Je suis sidéré par les arguments entendus dans le débat sur l’interdiction du turban sikh par la Fédération de soccer du Québec (FSQ) et par la malhonnêteté dont font preuve les médias dans cette affaire.
Lorsque la FSQ a annoncé, le 1er juin, qu’elle interdisait le port du turban, elle ne faisait qu’appliquer la réglementation de la Fédération internationale de football association (FIFA) qui prescrit quel doit être l’équipement porté par les joueurs. Le turban n’en fait pour l’instant pas partie. Pour des raisons de sécurité, la FSQ disait attendre le feu vert de la FIFA pour autoriser ce couvre-chef religieux. Il n’y avait rien là et cette position plutôt sage aurait mérité des félicitations. Mais les médias en ont fait tout un plat et sont tombés à bras raccourcis sur la FSQ plutôt que sur le règlement de la FIFA.
Règlements bafoués
La FSQ, par la voix de sa présidente Brigitte Frot, s’est quant à elle très mal défendue en ne misant que sur l’aspect sécuritaire du turban. Le turban est essentiellement un signe religieux et les règles de la FIFA précisent que:
Les joueurs ne sont pas autorisés à exhiber des slogans ou de la publicité figurant sur leurs sous-vêtements. L’équipement de base obligatoire ne doit présenter aucune inscription politique, religieuse ou personnelle.
(…) L’équipe d’un joueur dont l’équipement de base obligatoire présente une inscription ou un slogan politique, religieux ou personnel sera sanctionné par l’organisateur de la compétition ou par la FIFA.
Cette règle découle d’une décision de l’International Football Association Board qui a été intégrée à la Loi 4 de la FIFA. Le Règlement de l’équipement de la FIFA en ajoute:
8.4 Les éléments décoratifs peuvent faire partie d’une ligne de produits d’un fabricant, sous réserve de ne pas donner l’impression visuelle, à travers leur disposition, leur stylisation ni aucun autre moyen, d’être une marque d’identification de fabricant ou de pays, un symbole religieux ni aucun autre symbole analogue.
54.1 Lors de tout match, toute publicité de sponsors, fabricants ou tiers ainsi que tout message politique, religieux ou toute annonce personnelle et/ou autre, sont strictement interdits sur tous les éléments de la tenue de jeu utilisés ou introduits (à titre permanent ou temporaire) dans la zone du stade sous contrôle.
Évidemment, un turban n’est pas une « inscription » au sens stricte du terme, ni un élément décoratif mais il véhicule tout de même un message religieux et c’est précisément ce que vise à interdire la règlementation. Le message implicite est celui de tout signe religieux: il a pour effet de dire « je suis croyant, je fais partie de telle religion, j’en pratique les rituels, j’adhère à son code moral, je la place au-dessus de tout et je la considère comme supérieure à toute autre religion et à toute autre philosophie de la vie ». L’interdiction d’un tel discours vestimentaire s’inspire de l’esprit olympique moderne que Pierre de Coubertin voulait apolitique et areligieux.
Cette réglementation a été presque totalement ignorée par les médias et n’a été mentionnée en partie par Mme Frot que du bout des lèvres; dans ses communiqués et déclarations, il est manifeste que la FSQ n’a pas voulu exploiter cette avenue. Pourquoi donc? Sans doute pour éviter d’être taxée d’intolérance religieuse. Mais aussi parce que la FIFA a déjà accepté le port du hidjab pour les joueuses de soccer, cédant ainsi aux groupes islamistes et bafouant son propre règlement. Nul doute qu’elle fera de même si le turban passe le test de la sécurité.
Aveuglement collectif
Les médias auraient donc dû dénoncer le fait que la FIFA et l’Association canadienne de soccer n’appliquent pas le règlement international de ce sport. Presque tous les commentateurs, sans oublier nos valeureux politiciens fédéraux dont Justin Trudeau, ont plutôt tapé sur la FSQ en l’accusant d’intransigeance, voire de racisme.
Même le sociologue Gérard Bouchard a déclaré que la position de la FSQ brimait la liberté de religion des sikhs. Il considère donc que le port du turban est essentiel à la liberté de religion et que cette liberté doit pouvoir s’exercer pendant un match de soccer!
Françoise David, de Québec Solidaire, s’en remet pour sa part au projet de charte de laïcité pour régler le différent. Belle illusion qui lui évite de prendre position. Si jamais une telle charte voyait le jour, elle n’aura juridiction que dans les institutions publiques et non dans des associations de loisir ou de sport. Et la FSQ tout comme la FIFA disposent déjà de la réglementation nécessaire pour mettre un terme à ces offensives sectaires.
J’ai aussi entendu le père d’un jeune joueur déclarer qu’il trouvait impensable d’avoir à expliquer à son fils pourquoi son ami sikh ne pourrait pas jouer au soccer s’il porte le turban. Mais ce père arrive-t-il à expliquer à son fils pourquoi le jeune sikh s’impose une telle contrainte? Pourquoi ces règles religieuses doivent-elles avoir préséance sur toutes les autres règles sociales? Trouve-t-il raisonnable que des adolescents hypothèquent leur avenir pour se conformer à des préceptes religieux d’un autre temps?
Un entraineur s’est quant à qui glorifié d’avoir fait porter le turban à tous les joueurs de son équipe par « solidarité » avec les sikhs! N’éprouve-t-il aucun scrupule à instrumentaliser ainsi le sport et les enfants pour régler des conflits d’adultes? Leur a-t-il expliqué quelle était la raison d’être d’un costume pour une équipe sportive?
Et la cerise sur le sunday: l’intégration! Si on interdit le port du turban, on empêchera ces jeunes de s’intégrer. Ben oui! Mais quelle intégration peuvent espérer ces jeunes qui placent leur religion au-dessus de tout et qui s’attendent à ce que le reste de la société s’ajuste à leurs préceptes religieux? Se pourrait-il qu’ils se placent eux-mêmes en situation d’exclusion? Leur choix de vie leur ferme d’innombrables portes et limite considérablement leur possibilité de carrière, dont celle de jouer dans une équipe professionnelle de soccer.
Pourtant, dans leur berceau d’origine, l’Inde, les sikhs ne font pas grand cas du port du turban. Dans l’Actualité, Carole Beaulieu souligne que « au Penjab, lieu de naissance du gourou Nanak Dev et du sikhisme au XVe siècle, plus de 80 % des jeunes des zones rurales vont désormais nu tête. Dans une université qui porte le nom du gourou, c’est plus de 70 % ! […] Aux Jeux olympiques de Pékin, seuls des Canadiens portaient le turban sikh. Pas un seul Indien. »
À une échelle plus réduite, toute cette affaire n’est pas sans rappeler la regrettable décision prise par le Comité international olympique d’accepter des femmes voilées aux Jeux olympiques de Londres l’été dernier. Cette décision, prise sous les pressions de l’Arabie saoudite, violait en plusieurs points la Charte olympique qui précise qu’« aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique ». (voir à ce sujet mon article du Devoir Hidjab olympique : vous avez dit «émancipation»?)
Pourquoi les associations sportives nationales et internationales ainsi que tous les journalistes et commentateurs qui sont montés aux barricades ne réclament-ils pas, en toute cohérence, l’abrogation des règlements interdisant les messages religieux ou politiques sur les costumes sportifs? Parce que dans leur for intérieur, ils sont bien conscients du bien fondé de cette mesure destinée à assurer la cohésion de l’équipe en gardant la religion et la politique à l’extérieur et que son abrogation ouvrirait une boîte de Pandore. Mais ils se refusent à la défendre devant des groupes qui se définissent d’abord par leurs croyances religieuses plutôt que par l’activité qui les rassemble.
Cette société qui s’aplatit devant la montée de l’obscurantisme religieux me désole et ne laisse présager rien qui vaille dans l’avenir immédiat.
La sentence n’est-elle pas disproportionnée par rapport au crime ? Et quel crime en fait ? La fédération québécoise n’a fait que confirmer un état de fait qui existait déjà : non, le turban n’est pas admis pendant une partie de soccer. Je ne vois pas où est le crime. Ce n’est pas comme si, après avoir permis le turban pendant des décennies, la FSQ avait changé d’idée et brimé une centaine de sikhs. Non, ils étaient déjà brimés (selon eux) à ce que je sache.
Comme sentence, pour la punir d’avoir contrarié une centaine de jeunes sikhs, l’association ‘canadian’ veut empêcher des dizaines de milliers de jeunes québécois de pratiquer leur sport préféré. Sachant, en plus, que bientôt se dérouleront les jeux du Canada à Sherbrooke, au Québec ! Cette sévérité n’est explicable qu’à la lumière de la relation tordue qui pourri entre le Canada anglais et le Québec.
Et je comprends mal qu’aucun analyste n’ait encore relevé ce fait.
Vous avez tout faux au niveau du règlement FIFA. L’équipement de base obligatoire ce sont les chaussures, bas, protège-tibias, shorts et maillot. La décision de l’IFAB ne concerne que les inscriptions politiques, religieuses ou personnelles sur ce type d’équipement.
Vous avez raison de préciser ce qu’inclut l’équipement de base. Lisez toutefois les deux paragraphes que j’ai ajoutés et qui sont tirés du Règlement de l’équipement. L’esprit vise clairement à proscrire tout message religieux ou politique.
Bonjour Simon,
Vous le dites vous-même « r e l i g i e u s e ». Le turban n’est que ça, religieux.
Bonjour.
Si, au cours de votre existence, vous avez évolué sur un terrain de soccer, vous savez comme moi qu’il y fait assez chaud… Si ces joueurs de soccer tiennent à porter leur fameux turbans, hé bien laissons les faire… Ce sont eux qui en souffriront et ce sera à leur désavantages à eux… Alors laissons-les porter leur turbans… Il n’est pas défendu de souffrir sur cette terre même si nous sommes responsables de notre propre souffrance…
Cet article et l’auteur sont terribles. Je suis agnostique et je n’aime pas la religion et crois en la laïcité. Cela ne veut pas dire que je déteste les gens religieux ou ne respecte pas leur droit de pratiquer leur religion. Trop souvent, la laïcité au Québec est une excuse pour l’intolérance. Si leurs pratiques ne portent pas atteinte aux droits d’autrui pourquoi devrions-nous nous soucier de ce qu’ils font? Vivre et laisser vivre et ignorer Baril. Il déshonore ceux qui croient en la laïcité et la liberté d’expression. Religion n’a pas le monopole de restreindre la liberté des autres.
Un peu – et même beaucoup… – nébuleux que ce commentaire, Monsieur Michael!
Michael,
Je vous invite à écouter l’échange suivant entre Carole Beaulieu et Mario Roy à l‘émission Médium large de Radio-Canada. Ça débute à 13minutes40
J’invite M. Daniel Baril à écouté une entrevue avec M. Walter Siebert membre de la FIFA, concernant le port du turban et la contreverse.
http://www.985fm.ca/audioplayer.php?mp3=180190
Ce qui est intéressant de noté après avoir écouté l’entrevue et lue votre texte est comment vous êtes loin de la réalité.
Walter Siebert précise que la FIFA n’a plein pouvoir pour amender les règlements du soccer, ce qui ne change rien à la question de fond qui est le port de signes religieux dans le sport. Peu importe qui a le pouvoir de décision, c’est cet aspect qu’il faut questionner. Siebert n’aborde la question du turban et du hidjab que sous l’angle de la sécurité. Ni lui ni le journaliste ne tient compte de l’article 54,1 du Règlement de l’équipement qui va bien au-delà de la Loi 4.
J’imagine que la FIFA est au fait de ses propres reglement, si elle a accepter le turban.
Concernant la FSQ, elle n’a aucune autorité et n’est meme pas reconnu par la FIFA, elle n’est qu’une structure interne de la fédération national. Alors difficile de croire qu’elle attendais une décision de la FIFA…….
La religion s’est bien invitée sur le drapeau du Québec, le fleurdelisé, aux fleurs de lys héritées de la royauté française, déchue en 1 793 et, à sa croix blanche, tirée de la religion catholique, excluant tous les Québécois inclusifs, en faveur d’une république et de la laïcité, même nos premières nations.