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Les sorciers sont parmi nous. Et ce n’est pas une figure de style.

«Célèbre voyant guérisseur sorcier et marabout d’Afrique résout tous vos problèmes : amour, impuissance sexuelle, divorce, retour de l’être aimé, chasser la maîtresse, réussite sociale, attraction de clientèle, désenvoûtement, santé, magie noire, etc. Résultats garantis à 100% même pour les cas désespérés.»

Des annonces comme celle-là se comptent par dizaines dans les rubriques d’annonces classées de certains journaux. Voici une colonne du journal Métro (19 novembre 2014)(cliquer pour agrandir) :

médium, 19 nov 2014

L’un d’eux, un «voyant médium», vous promet même de vous révéler le présent! (Pour ma part, je préférerais un «voyant extra», mais bon…)

Une femme abandonnée par son mari et n’ayant pas obtenu son retour malgré la garantie a porté plainte contre l’un de ces gourous-shamans-voyants-médiums, le «sorcier» Yacouba Fofana, alias «professeur Alfoseny». En octobre dernier, l’escroc était condamné à neuf mois de prison, deux ans de probation et 3000$ d’amende pour «pratique illégale de la magie».

Voici en effet ce que dit le Code criminel du Canada sur le sujet :

Article 365. Est coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque frauduleusement, selon le cas :

a) affecte d’exercer ou d’employer quelque magie, sorcellerie, enchantement ou conjuration;

b) entreprend, moyennant contrepartie, de dire la bonne aventure;

c) affecte par son habileté dans quelque science occulte ou magique, ou par ses connaissances d’une telle science, de pouvoir découvrir où et comment peut être retrouvée une chose supposée avoir été volée ou perdue.

Notez que ce n’est pas la pratique de la magie ou de la sorcellerie en soit qui est interdite mais sa pratique «frauduleuse»! Il pourrait donc y avoir de la sorcellerie non frauduleuse. N’ayant pas pu trouver le jugement, il est difficile de savoir comment la fraude a pu être démontrée dans le cas de Fofana. Si c’est par l’absence de résultat promis, la pratique de la sorcellerie, de la divination ou de l’envoûtement sans promesse de réussite serait donc permise. C’est d’ailleurs ce que laisse croire le procureur de la poursuite, Me Guillaume Michaud, lorsqu’il affirme à Radio-Canada :

« La Cour est venue dire que dans le cadre d’une fête foraine, c’était permis, mais quand ça dépassait le cadre d’une fête foraine et ça devenait sérieux et qu’on aille chercher des montants d’argent qui sont beaucoup plus gros, à ce moment, c’est un crime de prédire l’avenir ou de faire des promesses comme dans ce cas-ci. »

Une deuxième plaignante dans cette affaire, dont le cas pathétique est rapporté par Le Soleil (après l’intertitre «Victime d’un mauvais sort»), se dit pourtant elle-même médium et s’annonce comme telle dans les petites annonces. Cette plaignante, qui attribuait ses douleurs physiques à un mauvais sort, est donc elle-même coupable de la même fraude que celle dont elle se plaint.

Ce détail nous révèle que parmi ces escrocs et charlatans se trouvent des imbéciles qui croient en leurs supposés pouvoirs. «J’avais confiance en lui», a déclaré cette plaignante. C’est un cas typique d’aveuglement par la foi : lorsque l’on place les soit disant détenteurs de pouvoirs paranormaux face à leur impuissance, ils réagissent en disant qu’ils ne comprennent pas pourquoi «cette fois-ci» ça na pas fonctionné plutôt que d’accepter l’évidence. Le client croyant et confiant dira pour sa part qu’un autre médium aurait peut-être réussi et la foi est sauvée.

Et que dire des prêtres exorciseurs?

Au même moment où le cas du sorcier Fofana faisait les manchettes, le Journal 24h nous parlait de la pratique apparemment normale de l’exorcisme au sein de l’Église catholique. Notez le titre on ne peut plus positif de l’article : «Un prêtre à l’écoute de ceux qui se disent possédés».

On apprend même l’existence de l’Association internationale des exorcistes, une association reconnue par le Vatican! Et pour cause : le président fondateur de cette association, Gabriele Amorth, est l’exorciste en chef du Vatican!

Contrairement au sorcier-vaudou-médium-escroc Fofana, le curé exorciseur n’exigera pas de sacrifier vaches ou agneaux et n’exigera pas 15 000$ pour ses services. Mais il s’agit de la même supercherie. Comparons.

Voici comment Fofana désenvoûtait une personne ou un lieu : de façon ritualisée, il inscrit avec de la cendre la source du mal sur une feuille de papier, fait une incantation, purifie la victime et sa maison avec de la cendre et des chandelles.

Voici comment procède le prêtre exorciste selon ce que rapporte 24h :

[suivant «un rituel documenté»] «on écoute la parole de Dieu tiré de passages des évangiles et on procède à un acte de prières sur la personne pour chasser l’esprit du malin (diable, démon, etc.)». […] «Le prêtre va bénir la maison, pièce par pièce, avec de l’eau bénite, une prière et demander que la paix revienne dans les lieux»

Qu’il s’agisse du désenvoûtement par sorcellerie ou d’exorcisme par prière et eau bénite, nous avons affaire au même type de rituel magique dit de purification. Le sorcier purifie par la cendre, le prêtre par l’eau bénite; le sorcier prononce des incantations, le prêtre récite des prières. Le prêtre, c’est le shaman de la religion catholique, celui qui assure le lien entre le monde ici-bas et le monde des esprits. Le prêtre exorciseur exerce la même fonction que le sorcier, que le marabout ou que le guérisseur spirite. Et lorsqu’un prêtre est confronté à l’inefficacité de la prière, sa réponse est qu’il faut continuer à prier.

En n’exigeant pas de sommes trop élevées et ne faisant pas de promesse irréaliste, le prêtre exorciseur exerce ainsi une sorcellerie permise par le Code criminel.