Le 20 février dernier, le Forum musulman canadien (FMC) tenait une conférence de presse pour dénoncer l’importance accordée par les médias à l’islamisme et à ses dérives. Le FMC donnait comme exemples le cas de la mosquée refusée à l’imam Hamza Chaoui dans l’Est de Montréal, un cas semblable à Shawinigan et l’annulation d’une conférence que des imams intégristes et radicaux devaient tenir à Outremont.
Selon le FMC, la couverture médiatique de ces cas stigmatiserait l’ensemble des musulmans. On ne trouve pas de communiqué de presse concernant cette conférence sur le site du FMC. Mais les extraits qu’en ont rapportés les médias nous montrent que le propos ne contenait que des attaques envers les médias et les politiciens qui instrumentaliseraient les actes de violence perpétrés au nom de l’islam.
« Les médias propagent un message de peur », déclarait à Radio-Canada la porte-parole du FMC, Samah Jebbari. Mais qu’est-ce qui cause cette peur? La faute incombe aux médias et non à ceux qui terrorisent les populations partout sur la planète. Dans cette autre entrevue accordée à TVA, elle laisse entendre (à 1:12) que les maires concernés par les cas mentionnés n’ont pas respecté la loi parce que la sécurité n’était pas menacée.
La vice-présidente du FMC, Kathy Malas, affirme pour sa part que « tolérer l’intolérable dans une société qui prône la liberté d’expression fait partie de nos valeurs; la limite est dès que ça encourage la violence ou la haine » a-t-elle dit (à 1:20 de cet extrait).
Du vrai et de la poudre aux yeux
Ces représentantes du FMC ont raison sur un point, même si l’idée est maladroitement exprimée : sans aller jusqu’à « tolérer l’intolérable » comme le dit Kathy Malas, les propos des intégristes religieux n’ont pas à être censurés ou interdits dans une société qui prône la liberté d’opinion, tant qu’ils n’incitent pas à la haine.
L’État n’a pas à patauger dans les plates-bandes intégristes ou fondamentalistes pour s’enliser dans une sémantique paralysante servant de faux-fuyants comme le font Philippe Couillard et Kathleen Veil. L’État doit voir à ce que la loi soit respectée et la sécurité assurée.
Mais il ne faut pas être naïf non plus. Si les propos intégristes se limitaient à dire que les femmes doivent être accompagnées par un homme en public ou que les homosexuels sont des pécheurs, il n’y aurait pas un tel tollé. Le problème est que, dans le cas de l’islam, ces propos sont légitimés par une source idéologique qui, lorsqu’elle est prise à la lettre, pousse à la violence.
Dire que l’intégrisme se retrouve dans toutes les religions comme l’affirme Samah Jebbari est exact mais, dans les circonstances, vise à jeter de la poudre aux yeux; tous les croyants intégristes ne lapident pas les femmes et ne décapitent pas les incroyants. Nous sommes donc sur un terrain glissant et les autorités ont raison d’être prudentes.
Examinons ces trois cas
Si on prend le cas de l’imam Chaoui, ce n’est d’ailleurs pas pour les propos rapportés par les médias que le permis de mosquée lui a été refusé. Dans deux entrevues qu’il accordait sur le sujet à Radio-Canada, le maire de l’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, Réal Ménard, affirme de façon très claire que ces propos se situent dans les limites du droit à la liberté d’expression.
« Ce qu’a dit [Chaoui] est protégé par les chartes », déclarait Ménard. Mais, ajoutait-il, « on a des informations qui nous permettent de comprendre que l’imam est dans un réseau qui l’englobe et le dépasse. Pour ces raisons, il fallait agir. »
Même si ces raisons ne sont pas divulguées pour l’instant, on doit conclure que le FMC est mal informé ou qu’il fait de la désinformation.
Les médias ont par ailleurs escamoté le cas du projet de mosquée à Shawinigan : ils ont réduit le problème à une question de zonage et passé sous silence le fait que l’un de ses administrateurs, Abdoulaye Souley, est le chargé des affaires religieuses de la mosquée de Trois-Rivières. Selon le bureau d’enquête de TVA, cette mosquée appartiendrait à l’Islamic Society of North America (ISNA). Cette association s’est vue retirer son statut d’exemption fiscale parce qu’elle contribuait au financement du parti islamiste Jamaat-e-Islami considéré terroriste par le gouvernement du Canada et l’Union européenne (autre reportage de TVA). L’ISNA est une filiale des Frères musulmans, confrérie considérée elle aussi comme terroriste par plusieurs pays arabes.
La question du zonage paraît dès lors bien secondaire. Pour l’ex-conseiller au ministère des Affaires étrangères du Canada Daniel Laprès, ces rapprochements sont suffisants pour qu’il y ait lieu d’ouvrir une enquête afin de nous assurer qu’il n’y a pas de lien entre le projet de Shawinigan et l’ISNA. Voilà entre autres à quoi pourrait servir l’observatoire que Philippe Couillard ne veut pas créer.
Si les propos de l’imam Chaoui ont soulevé l’indignation générale, c’est qu’il y a actuellement une sensibilité extrême envers de telles positions antidémocratiques et rétrogrades. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Participant à l’émission spéciale de Radio-Canada sur la menace terroriste le 17 février dernier, Fatima Houda-Pépin affirmait qu’il y a « des dizaines et des dizaines de Chaoui » dans les mosquées, les écoles et les associations universitaires au Québec (à 36:35 de l’émission). Raison de plus d’être d’une extrême vigilance et de placer le réseau des mosquées sous surveillance.
Finalement, le cas d’Outremont. L’un conférenciers invités par l’Académie de la charia nord américaine, l’imam Salah Assawy, est le secrétaire général de l’Assemblée des musulmans juristes d’Amérique, une association qui en appelle au djihad contre l’Occident, selon ce reportage de J.E. Kathy Malas conviendra qu’on dépasse ici le droit à la liberté d’expression.
Le mensonge du Forum musulman canadien
Le FMC, qui crie au loup, n’est lui-même pas au-dessus de tout soupçon. Son président, Samer Majzoub, a été associé aux Frères musulmans par le site Poste de veille, une accusation que ne parvient pas à réfuter ce communiqué du FMC qui ne porte nullement sur les allégeances de son président.
Par contre, la porte-parole Samah Jebbari semble avoir délibérément menti au journaliste Patrick Roy de Radio Canada. À la toute fin de cette entrevue (à 6:19), Roy lui demande ce qu’il en est des liens allégués entre le FMC et les Frères musulmans. Remarquez l’air plutôt gêné de Mme Jebbari lorsque, fermant les yeux, elle lui répond que « le Forum musulman est loin d’être lié au MAC [Muslim Association of Canada] et aux Frères musulmans ».
Si le FMC est « loin d’y être relié », serait-ce qu’il y est relié… de près? Samah Jebbari est en effet elle-même présidente de l’école privée musulmane Le Savoir qui loge dans un édifice appartenant au MAC, lui-même lié aux Frères musulmans. Cette école a été fondée par le président du FMC, Samer Majzoub, qui a reçu pour cela un financement de 70 600$US du… Koweït, un pays qui n’a rien à envier à l’Arabie saoudite pour l’application de la charia. L’école est néanmoins reconnue par le ministère de l’Éducation du Québec.
Dans cette autre entrevue accordée à TVA (à 2:28), Samah Jebbari reconnaît d’ailleurs que l’école Le Savoir est liée aux Frères musulmans et elle se sert de ce fait pour légitimer l’action et la présence de cette confrérie au Canada.
Rappelons que les Frères musulmans recourent à une stratégie d’action qui a fait ses preuves et qui consiste à utiliser les rouages légaux du pays d’accueil, à séduire les politiciens (maires, députés, chef de partis, ministres) par un discours multiculturaliste respectueux des lois, à qualifier d’islamophobie toute critique à leur endroit pour finir par réclamer rien de moins que des lois islamiques.
S’il y a un reproche à faire aux médias, ce n’est donc pas celui que leur adresse le FMC; c’est plutôt leur incapacité d’avoir à l’esprit toutes les pièces du puzzle lors d’une entrevue, surtout lorsque des pièces proviennent de d’autres médias. C’est le travail des blogueurs.
M. Baril, vous dites:
«Rappelons que les Frères musulmans recourent à une stratégie d’action qui a fait ses preuves et qui consiste à utiliser les rouages légaux du pays d’accueil, à séduire les politiciens (maires, députés, chef de partis, ministres) par un discours multiculturaliste respectueux des lois, à qualifier d’islamophobie toute critique à leur endroit pour finir par réclamer rien de moins que des lois islamiques.»
Ont ils eu un quelconque succès à obtenir l’établissement de la loi islamique ailleurs que dans des pays à majorité musulmane et aux prises avec des problèmes d’instabilité sociale, économique et politique?
J’aimerais vous faire remarquer que ce paragraphe peut facilement être compris comme suggérant qu’ici au Québec il y a un risque réel de nous faire imposer la Charia par les Frères Musulmans. Est-ce là ce que vous dites?
Oui, en Angleterre, la charia est appliqué pour les contrats de mariage, testaments, etc, Il existe plusieurs tribunaux islamiques qui fonctionnent ouvertement à Londres . L’imposition de la charia a failli passer en Ontario. À la dernière minute, les politiciens ont reculé à cause d’intenses pressions internationales et locales. Oui, au Québec, la charia pourrait s’appliquer si les politiciens se mettent à genoux devant le dogme multiculturaliste du Canada.
M. Lahaie,
Deux choses. D’abord, les décisions rendues par ces tribunaux en Angleterre ont-elles préséance sur le droit Anglais, ou s’agit-il d’ententes à l’amiable entre parties qui n’ont pas valeur légale au-delà de n’importe-quelle autre entente de la sorte, et qui sont nulles si elles vont à l’encontre du droit Anglais? Ensuite, vous dites que la charia a failli être imposée en Ontario. D’une part, oui, cela a été proposé, et très rapidement rejeté. On est très loin du «avoir failli». D’autre part, même si cela était passé, cela n’avait en aucun cas préséance sur la loi Canadienne et Ontarienne. Bien qu’on puisse tout à fait croire que ce fut une idée absolument inacceptable pour toutes sortes de raisons, il est tout à fait inexact de parler d’imposition de la charia aux Ontariens.
M. Lahaie a donné quelques éléments de réponse.
Nous n’en sommes pas à l’étape de l’adoption de lois islamiques mais il y a des revendications de cette nature lorsqu’on refuse la mixité scolaire et l’enseignement de la musique aux enfants, lorsqu’on réclame des mets hallal dans les cafétérias d’école, le port du niqab dans les tribunaux et lors des cérémonies d’assermentation citoyenne, lorsqu’on fait jeûner les enfants, etc.
Et les défenseurs de la « laïcité ouverte », des maires et des chefs de partis sont d’accord avec ces mesures.
En France, des enniquabées déclarent qu’elles n’obéissent qu’aux lois d’Allah et que l’islam est leur seule nation. C’est un refus radical des lois, des coutumes et même de la nationalité du pays. En Angleterre, on a vu des « polices musulmanes » interdire aux femmes de passer devant des mosquées. On pourrait multiplier les exemples de ce genre.
Quant à la charia en Ontario, cette intrusion dans le code de la famille faisait l’objet d’une recommandation d’un comité ministériel. Oui, cela « a failli passer » n’eut été la mobilisation internationale.
« Selon le FMC, la couverture médiatique de ces cas stigmatiserait l’ensemble des musulmans. »
Tant que les médias ne font pas d’amalgame entre les islamistes et l’ensemble des musulmans, on ne peut pas les accuser de stigmatiser ces derniers. Ils sont responsable du message, pas de la façon dont celui-ci sera interprété
Oui, cette couverture médiatique peut contribuer à stimuler l’attitude haineuse qu’ont certaines personnes envers tout les musulmans sans distinction mais n’importe quel acte violent traité dans les médias est susceptible d’être exploité pour justifier la discrimination, qu’elle soit religieuse, ethnique, sexiste ou homophobe.
Ce n’est pas aux organisations religieuses et aux groupes de pression de décider du contenu des bulletins de nouvelles et des journaux. De plus, un organisme dont la vice-présidente parle le plus sérieusement du monde de tolérer l’intolérable devrait être au minimum capable de supporter la dénonciation de l’intolérable.
Je suis d’accord avec vous qu’on ne devrait pas avoir le droit de critiquer le contenu que les médias choisissent de présenter, ni la façon dont ils le présentent, puisque clairement, cela constitue une tentative de contrôle de ces mêmes médias. Ce que l’on ne doit en aucun cas permettre ni de la part de groupes organisés, ni d’individus.
Trêve de plaisanterie. Ne croyez-vous pas que plutôt que de remettre en question le droit de critiquer les médias, vous pourriez vous-même critiquer la critique des médias que fait ce groupe, si vous la trouvez inexacte ou abusive (ce qui constitue d’ailleurs la première partie de votre argumentaire).
@JCL
Je n’ai jamais écris qu’on ne devrait pas avoir le droit de critiquer les médias mais que ce n’est pas aux organisations religieuses et aux groupes de pression de décider de leur contenu.
Nous optons au Québec pour la totale liberté de pensée, de parole et d’expression, ainsi que la liberté de la presse. La victimisation de l’un ou l’autre groupe de quelque nature qu’il soit, pour nous amener à nous convaincre que nous les baffouons en nous exprimant ne fonctionne pas dans un espace régi par la démocratie.
Ici les femmes disent qu’elles ne tolèrent pas l’intolérable.Et ce n’est pas aujourd’hui qu’elles vont commencer à le faire.Il n’y a pas de raison de tolérer l’intolérable et nous sommes toutes libres de dire non à ce qui ne doit jamais être tolérer.Et si vous croyez que liberté d’expression =tolérer l’intolérable vous n’avez rien compris.
« Nous sommes toutes libres de dire non à ce qui ne doit jamais être toléré. »
Bien. Respectueusement, j’utilise donc ma liberté pour vous dire que je trouve intolérable ce que vous venez d’écrire sur la liberté d’expression. Je ne tolère pas l’intolérable, selon ma propre définition de ce qui est tolérable ou non.
Le Forum musulman canadien ne veut pas être associé aux Frères musulmans. Je présume que c’est parce qu’ils trouvent que l’organisation des Frères musulmans est problématique. Il faudrait demander à Mme Jebbari, ou à M. Majzoub, leur opinion sur les Frères musulmans, histoire que les choses soient claires.
À deux occasions, dans les reportages indexés, elle pend la défense des Frères musulmans en disant qu’en faire partie n’est pas contre la loi.
L’ISNA n’est pas considérer comme entité terroriste par le Canada et les Frères musulmans ne sont pas ENCORE considérer comme entité terroriste par le Canada.
Vosu avez raison et merci de me rappeler à l’ordre. J’ai corrigé mon texte à ce propos. Il y a une demande d’enquête sur les Frères musulmans au Canada et le Congrès musulman canadien a lui même demandé de placer cette organisation sur la liste des groupes terroristes ou qui soutiennent le terrorisme.
Je répète. Le Hezbollah, le Hamas sont considérer comme entité terroriste par le Canada. Mais pas ENCORE la Confrérie des Frères musulmans (et leurs différentes filiales).
[…]
Je vous donne de mon côté la liste actuelles des groupes terroristes du Canada.
http://www.securitepublique.gc.ca/cnt/ntnl-scrt/cntr-trrrsm/lstd-ntts/crrnt-lstd-ntts-fra.aspx
Il me semble que la phrase-clé de votre texte est : « S’il y a un reproche à faire aux médias, ce n’est donc pas celui que leur adresse le FMC; c’est plutôt leur incapacité d’avoir à l’esprit toutes les pièces du puzzle lors d’une entrevue, surtout lorsque des pièces proviennent de d’autres médias. ».
Ce puzzle n’est pas près à être recoller. Au contraire. La tendance à favoriser le consentement et la nature mercantile des médias ont tôt fait d’écarter de véritables réflexions menant à des solutions raisonnables.