«Pour nous, le questionnement sur le crucifix à l’Assemblée, il est terminé. Le crucifix reste au Salon bleu », déclarait cette semaine le chef du Parti libéral du Québec, Philippe Couillard.
Dans une entrevue-vidéo réalisée par le Mouvement laïque québécois, l’historien Jean-Claude Germain donne une leçon d’histoire à Philippe Couillard à propos du crucifix de l’Assemblée nationale. Il nous rappelle que si aucun signe religieux n’a été placé dans cette enceinte avant Duplessis, c’est que les parlementaires regroupaient des protestants, des catholiques et des Rouges.
Les protestants, même dans leurs églises, n’arborent pas de crucifix, un symbole typiquement catholique. Les Rouges, condamnés par l’Église catholique, n’étaient pas portés eux non plus sur le crucifix. Bref, l’absence de religieux faisait de l’Assemblée législative un lieu où toutes les convictions étaient respectées.
Le Parti rouge était issu du Parti patriote qui avait mené les rébellions de 1837 et de 1838 et dont les acteurs ont été excommuniés par l’Église. Ce Parti rouge va devenir le Parti libéral du Québec en 1867. Entre 1897 et 1936, le Parti libéral va occuper le pouvoir pendant presque 40 ans. Sitôt porté au pouvoir avec l’Union nationale en 1936, Maurice Duplessis rompt avec cet héritage libéral : l’un de ses premiers gestes est alors d’introduire un crucifix dans l’enceinte de la nation pour marquer l’alliance entre son parti, l’Église catholique et l’État.
Rupture obscurantiste
Ce crucifix est « le symbole de l’obscurantisme et de l’intégrisme », affirme Jean-Claude Germain. Il marque une rupture à la fois avec le patrimoine architectural des lieux et avec les fondements idéologiques laïques de Parti libéral des premières heures.
Aujourd’hui, trois des quatre partis présents à l’Assemblée nationale, soit le Parti québécois, la Coalition avenir Québec et Québec solidaire, sont d’accord pour replacer ce crucifix dans un autre lieu et réparer l’erreur de la motion libérale de 2008 qui fait de ce symbole religieux un objet du patrimoine historique. Le seul à s’y opposer est le Parti libéral dont l’héritage s’est vu occulté par le geste de Duplessis. Trouvez l’erreur. Même l’Assemblée des évêques préfèrerait qu’il soit déplacé plutôt que de le voir désacralisé et réduit à un artéfact historique.
Il y a longtemps que le Parti libéral a renié ses origines. Mais plutôt que d’y revenir, il sollicite sa part de vote francophone en courtisant l’arrière-garde catholique, voire en instrumentalisant la religion à ses fins. Dans sa déclaration, Philippe Couillard amenait, en appui à sa position sur le crucifix, le fait que la religion s’est avérée un élément important pour la communauté de l’Isle-Verte suite à l’incendie du foyer pour personnes âgées. Ce qui n’a absolument rien à voir. Manifestement, il ne comprend rien à la laïcité. Par démagogie ou par ignorance, il confond, comme ce n’est pas permis, société civile et État.
La laïcité, M. Couillard, n’a pas pour but de réprimer la religion dans la société mais d’assurer l’indépendance de l’État par rapport aux religions comme les Patriotes qui ont fondé votre parti l’avaient compris. Cette confusion entre État et société, entre fonction publique et vie religieuse, est sciemment entretenue par les opposants au projet de laïcité qui ne font jamais cette distinction élémentaire montrant la véritable portée du projet.
Tcha-tcha-tcha… tchador
La semaine dernière, Philippe Couillard présentait la « position claire et ferme » de son parti sur la question des signes religieux pour les employés de l’État. Se targuant de n’interdire aucun signe religieux, il interdirait tout de même le tchador parce que « le comportement social de retrait associé au tchador rend incompatible une demande d’emploi dans les services publics ». Il s’agit là selon lui d’une différence « objective et démontrable » entre hijab et tchador.
Le même constat d’exclusion peut pourtant être fait à l’égard de tout type de voile, dont le hijab que le Parti libéral accepte, comme l’écrit le Conseil du statut de la femme (CSF) dans son avis Affirmer la laïcité :
« Quand il est mis de l‘avant par les intégristes, [le voile] symbolise aussi un premier pas pour imposer la ségrégation sexuelle et l‘exclusion des femmes du domaine public. […] Le hijab est tout sauf un simple bout de tissu. Il est chargé de symboles qui se recouvrent mutuellement et qu‘il devient très difficile de départager : symbole religieux, symbole de l‘intégrisme, symbole de l‘inégalité des femmes, symbole d‘identité culturelle. Cette valeur symbolique du voile dépasse la motivation propre des individus qui le portent. » (p. 101)
Il existe également des voiles islamiques qui couvrent les cheveux, les oreilles, le cou, les épaules et la poitrine. S’agit-il d’un long hijab, donc permis, ou d’un mini tchador? On voit également des femmes portant un hijab assorti d’un long manteau noir ou brun ou encore d’une longue cape. Dans quelle catégorie vestimentaire, M. Couillard, rangerez-vous ces ensembles à deux pièces?
La seule différence objective entre les divers types de voile islamique est la longueur du tissu. Tous les types de voile ont par ailleurs un élément commun qui est leur histoire récente. Cette histoire, qui est celle d’un linceul ensanglanté, donne à toutes les versions du voile la même signification où que l’on soit : exclusion des femmes et effacement de leur féminité. Elle nous montre aussi un mouvement qui va toujours dans la même direction, soit du hijab à la burqa en passant par le tchador.
Comme l’écrit le CSF, la signification d’un symbole va au-delà du sens que lui attribue la personne qui le porte. On ne peut reprocher à qui que ce soit d’être au courant du contexte sociopolitique de l’expansion du voile islamique et les musulmanes qui le portent doivent prendre conscience de l’image qu’elles projettent.
Philippe Couillard rejette aussi l’idée de recourir à la clause dérogatoire pour « une simple question vestimentaire ». Pourtant, le responsable du dossier de la laïcité au PLQ, le député Marc Tanguay, a fait valoir à répétition, en commission parlementaire sur le projet de « charte », que des personnes disent ne pas pouvoir se départir de leur voile parce que cela fait partie de leur identité. Devant quoi sommes-nous donc? Devant un simple vêtement ou devant la matérialisation du moi profond? Faudrait savoir et cesser de dire n’importe quoi.
L’identitaire : une négation du droit à la liberté de conscience
Cette association entre identitaire et vêtement religieux est apportée pour légitimer un argument au cœur de la position du Parti libéral : ce sont les institutions, nous disent MM Couillard et Tanguay, qui doivent être laïques et non les individus. Cet argument cache une négation du droit à la liberté de conscience de l’usager des services publics : dans le contexte d’un service public, c’est ce droit qui doit prédominer sur celui du fonctionnaire d’exprimer ses convictions religieuses et c’est pourquoi ce service doit afficher un caractère laïque.
Derrière la position du PLQ se cache également une conception de l’identité considérée comme un tout monolithique inflexible. Les contours de l’identité sont, bien au contraire, flous, flexibles et évoluent dans le temps. Se situant à la jonction du social et du psychologique, l’identité est constituée de multiples facettes parfois contradictoires entre elles et qui tiennent à la fois de l’autoperception, de l’image que nous renvoient les autres, de nos représentations symboliques, de notre fonction sociale, de notre histoire, de notre biologie, etc.
Selon les circonstances, nous choisissons de mettre à l’avant plan l’une ou l’autre de ces facettes. Les porteurs de signes religieux disent d’ailleurs les porter par choix et nous savons tous que, selon les circonstances, ces personnes choisissent aussi de ne pas les porter. Qu’on cesse donc de nous rabâcher ce mensonge du viol de l’identité par l’interdit de porter des signes religieux ostentatoires au travail.
Voir aussi: Question à Philippe Couillard: quelle différence faites-vous entre un tchador et un hijab?
Philippe Couillard a transformé le PLQ en un parti d’Ultramontains du multiculturalisme… Dire que Mgr Ignace Bourget détestait les Rouges et les Libéraux… Il les trouverait charmants aujourd’hui…
Couillard ressemble à un descendant des Zouaves Pontificaux transformé en Zouave du multiculturalisme…S’il le pouvait, il mettrait le projet de Charte à l’Index. Maintenant, le ciel est Rouge et l’enfer est Bleu… Trouvez l’erreur
Merci M Baril pour cet autre excellent texte…
Tout à fait d’accord sur les positions aberrantes et ridicules du PLQ.
Cependant, je m’interroge: Pourquoi Drainville n’a pas inclus le retrait de ce crucifix dans son projet, au lieu d’une promesse vague de poser la question « ultérieurement » aux députés ?
Mais surtout, pourquoi, puisque son projet parle de donner une « image plus laïque de la laïcité de fait de l’état québécois » avoir pendant 3 mois refuser d’envisager le retrait de ce symbole ?
Le seul symbole anti-laïc du Québec, puis qu’il est là pour symboliser rien de moins que la suprématie de l’Église sur l’État.
Refus d’envisager le retrait qui était allé si loin qu’il avait inclus le « patrimoine » comme une des trois seules et uniques « valeurs québécoises » (avec la laïcité et l’égalité hommes-femmes) pour explicitement protéger le crucifix de Duplessis.
Il me semble que dans ce débat, qui ne portent que sur des images et des symboles, il y a beaucoup d’incohérences et de mauvaise foi, de tous les côtés.
Donc pendant des décennies, il n’a «jamais» été question que la foi qui habite et anime les québécois, ne soit représentée ou intégrée dans les décisions politiques présidant à la destinée de ce peuple!???
« Comment » peut-on tolérer que ce fût ainsi pendant si longtemps!??
Il est clair que nos politiciens en supportant cette charte immonde, et en supposant le dénigrement ou le déplacement de ce crucifix se font les complices de l’administration pécheresse et persécutrice qui les a précédés.
Il est plus que temps que les québécois arrivent comme le reste de l’occident en 2014, et aient ce minimum de respect pour la vie, et l’histoire de leurs aïeuls. C’est très justement pour éviter de retourner au moyen âge, ou à l’âge des cavernes, qu’il faut conserver ce qui a servit de pilier irremplaçable de la culture occidentale.
« Selon les circonstances, nous choisissons de mettre à l’avant plan l’une ou l’autre de ces facettes »
« Derrière la position du PLQ se cache également une conception de l’identité considérée comme un tout monolithique inflexible »
(1)
(a)
Audition – Ensemble pour le respect de la diversité (2014-01-30 14 h )
http://www.assnat.qc.ca/fr/video-audio/AudioVideo-49607.html
Dans ce debat on voit des choses etranges comme des intervenants oppose a la charte qui vont dire que la confession religieuse c’est meme comme la couleur de la peau …
sans meme refechir sur comment ca se transmet et puis dans quelle mesure c’est legitime de faire de la confession religieuse des parents une propriete intrinseque des enfants … comme si les enfants etaient seulement le prolongement et non des individus a part entire ….
C’est dire aussi comment on veut pas parler de condition et d’endoctrinement …
(b)
intervenant qui dans une meme phrase a la fin de l’echange avec le ministre … il change en regard de la confession religieuse et des croyances de c’est un choix , ce n’est pas un choix, puis c’est un choix …
Je pense que c’est dire a quel point les opposants a la charte ne savent plus sur quel pied danser.
(2)
(a)
Et puis des opposant qui evoquent maintenant que c’est collectif une confession religieuse alors que le credo habituellement etait la croyance sincere et une croyance desincarne de l’aspect collectif …
mais a nouveau ce n’est que de la rhetorique … on l’utilise pour montrer que dans le fond la personne a pas vraiment de choix de porter les symbols mais sans meme reflechir a l’endoctrinement et au conditionnement
http://www.ledevoir.com/politique/quebec/398955/claire-l-heureux-dube-erreur-sur-la-definition-de-religion
» Cet ensemble est transmis par une communauté au sein de laquelle se déploient variablement des rôles sociaux spécialisés. Dans nos sociétés de droits, la liberté de religion concerne les personnes membres de ces communautés ainsi que les communautés elles-mêmes. »
(b)
et on arrive a des conneries comme
« La liberté de religion doit donc être distinguée formellement de la liberté de conscience ou d’opinion »
A quel moment on en est venu a meme plus voir comment se transmettent les religions et leur accorder un statut superieur a tout autre opinion.
—-
(3)
quoique qu’en dise les militants du PLQ internautes et blogueurs …. ici meme …. on doit avoir une discussion sur la place du religieux.
Le crucifix qui demeure toujours accroche a l’assemplee nationale, depuis que M. Duplessis lui-meme accroche a l’eglise catholique., lavait place a cet endroit.
Comprenons que cet objet suppose faire partie de notre patrimoine est une bien triste symbole, qui a detruit bien des vies ici-meme.
L’endoctrinement fait peur lorsqui’il sagit d’autres religions sur notre terrain.
N »imposons pas plus longtemps aux quebecois ces objets religieux qui appartiennent a une confession religieuse specifique.
Donnons l’exemple et enlevons tous ces crucifix qui n’ont pas leur place ni a l’assemblee notionale ni sur la montagne ni sur nos chemins de campagne. Que l’eglise les replacent dans leurs sanctuaires.