Tous des bigots et des intégristes religieux, les immigrants? Ce préjugé vole en éclat à la lumière des données du recensement canadien de 2011 qui commencent à être rendues publiques.
Début octobre 2013, Statistique Canada dévoilait les plus récentes données concernant l’immigration incluant certaines informations sur l’appartenance religieuse. On découvre qu’au Québec il y a plus de gens sans appartenance religieuse au sein de la population immigrante (quelle que soit la date d’arrivée au pays) qu’au sein de la population non immigrante.
Au total, tout lieu de naissance confondu, 12% de la population du Québec se déclarent sans appartenance religieuse, c’est-à-dire soit agnostiques, athées, humanistes ou sans religion.
Lorsque l’on considère séparément les gens nés au pays et ceux ayant le statut d’immigrants (donc pas encore citoyens canadiens), le taux de sans-religion est de 11,5% dans le premier groupe comparativement à 14,6% dans le second. Cette différence est encore plus élevée lorsque l’on ne considère que l’immigration récente, c’est-à-dire la population arrivée au Québec entre 2006 et 2011; dans ce groupe, la proportion de sans-religion est de 16,4%. Autrement dit et contrairement à ce à quoi on pourrait s’attendre, l’immigration augmente le taux de sans-religion.
La proportion de sans-religion, tout lieu de naissance confondu, a ainsi doublé au Québec depuis 2001. Ce groupe, qui compte maintenant 937 545 personnes, est le deuxième en importance après les catholiques romains qui sont au nombre de 5 766 750 personnes (75% en 2011 par rapport à 83% en 2001). Ce fait a été presque totalement ignoré de la part des médias et demeure largement méconnu, peut-être par aveuglement volontaire, de la part des décideurs. Les incroyants gagneraient à se faire voir. À cette fin, signer le recensement des Libres penseurs athées est déjà un début.
Évidemment, être sans appartenance religieuse ne signifie pas que l’on soit athée. Au sein de ce groupe, la presque totalité est composée de gens qui mentionnent tout simplement être sans religion. Ceux qui précisent qu’ils sont athées ne représentent que 0,14% des répondants, les agnostiques et les humaniste encore moins.
Mais précisons que la question de recensement porte sur la filiation religieuse, que l’on soit pratiquant ou non, croyant ou incroyant. Aucune case ne propose la filiation « athée » ou « incroyant », de sorte qu’il faut inscrire soi-même cette identification à la ligne « religion ». Ce fait conduit à sous-estimer de façon importante le nombre d’athées ou d’incroyants au Canada.
Au Canada
Autre surprise : alors que le Québec passe pour être l’une des sociétés les plus sécularisées de la planète, le taux de sans-religion est de 20% dans l’ensemble du Canada, soit 8% de plus qu’au Québec. Il grimpe même à 24,8% chez les gens nés au pays, contre 19,5% au sein de la population immigrante.
Cette différence entre le Québec et le reste du Canada est difficile à expliquer avec les données actuelles, mais l’écart pourrait être dû au fait que la proportion de nouveaux arrivants de religion musulmane est plus élevée au Québec que dans l’ensemble du Canada alors que l‘immigration asiatique est plus forte hors Québec.
Un professeur de l’Université d’Ottawa, Peter Beyer, a déjà souligné que les Asiatiques, notamment ceux de seconde génération, ont tendance à se considérer sans religion même s’ils sont bouddhistes, taoïstes ou shintoïstes. À leurs yeux, avoir une religion c’est adhérer à une institution religieuse, un élément qui correspond moins à leur réalité religieuse. Les chiffres peuvent donc être trompeurs.
Cette hypothèse peut être appuyée par le fait que la proportion de sans-religion atteint près de 40% en Colombie-Britannique, province qui compte la plus importante immigration d’Extrême Orient.
Un autre élément qui peut expliquer l’importance de ce groupe au sein de la population immigrante est le fait que cette population est plus jeune que l’ensemble de la population canadienne et que le taux d’incroyance est généralement plus élevé chez les 25-30 ans que chez les 50-60 ans.
D’autres ont aussi avancé que plusieurs immigrants préfèreraient taire leur appartenance religieuse de crainte que cela ne se sache dans leur voisinage et ne leur porte préjudice.
Qui dit vrai?
Un sondage panaméricain d’Environics Institute publié en novembre 2012, révélait que le Canada se démarque par le plus faible taux de population pour qui la religion est très importante, soit 19%, et que cette proportion baisse à 13% au Québec. Pour 28% des Québécois, la religion est sans aucune importance comparativement à 24% pour l’ensemble des Canadiens (Québécois inclus). En outre, 44% de ceux qui se disent sans religion se déclarent athées ou agnostiques.
Un autre sondage mondial réalisé en 2012, Global Index of Religiosity and Atheism, montre un taux d’athéisme de 9% au Canada, ce qui est plus de 80 fois le taux des fractions irréalistes du recensement canadien. Un sondage de La Presse a même déjà donné 20% d’athées au Québec!!!
La conclusion que l’on peut tirer de tous ces chiffres, et je le souligne depuis longtemps, c’est que le recensement de Statistique Canada ne donne pas un portrait fiable de l’appartenance religieuse et encore moins de l’incroyance au Canada. Pour avoir un portrait clair de la situation, il faut une enquête plus précise que la question posée par le recensement et plus subtile que la simple question du genre « croyez-vous en Dieu? Oui/Non » habituellement posée par les sondages.
Je m’étonne toujours qu’aucun universitaire ne soit intéressé à réaliser une telle étude.