Jean-Claude Lord a beau être en faveur de la décriminalisation de la prostitution et de toutes formes de «travail du sexe» (une position que je partage), cela ne justifie pas le regard unidimensionnel qu’il nous présente dans son documentaires actuellement à l’affiche intitulé Les criminelles. En fait, ce n’est pas un documentaire puisqu’un documentaire devrait nous présenter au moins un aperçu, si mince soit-il, d’un point de vue divergeant. Il s’agit plutôt d’un éditorial, et c’est son droit, mais d’un éditorial bien naïf tellement le métier de prostituée est présenté à travers des lunettes roses.
D’entrée de jeu, le réalisateur soutient que si notre société réprime la prostitution, c’est que nous n’acceptons pas la nudité en public. La preuve: les naturistes vivent collectivement nus sans que cette nudité n’offense personne et ne soit érotisée. La question qu’il faut donc poser est celle-ci: pourquoi ne vivons-nous pas tous nus? Jean-Claude Lord ne pose pas cette question et ne se met pas nu pour faire ses entrevues. Même les naturistes, dont je fus dans une autre vie, ne se mettent pas nus n’importe où et avec n’importe qui. Simple tabou social? Je ne suis pas si sûr: la nudité intégrale en toutes circonstances chez les adultes demeure exceptionnelle en ethnologie.
Des naturistes, Lord passe aux danseuses nues. On change donc de registre: il ne s’agit plus de vivre nus mais d’exposer sensuellement et érotiquement la nudité d’une personne au milieu d’un groupe qui demeure vêtu, donc dans un rapport inégal à la sexualité. Le réalisateur a pris soin de ne faire témoigner que de belles jeunes femmes, intelligentes, articulées, instruites et parfois même mères de famille, qui disent avoir choisi librement ce métier et le pratiquer sans consommer (!). Ces femmes ont choisi d’être danseuses pour s’affirmer et s’assumer. Mais pourquoi s’affirmer de cette façon? On comprend que c’est très payant. Mais on aurait aimé en savoir un peu plus sur ce qui les pousse vers ce métier, au-delà du gain rapide mais pas forcément toujours facile. Quel est la psychologie de ces femmes? Sont-elles motivées par le plaisir de s’exhiber? D’où leur vient ce besoin de le faire en public? Sentent-elles qu’elles ont un pouvoir sur le mâle? Jean-Claude Lord ne pousse pas le questionnement au-delà de la première réponse donnée du bout des lèvres. Et si ces femmes assument leur choix et disent ne pas en avoir honte, pourquoi plusieurs tiennent-elles à témoigner à visage couvert?
Des danseuses, on passe à la prostitution du rue et comme escorte. Autre changement de registre, même s’il s’agit de vases communicants. Encore ici, des femmes libres et qui s’assument. Jamais il n’est question des agences ni des pimps. Alors que tout un pan de l’industrie de la construction et de l’administration municipale à Montréal est sous le contrôle du crime organisé, peut-on raisonnablement penser que, dans le contexte de travail au noir qui est le leur, les travailleuses du sexe (TDS) sont des «travailleuses autonomes» qui ne doivent rien à personne? Bien que Jean-Claude Lord ait voulu accorder la parole à des TDS assumées, il nous prend pour des naïfs en occultant totalement cet aspect de la réalité. Silence complet aussi du côté des «abolitionnistes» qui réclament une plus forte répression contre les clients des prostituées, pensant ainsi en arriver à faire disparaître la prostitution. On peut penser que cette voie est un leurre, comme ça semble être le cas en Suède où de l’aveu des TDS une législation de cette nature n’a fait que déplacer la prostitution de rue vers des pratiques moins visibles, mais on aurait aimé que le propos soit exposé.
Les femmes interviewées dans le film de Lord sont tellement bien dans leur peau et font tellement de bien autour d’elles qu’on a l’impression qu’il ne s’agit pas du plus vieux métier du monde mais du plus beau métier du monde. Et j’exagère à peine. Lorsqu’une jeune danseuse nous avoue qu’elle est revenue au métier d’escorte après un retrait dû à une arrestation, on a l’impression que Jean-Claude Lord va la féliciter.
Ceci dit, je suis tout à fait avec lui et avec les intervenantes de Stella (organisme d’aide pour les TDS) pour dénoncer des lois répressives, hypocrites et contre productives et réclamer la décriminalisation de la prostitution. Je serais même enclin à soutenir sa légalisation. Une autre lacune du «documentaire» est de ne pas faire le point sur ce que dit le Code criminel. La prostitution elle-même n’est pas illégale au Canada. Ce qui est interdit, c’est tout ce qui l’entoure: on peut offrir des services sexuels pour de l’argent, mais il est interdit de faire du racolage en public, de vivre des fruits de la prostitution d’une autre personne (le proxénétisme) et de se trouver dans un lieu de débauche ou de tenir une maison de débauche. Une maison de débauche est tout lieu, intérieur ou extérieur, où se pratique la prostitution. Une escorte qui reçoit les clients chez elle tient donc une maison de débauche. La même chose vaudrait pour le client qui reçoit l’escorte chez lui. Si la prostitution n’est pas illégale, il est impossible de la pratiquer légalement.
Les lois de l’espèce
D’un point de vue anthropologique, on doit tenir compte du fait que la relation sexuelle est, au premier abord, un rapport de reproduction et que ce type de rapport est biologiquement et socialement codé. Même si la sexualité est largement utilisée en dehors de sa fonction de reproduction, comme chez les bonobos et les chimpanzés d’ailleurs, cela ne veut pas dire que les lois de la reproduction sont inopérantes dans ces circonstances.
Le voyeurisme entretenu par les clubs de danseuses s’observe aussi chez les macaques (où le mâle préférera, entre plusieurs photos de femelles, les visages et les postérieurs aux couleurs de l’oestrus, signe d’un état de fécondité), et la relation sexuelle en échange de nourriture s’observe aussi chez les chimpanzés. Chez le primate humain, la gamme des rapports sexuels va de l’amour romantique jusqu’à la prostitution dénuée de toute affection en passant par le mariage dont les règles varient dans chaque société. Chez tous les peuples, le sentiment amoureux existe, même lorsqu’il ne constitue pas la base d’établissement du couple. Dans toutes les sociétés, le rapport sexuel en échange d’argent ou d’autres biens existe aussi. Aucune de ces formes d’échange sexuel n’est contre-nature et ne devrait être réprimée dans la mesure où elle ne fait pas de victime, contrairement à la pédophilie et au viol.
Dans une société libérale, le critère d’acceptation ne devrait pas être fondé sur un jugement moral face à telle ou telle pratique sexuelle mais sur le fait que la pratique en question fait des victimes ou non. Je sais, on me dira que la prostituée est une victime qui s’ignore, ce à quoi la prostituée répondra que bien d’autres formes de travail produisent des victimes qui s’ignorent. Voilà pourquoi les critères d’ordre moral ne sont guère de bons guides pour guider un législation cohérente.
La prostitution est légale au Canada ?J’ai des doutes.Moi en tous cas je suis pour la décriminalisation de la prostitution.Ce qu’il faut au Canada c’est des bordels autorisés par le gouvernement .Il le faut pour la sécurité des prostitués(es) et de leurs clients,pour combattre le travail au noir et les bandes criminelles.Il devrait y avoir dans ces bordels des employés pour les dépistages des maladies transmises sexuellement et d’autres employés pour intervenir dans les cas de toxicomanie et /ou d’alcoolisme.En ayant ces bordels,nous pourrions lutter efficacement contre la prostitution (de rues) et il y aurait moins de seringues dans nos rues et ruelles.
A la question pourquoi nous ne vivons pas nus,je dois répondre qu’avec le climat que nous avons au Québec c’est pas évident ,même que certains étés sont frisquets.J’ai fait du nudisme déja et je vais en faire encore,il n’y a rien de mal la dedans.
Pour ce qui est des bars de danseurs (ou danseuses) nus ,je ne comprend pas l’engouement des gens pour ça.Je suis déja allé voir des danseurs nus mais ça ne m’excite pas ,je préfère les saunas gays.
À lire vos billets, chacun remarquablement bien étoffé et écrit – soit dit en passant Monsieur Baril – je perçois chez vous une irrépressible envie de venir «brasser la cage» des idées reçues. Des convenances socialement répandues sans pour autant avoir fait l’objet de la moindre réflexion songée.
La plupart s’accommodent ainsi du moule façonnant leur coin de pays et ne remettent pas en question – ou si peu et si rarement – le maillage du tissu social dont ils se vêtent tout machinalement. Sans y penser.
Vous n’êtes à l’évidence pas de cette eau.
Dérangeant et rafraîchissant. Une oasis dans notre vaste désert de mirages. Enfin.
Je suis d’accord avec l’analyse critique que fait Daniel Baril de la vision édulcorée de la prostitution que véhicule le film de Jean Claude Lord. Cependant, j’ai la conviction que pour expliquer la prostitution, il est important d’accentuer davantage le rôle que joue la biologie.
La biologie, il me semble, décrit, au premier abord, la relation sexuelle comme la gratification d’une pulsion non réfléchie plutôt que d’un besoin de conformité à des normes sociales qui font par ailleurs l’objet de la sociologie et de l’anthropologie. À mon avis, la biologie suffit à expliquer comment les mammifères, dans leurs rapports sexuels, sont d’abord mus par un besoin de gratification et que ceci est en général plus prononcé sinon plus urgent chez les mâles. En plus, dans la majorité des espèces de mammifères, les mâles les plus forts ou les plus rusés s’approprient souvent le privilège de féconder les femelles de leurs choix en quantité disproportionnées.
Dans cette optique, d’aucuns se contenteraient d’invoquer la situation sociale et économique défavorable de certains mâles, pour justifier l’existence de la prostitution dans certaines sociétés modernes. C’est d’ailleurs ce qui est parfois invoqué pour expliquer le phénomène de la prostitution en Chine où il y a moins de femmes que d’hommes créant ainsi une situation ou la demande dépasse l’offre ce qui favorise les mieux nantis. Dans ce contexte, le mariage pourrait être envisagé comme une des variantes, et non la plus économique, d’une solution recherchée pour sa valeur de gratification d’un besoin biologique essentiel et primaire. Pas besoin de faire intervenir l’anthropologie ou la sociologie pour expliquer son existence. Cependant, ces deux disciplines peuvent toujours nous éclairer quant aux solutions à développer pour faciliter l’intégration d’individus « en manque » dans des sociétés qui, plus souvent qu’autrement, réprime l’expression de la sexualité tout en l’exacerbant par ailleurs.
Si je vous comprends bien, vous associez en partie la prostitution à un déséquilibre du ratio homme-femme dans une société donnée. Bien qu’on ne puisse pas y voir la cause première de la prostitution (service sexuel contre bien matériel), l’hypothèse mérite d’être examinée. À première vue toutefois, il ne semble pas y avoir de lien. En Chine, même avec la politique de l’enfant unique qui entraine un taux plus élevé d’avortements d’embryons féminins, la prostitution a été sévèrement réprimée pendant l’ère maoïste. Aujourd’hui, elle est toujours interdite, quoique plus tolérée, et profite surtout aux nouveaux riches plutôt qu’aux mâles démunis et sans partenaire.
En Inde, l’infanticide féminin se pratique depuis des lustres et la prostitution est régie par une loi semblable à celle du Canada: pas illégale, mais tout ce qui l’entoure est interdit. Dans les pays musulmans ou la polygynie est acceptée (une homme avec plusieurs épouses), il y a nécessairement un déséquilibre du ratio homme-femme et on devrait, selon l’hypothèse évoquée, être plus libéral à l’égard de la prostitution. Même si le Coran n’interdit pas formellement cette pratique, les islamistes punissent allègrement les prostituées du fouet ou même de lapidation.
Par contre, si la prostitution vise à soulager un trop fort besoin sexuel des hommes, comme vous le soumettez également, on devrait la retrouver davantage dans les pays comme le nôtre où prévaut la monogynie.
Dans un cas comme dans l’autre, la prostitution peut donc être mise en lien avec le rôle reproducteur du mâle en mesure de multiplier ses actes reproducteurs peut dispendieux alors que la femelle est forcément limitée par le coût biologique d’un tel geste (grossesse et allaitement). La recours à la contraception ne changement pas le programme biologique qui gère ce comportement reproductif.
Pour ou contre la légalisation de la prostitution. Voilà la question. Saviez vous qu’il existe des gens pour proner la demi-abolition ? Il s’agit de préconiser la criminalisation du client seulement. Quelle extraordianire amalgame de féminisme et de son contraire ! Cette position angélise et infantilise les femmes, du même coup.
Par ailleurs, si on préconise la criminalisation de la prostitution, il faudra être conséquent. Une personne qui apprend, et qui peut démontrer, que son partenaire de mariage l’a épousé pour son pouvoir d’achat devrait pouvoir faire pénaliser criminellement son conjoint, puisque « l’amour pour l’argent » serait considéré criminel…
Le film Les Criminelles est maintenant disponible gratuitement sur le web. sur ce lien. http://lescriminelles.com/
Je suis travailleuse du sexe depuis 7 ans, et je suis aussi militante pour nos droits, sécurité et dignité. Tout comme Stella et bien d’autre le fond également. Criminaliser nos clients c’est un non sens, ça ne répond pas du tout à notre besoin, ce n’est pas ce que l’on veux. Ça répond plus au besoin des abolitionnistes qui souhaite par tout les moyens de nous empêcher de travailler. Si on a participé à ce film, c’est justement parce que faire ce travail n’est pas toujours rose. On a à se battre contre les préjugés, les moqueries, les railleries… On est la risée de bien des gens. J’ai même pas besoin de parler de violence physique, la violence verbale est déjà bien présente et désagréable.
En espérant qu’un jour on nous écouteras et qu’on essaieras de comprendre ce qu’on demande la vrai décriminalisation du travail du sexe autant pour les TDS que leur client. … Que les agresseur et l’exploitation et les mineures dans l’industrie demeure criminelle… Ça oui, mais il est plus que temps de faire la différence entre travail et exploitation, entre client et agresseur.
Le film L’imposture de la CLES est aussi uni-dimentionnel. Ils ont ignorée la parole des TDS active qui apprécie leur travail. Est ce qu’on les as accusé de porter des lunette noirs? Cette ligne de pensé et cette éducation pour dénigré et victimisée les travailleuses du sexe est tellement bien subventionnée et encouragé… Que des gens comme Jean-Claude Lord qui veulent faire un film qui montre qu’on est pas toute des victimes il n’y a aucune subvention pour ça. La propagande pour nous noircir est très forte. C’est dure de lutter contre ça.
Si on est victime de quelque chose c’est bien de toute cette propagande pour nous réduire à des pauvres femmes. Oui il y en a certainement dans l’industrie, mais il n’y a pas qu’elle.
Ce n’est pas le plus vieux métier du monde… C’est le métier le plus mépriser au monde. http://lescriminelles.com/
Le film de Jean-Claude Lors c’est un docu-fiction. Le personnage de Karine à été construit et inspirée de nos histoires de TDS et avec la participation de Stella également. Jean-Claude avait son scénario de base mais il a été modifié pour que l’histoire soi le plus près de la réalité et le plus plausible.
Les lois disent que ce n’est pas illégale… mais il font tout pour nous interdire la pratique de ce métier comme il est dit dans la critique… et de faire en sorte que ça soit sécuritaire pour nous. On travail pareille en in call / en recevoir, on a pas attendu la bénédiction du gouvernement… et à ce moment là… on devient automatiquement des criminelles.
Il est dure pour nous d’avoir la sympathie des gens, quand notre bon gouvernement à fait de nous des criminelles. On est a peu près les seules femmes au pays qui ne mérite pas la protection de la police.
Merci d’avance à ceux qui reconnaissent nos droits, notre sécurité et notre dignité.
La légalisation de la prostitution
augmente-t-elle la traite d’êtres humains?
http://centpapiers.com/la-legalisation-de-la-prostitution-augmente-t-elle-la-traite-d%E2%80%99etres-humains/
… Dans une société libérale, le critère d’acceptation ne devrait pas être fondé sur un jugement moral face à telle ou telle pratique sexuelle mais sur le fait que la pratique en question fait des victimes ou non…
Les familles font des victimes, le travail fait des victimes, la guerre et la police font des victimes même que, chez certains, leur naissance fut la création, naturelle ou assistée, d’une victime…