréotypes tenaces à coup de sourires. De toute façon, quelle est la valeur d’une pratique religieuse si elle est faite sans conviction? Nulle, absolument nulle.
Cela rappelle aussi le cas de cette rappeuse égyptienne, Mayam Mahmoud, qui raconte que c’est son père qui l’a poussé à persévérer dans ce qui la passionne, même si cette passion est teintée de tabous. Ou encore, ces femmes Saoudiennes qui ont pris le volant des voitures, bravant les interdits, faisant fi des conséquences, la majorité d’entre elles supportées par des hommes. Mais encore une fois, elles ont menés ces actions seules, mues par le regard critique et indépendant qu’elles sont capables de poser sur certaines lois et certaines coutumes.
Ces gestes de résistance sont aussi significatifs sur un autre aspect, ils démontrent que dans nombreux cas, obliger sans raisons valables des individus à adopter des comportements ou des pratiques qu’ils n’ont pas eux-mêmes choisit, résultera en un rejet catégorique de l’imposition. Là-bas, contraintes de se couvrir la tête, elles se dévoilent, ici quand on tente de convaincre les femmes, sans répit et de façon hautaine, d’abandonner leur foulard, elles ne vont probablement pas faire une ribambelle en guise de remerciement. Encore une fois, les deux situations exclus la capacité de réflexion et de prise de décision individuelles des femmes.
D’ailleurs, sans grande surprise, ces évènements ont rouvert les valves aux analyses à deux cents sur le voile. Des réflexions réductrices qui ne prennent pas en considération la complexité de l’histoire de cet habit. Des dichotomies tracées entre celles qui se battent pour l’enlever et celles qui veulent le garder, les unes courageuses, les autres aliénées, en faisant complètement abstraction du fait qu’elles ont toutes en commun la lutte pour la reconnaissance du droit indiscutable de choisir comment elles veulent se vêtir. Le voile transporte toute une histoire, parsemée de significations et de compréhensions diverses et n’en faire qu’un symbole politique est d’une simplicité hallucinante. D’un pays à l’autre, d’une culture à l’autre, d’une histoire à l’autre, la charge de cet habit n’est pas la même. Là où il est devenu effectivement un outil de contrôle, il a été ailleurs synonyme de résistance et de fierté. Mais au Québec, à mille lieux des conflits politiques, économiques et sociaux qui sévissent dans ces pays meurtris, il n’a aucune valeur politique, même si ça en fait grincer certains des dents de l’entendre. Quoi qu’il en soit, sociologiquement parlant, quand on porte un regard sur un phénomène, on devrait prendre en considération toutes les facettes qui le composent, nuancer objectivement et l’appréhender dans son ensemble. Exclure de l’équation, volontairement ou pas, certains des éléments qui édifient l’objet qu’on observe, ne résultera qu’en une conclusion boiteuse et partielle.
Mais pour finir sur une note positive, ces femmes sont précisément ce qui me fascine chez ce sexe que l’on veut faible, elles vivent dans un monde qui les essentialise de toutes les manières possibles, tantôt par les burqas afghanes, tantôt par les publicités qui n’en font que des bibelots, mais elles finissent toujours par trouver le moyen de lever le ton face aux oppressions symboliques, physiques ou morales de toutes sortes. De scander qu’elles ont le droit à l’autodétermination, partout, tout le temps. Et en étant critiques face aux impositions et à l’instrumentalisation de leurs corps, elles sont déjà en voie de reprendre le volant de leur liberté, la brise dans les voiles ou dans les cheveux, dépendamment de ce qu’elles choisissent. Seules.
Bon billet, Madame Awada.
Mais si les femmes sont – et cela depuis toujours et partout – opprimées, les hommes pour leur part ont le plus souvent été endoctrinés. Par la religion. Par le militarisme.
Ni les femmes ni les hommes ne font véritablement ce qu’elles et ils feraient librement. Ce monde dans lequel nous vivons est trop souvent malsain.
Terminons toutefois sur une note positive: un jour cela finira bien par changer. Pas tellement par volonté de changement, mais parce qu’il ne sera plus possible de continuer plus encore dans la bêtise.
Un espoir. Probablement naïf. Mais un espoir, tout de même.
« Le voile transporte toute une histoire, parsemée de significations et de compréhensions diverses et n’en faire qu’un symbole politique est d’une simplicité hallucinante. D’un pays à l’autre, d’une culture à l’autre, d’une histoire à l’autre, la charge de cet habit n’est pas la même. »
Je suis d’accord avec vous. Une polysémie existe.
Dans un ordre d’idée similaire, afficher un symbole « satanique » ne fait pas forcément de toutes personnes qui le portent un sataniste qui fait des « rites sataniques » clandestins en tuant des enfants dans une « liturgie » de l’horreur.
Un certain satanisme burlesque libéral-libertin américain (Église de Satan) ne propose-t-il pas Ayn Rand avec des « rituels » ? Certains groupes religieux américain ne voit pas la chose de la même manière. L’anti-satanisme religieux (et laïque) exagère souvent le phénomène du satanisme. Le principe de réalité en prend un coup.
Salut Dalila!
Très bon texte… Une chose : » quand on parle d’imposer le port d’un vêtement ou d’en imposer le retrait, dans les deux cas, on nie le droit des femmes à l’autodétermination. » C’est bien vrai, mais il faut prendre en considération un autre coté du problème que le « paternalisme » du PQ n’a pas su exposer clairement : le droit absolu à l’autodétermination provient du gouvernement des juges du Canada; de la charte des droits et libertés de Trudeau! On nous »impose » en quelque sorte les droits individuels absolus ( au détriment des droits collectifs ), et ce ne serait pas de l’ordre du gouvernement élu par le peuple d’en décider, mais bien de juges éclairés et non élus. Au Québec, nous avons besoins de renforcer notre identité collective, et faire front à la Charte était une bonne stratégie pour affirmer notre droit à l’autodétermination; à déterminer collectivement les codes que nous partageons… Ça peut paraitre banal, mais de déterminer « l’habit officiel » du travailleur de l’État ça donne une certaine cohésion à notre identité, et ça renforci l’idée d’une culture commune et surtout d’un devoir envers le peuple ( détachement de son individualité pour servir la nation ). En tout cas, il faut pas oublier qu’il n’a jamais été question d’empêcher les femmes de porter le voile dans l’espace public ( comme n’importe qui peu s’afficher et vivre son identité personnelle comme il le veut ), mais bien d’exiger une certaine conformité normative afin de consolider la culture du Québec, en péril dans une Amérique ou les Droits de l’individu prime sur tout. Le débat à mal été emmené, et il faudra le renouveler, mais je pense que ce n’est pas que du mauvais! Bonne journée!
L’idée de faire du projet Drainville un débat contre « la charte de Trudeau » est une position de repli du gouvernement Marois. Elle n’a été amenée qu’assez tardivement dans le débat, quand les critiques venant des milieux souverainistes devenaient trop fortes (difficile de traiter Parizeau d’intégriste musulman ou de partisan du « multiculturalisme de Trudeau »).
Parce que le projet contrevenait aussi à la charte québécoise des droits et libertés. L’idée qu’il suffisait de la modifier par une simple majorité parlementaire selon les besoins du gouvernement avait aussi de quoi inquiéter bien des gens. A quoi sert une charte des libertés si un gouvernement peu l’amender chaque fois qu’un de ses projets de lois entre en conflit avec elle ? On arrive à une situation où les lois n’ont plus à se conformer à la charte, mais celle-ci à se conformer à n’importe quelle loi que décide unilatéralement de voter un gouvernement. Comme la loi 12 de Charest.
Bonjour M. Mercure,
En quoi mon identité en tant que Québécois est-elle renforcée par l’interdiction du port de signes religieux pour la fonction publique et parapublique? Et de quel droit définissez-vous l’identité de laquelle je participe comme étant définie par de telles mesures? Je me sens au contraire bafoué dans mon identité de Québécois (moi qui suis parfaitement agnostique, soit dit en passant), lorsqu’un gouvernement importe en vrac des politiques et un langage qui est celui du jacobinisme français, dans lequel je ne me reconnais pas du tout.
Est-ce une façon efficace de permettre à la culture Québécoise de s’épanouir? Plusieurs problèmes au sujet de l’application de ces mesures et de leurs conséquences sur certains segments de la société ont été soulevés. Il y a plusieurs façons d’arriver à des résultats. Or dans ce cas-ci, celle qui a été choisie par le PQ semble être particulièrement ardue, peu efficace pour l’énergie et l’effort qu’elle demande, et les conséquences délétères bien réelles qu’elle aurait.
Pourquoi vous n,avez pas dit ça aux hassidim qui sont là depuis un siècle?
Je suis d’accord avec vous Édouard Mercure. Vous résumez ce qui a été dit durant le débat sur la charte, mais si Dalila ne l’a pas compris à ce moment-là, c’est peine perdue, elle ne le comprendra jamais.
« Mais au Québec, à mille lieux des conflits politiques, économiques et sociaux qui sévissent dans ces pays meurtris, il n’a aucune valeur politique, même si ça en fait grincer certains des dents de l’entendre. Quoi qu’il en soit, sociologiquement parlant, quand on porte un regard sur un phénomène, on devrait prendre en considération toutes les facettes qui le composent, nuancer objectivement et l’appréhender dans son ensemble. Exclure de l’équation, volontairement ou pas, certains des éléments qui édifient l’objet qu’on observe, ne résultera qu’en une conclusion boiteuse et partielle. »
Chère Dalila,
Quand vous dites cela, vous ne considérez QUE votre point de vue. Car le simple fait que le voile fasse ici grincer des dents, et ne soit pas reconnu comme une valeur « québécoise », A une valeur politique. Ici le voile est perçu comme le symbole d’une religion obscurantiste et rétrograde dont on ne veut pas. Surtout que les événements et incidents manifestant de l’installation de l’intégrisme musulman au Québec semblent en nette progression. Cela ne vous inquiète pas ? Moi oui, et le voile en est un symbole.
Est-ce que vous prenez en compte cette « facette du problème » vue par votre terre d’accueil ?
Il semble bien au contraire que vous en fassiez fi, et donc selon votre propre conclusion, elle est boiteuse et partielle.
Et c’est un homme qui se pose expert en féminisme. Qui veut décider pour les autres ce qui est correct ou pas.
Cherchez l’erreur.
Un peu de lecture ne vous fera pas de tort.
http://classiques.uqac.ca/contemporains/helly_denise/orientalisme_pop_et_modernisme/orientalisme_pop_et_modernisme_texte.html
http://www.fichier-pdf.fr/2013/09/19/l-orientalisme-l-orient-cree-par-l-occident/
Qui êtes-vous pour définir ce qu’est ou n’est pas le féminisme ?
Vous êtes un militant féministe de longue date ?
Et vous pensez qu’il n’existe qu’une seule définition du féminisme ? Hors de cette définition, point de salut ?
Puisque vous êtes devenu un spécialiste (pour ne pas dire un prêcheur) du féminisme, vous pourriez éclairer ma lanterne sur ces quelques questions:
Une femme peut-elle être féministe en portant:
– une jupe ?
– un décolleté ?
– du maquillage ?
Une femme qui reste à la maison pour cuisiner, faire le ménage et élever les enfants peut-elle être féministe ?
« On croira au féminisme du voile quand on verra une femme voilée québécoise se porter à la défense des femmes qui refusent le voile ! Et à la défense des femmes qui risquent la flagellation pour avoir été embrassée par un homme qui n’est pas un membre de sa famille »
J’ai été éduquée par des religieuses qui portaient leur voile distictif selon la communauté. Après le concile Vatican II, elles étaient libres de s’habiller en civil ou de porter leur voile. Toutes celles qui oeuvraient dans les universités ou dans les CHSLD ont choisi de ne plus attirer l’attention sur leur état civil de religieuse!…Et certaines continuent de le porter dans leur couvent parce qu’elles ont choisi de le faire! Vous ne les voyez pas venir à Denis Lévesque pour afficher leur choix!…et contester le Concile fait par des hommes ayant fait voeux de chasteté!
Donc, si vous avez choisi de porter votre foulard, nous sommes dans un état démocratique au Québec; portez-le et laissez-nous tranquille avec votre choix.
« There are few societies in which the veil and the cocktail dress coexist for long. One usually drives the other out. » (Christopher Caldwell, « The Turkey Paradox », The Weekly Standard, July 26, 2004, http://www.weeklystandard.com/Content/Public/Articles/000/000/004/338dpeea.asp).