Si le Parti libéral du Canada réclame la démission du général Tom Lawson, il devrait aussi, pour être cohérent, réclamer la démission de son propre chef Justin Trudeau.
Je sais que je me mets la tête sur le billot en abordant ce sujet de la façon dont je vais le faire. Il est extrêmement difficile et socialement incorrect d’aborder le comportement humain sous l’angle de la biologie. La complexité du sujet et la nécessité de tenir compte d’un paquet de facteurs entraînent une méconnaissance de la biologie du comportement, méconnaissance qui permet au constructivisme culturaliste sans base matérielle de se maintenir comme idéologie dominante dans les sciences sociales. Bref, il faut un effort intellectuel pour aller au-delà de la pensée binaire.
Qu’a dit exactement le chef d’état-major? Voici la déclaration qui a mis le feu aux poudres:
«C’est parce que nous sommes programmés biologiquement d’une certaine manière que certains croiraient raisonnable de s’imposer et d’imposer leurs désirs aux autres. Ça ne devrait pas être ainsi [It’s not the way it should be]. »
Le « nous » désigne sans doute « les hommes » et la programmation biologique désigne sans doute le fait que les hommes et les femmes ont des comportements sexuels différents reliés à leur fonction respective dans la reproduction. Qui peut nier une telle chose? À cela, il ajoute que ceux qui pensent que cette réalité indéniable les autorisent à imposer leurs désirs aux autres se trompent. Y a-t-il matière à fouetter un chat?
De ces propos, on lui a pourtant fait dire qu’il justifiait et excusait par la biologie les comportements d’agression sexuelle dans l’armée. Il est là le véritable dérapage, dérapage qui ne s’explique que par l’aveuglement volontaire ou le préjugé anti-biologie.
D’où vient la dominance du mâle?
Lorsque le général Lawson a voulu s’expliquer, il a précisé que son « commentaire sur l’attirance biologique en tant que facteur d’inconduite sexuelle ne visait en aucun cas à dispenser de responsabilités les personnes ayant commis une inconduite »
Voici ce que lui réplique une intervenante du Centre d’aide et de lutte contre les agressions sexuelles de l’Outaouais, Isabelle Dubé:
« Quand on dit que c’est dû à des causes biologiques, ça nous renvoie un peu à des pulsions sexuelles qui sont incontrôlables. C’est un mythe. Nous, on considère que l’agression sexuelle, ce n’est pas une question de désir sexuel, c’est une question de domination et d’abus de pouvoir. »
Des propos repris par Josée Boileau dans son éditorial du Devoir. Après avoir évoqué la supposée « nature contre laquelle on ne peut rien », elle ajoute: « Les agressions contre les femmes s’appuient sur un rapport de domination qui a plusieurs dimensions. Cela n’a rien à voir avec le désir […] »
Ces déclarations révèlent deux importantes méprises. Affirmer qu’un comportement repose sur des bases biologiques ne signifie aucunement, contrairement à la croyance populaire, que ce comportement soit incontrôlable et fatidique. Tout comportement, que ce soit l’altruisme, l’agressivité, la compassion, la passion amoureuse, la détermination ou la lâcheté, repose, en partie du moins, sur des bases biologiques (génétiques, hormonales et neuronales) et chacun de ces comportements demeure contrôlable chez tout Homo sapiens normalement constitué. Nous sommes programmés pour aimer le sucre et le gras, mais nous pouvons contrôler nos inclinaisons naturelles envers ces nutriments.
Autrement dit, il n’y a pas d’opposition simpliste entre biologie et culture; ce qui biologiquement fondé peut être modulé en plus ou en moins par la culture et l’auto-contrôle.
L’autre méprise est que la domination ne soit pas en lien avec le désir sexuel. Pourquoi, chez les mammifères en général, le mâle a-t-il plus de testostérone que la femelle? Pourquoi est-il généralement plus grand que la femelle? La différence de taille entre mâles et femelles n’est pas une fantaisie de la nature mais un effet de la sélection naturelle (plus précisément de la sélection sexuelle). Plus les mâles doivent rivaliser entre eux pour se reproduire, plus le dimorphisme sexuel est grand au sein de l’espèce. Chez les gorilles, par exemple, la différence de taille entre mâles et femelles est de 25%; chez l’espèce humaine, elle est de 7 à 8%.
L’agressivité plus forte chez les hommes que chez les femmes, déterminée en grande partie par le taux de testostérone plus élevé, est liée à cette rivalité intermâle ancestrale pour la reproduction. La domination sociale vient avec. La domination dont parle Isabelle Dubé a donc tout à voir avec les fonctions sexuelles que l’on enrobe avec des concepts socialement valorisés comme le désir et l’amour. Ceci dit, je ne suis pas en train de justifier les mâles dominants ni les violeurs: je ne fais que remettre les choses en ordre. (Voir cette étude et celle-ci pour aller plus loin.)
La porte-parole du NPD en matière de défense, Élaine Michaud, est allée plus loin dans l’anti-biologie primaire: «Les agressions sexuelles, c’est quelque chose de criminel et ça n’a rien à voir avec la biologie », a-t-elle déclaré. Ah bon! Dans ce cas, les sociopathes, les psychopathes, les pédophiles et les prédateurs sexuels ne seraient que le produit de leur éducation. Dans ce cas, pourquoi offre-t-on aux prédateurs sexuels la castration chimique?
Les comportements déviants de ces individus découlent de leur « désir », un désir qui n’est peut-être pas le nôtre, qui n’est pas réciproque et qu’il convient de contrer, mais un désir tout de même.
Testostérone et armée
Il est étonnant que des féministes culturalistes évoquent souvent les études montrant que la fluctuation du taux de testostérone varie en fonction de la situation vécue alors que ce fait n’est aucunement pris en considération dans l’affaire Lawson. Le taux de testostérone varie en effet non seulement selon le sexe mais selon l’âge, selon les saisons, selon l’heure du jour et selon le contexte. Lorsque nous sommes exposés à une situation d’agressivité, notre taux de testostérone et de cortisol augmente. C’est pour nous préparer à l’affrontement.
C’est également le cas lorsque nous faisons de l’exercice physique et du sport. Le taux de testostérone et de cortisol augment même chez les partisans qui regardent une joute de leur équipe sportive.
Si c’est le cas pour des activités aussi anodines de la vie quotidienne, imaginez ce qu’il en est chez des militaires en entraînement! L’armée est une machine à tuer: des hommes sont entraînés pour combattre et tuer d’autres hommes et les armées attirent des individus disposés à jouer ce rôle. La guerre vise le contrôle des ressources mais la disposition pour la faire provient de la rivalité intermâle pour la reproduction. Toutes les victoires militaires sont d’ailleurs accompagnées de viols. La culture machiste de l’armée va de pair avec la mission qu’elle a à remplir. Je n’ai jamais compris ce que des femmes voulaient aller faire dans cet enfer.
On a même entendu des commentaires soutenant que pour contrer la culture du harcèlement sexuel dans l’armée il fallait y admettre plus de femmes, comme si on pouvait transformer des militaires en enfants de chœur.
Revenons à Trudeau
Pour Justin Trudeau, les propos du général Lawson méritent qu’il soit congédié. Dans ce cas, le Parti libéral devrait aussi congédier son chef. La position de Trudeau sur le port du niqab en toutes circonstances, même dans les cérémonies d’assermentation citoyenne, porte beaucoup plus à conséquence sur l’inégalité sociale des hommes et des femmes que les déclarations d’un chef d’état-major à l’aube de sa retraite. Trudeau est chef d’un parti aspirant à gouverner le Canada et les femmes méritent mieux que l’asservissement et le mépris que leur sert le Parti libéral en tolérant une situation d’oppression aussi intolérable que le port de la burqa ou du niqab.
Excellent article.
Le refus de tenir compte des facteurs biologiques pour ne privilégier que les facteurs culturels est une incroyable aberration scientifique.
Tu ne te feras pas beaucoup d’amis avec ce texte… Mais tu as raison.
J’ajoute que, si nous croyons les constructivistes sociaux, on doit alors déduire que la prévalence de viols mâles -> femelles doit donc aussi être le fruit de constructions culturelle de pouvoir… chez les canards et les dauphins, pour ne nommer que ces espèces animales.
Effectivement le Général Lawson a exprimé une vérité irréfutable pour des militaires : ayant une bonne connaissance de la nature humaine et plus particulièrement de l’homme ; toutefois, il a été un très mauvais stratège de partager ce point de vue et probablement l’ensemble de ses officiers pensent de même; mais ce n’était pas l’endroit pour donner une leçon en psychologie sur les besoins vitaux des soldats.
Monsieur Lawson a peut-être confondu deux problèmes : le comportement sexuel du militaire en mission et celui de la vie quotidienne; dans ce cas-ci on parle plus du dernier. IL EST ÉVIDEMMENT INACCEPTABLE ; il sous-entend que ce harcèlement se ferait à l’encontre de d’autres collègues de travail, de sexe féminin bien évidemment (TOUTEFOIS, les personnes homosexuelles, plus souvent homme, peuvent faire également l’objet de harcèlement, dans le but d’incitation au sexe). Le second, en mission, avec la population locale, la situation étant plus délicate, en considérant le consentement sexuel.
Nous sommes très loin de régler le ‘problème’ lorsque les militaires sont en mission. Mais, le harcèlement et le viol, devraient sévèrement être DÉFENDUS, voire punissables. Ils doivent demeurer dignes de la confiance qu’on leur accorde : par exemple la personne homosexuelle au sein de l’Armée, doit, elle, pour : sa carrière, sa dignité, voire son intégrité physique, ne pas se permettre ce genre de comportement préjudiciable au risque de bien des problèmes, je crois que tout militaire DEVRAIT être ainsi respectable.
Monsieur Baril,
J’ai envoyé ce commentaire à Mme Boileau du Devoir.
Je doute qu’il passe la rectitude politique leur censure, mais enfin…
Mme Boileau,
Vous faites dire au Gén. Lawson ce qu’il n’a pas dit, comme on a fait dire à Monsieur ce qu’il n’avait pas dit en 1995.
De la part des Trudeau et autres Mulcair ça ne me surprend pas, leur rectitude politique étant imbatable.
Mais, de votre part j’étais habitué à plus de rigueur.
Si vous en avez le temps, allez donc lire le billet de Daniel Baril dans Voir.
Ça vous remettra peut-être en question
Je n’ai pas sursauté d’horreur moi non plus quand j’ai entendu les propos du général Lawson et j’espérais un article sérieux et documenté qui donnerait un autre son de cloche que celui des récupérateurs de tout acabit. C’est chose faite. Merci M. Baril.
Très bonne analyse. Merci Daniel.
Pour plusieurs raisons, dont le manque de jugement et le manque d »expérience, M.Justin Trudeau ne devrait pas être ou devenir un de nos chefs.
C’est certain que monsieur Baril ne se fera pas beaucoup d’amies parmi les féministes. Par contre l’écrivaine Nancy Huston a écrit des choses semblables dans un essai. Hélas c’est surtout par ses romans qu’elle est connue.Je vous remercie Daniel Baril d’avoir le courage d’apporter un peu de science dans ce débat. J’espérais une analyse plus poussée des féministes qui ont pris la parole sur cette question.
Désolé, mais l’explication « biologique » est totalement erronée et repose sur un préjugé.
La majorité des violeurs ont une partenaire sexuelle régulière et ne sont donc pas « en manque ». De plus, une majorité énorme sont des consommateurs de pornographie montrant les femmes dans des situations de dominées.
Et l’armée est aussi connue pour des viols de soldats masculins. Ceux-ci sont alors agressés par un groupe complet de ses collègues.
Strictement rien à voir avec la « biologie », mais tout avec les relations de pouvoir.
Ce que disait Isabelle Dubé: « Quand on dit que c’est dû à des causes biologiques, ça nous renvoie un peu à des pulsions sexuelles qui sont incontrôlables. C’est un mythe. Nous, on considère que l’agression sexuelle, ce n’est pas une question de désir sexuel, c’est une question de domination et d’abus de pouvoir. »
Et c’est aussi ce qu’on peut remarquer chez les primates. La sexualité est très souvent utilisée pour exprimer des relations de pouvoir.
Vous n’avez absolument rien dit qui infirme la thèse de M Baril.
La culture est la somme de la biologie et de l’environnement, pas l’inverse.
Ce qui veut aussi dire que la compassion, la gentillesse, l’altruisme, sont tout aussi biologiques que la violence, le mépris, la domination.
Tous ces comportements sont gérables individuellement, mais un contexte donné favorise des comportements au détriment d’autres. Nous avons le libre-arbitre (encore une fois, issu de notre biologie) pour corriger le tir, mais nous ne sommes absolument pas omnipotents ou omniscients sur nos actions.
Et d’où viennent ces sottises sur la sexualité basée sur la domination ? Je peux vous garantir que la plupart des hommes ne veulent rien savoir de la « domination » en elle-même et se contenteraient largement du sexe (voire même d’élever une famille…sont fous de même les hommes !)
Vous étendez une psychopathologie à la moitié de la population en une toute petite phrase, basée sur absolument rien et contraire à l’évidence la plus élémentaire.
Selon vous, M. Lagassé, les relations de pouvoir n’auraient donc rien à voir avec la biologie. Mais où les primates prennent-ils donc cette inclinaison? Dans la littérature machiste?
Votre traduction fait fi du contexte de l’entrevue, du contexte dans l’armée (cas de harcèlement sexuel à répétition) et change un des opérateurs logiques dans l’énoncé du général.
En réponse à la question de savoir pourquoi le harcèlement sexuel est encore un problème dans les forces armées, le général répond:
«It would be a trite answer, but it’s because we’re biologically wired in a certain way[…]».
À cette première proposition est juxtaposée la suivante: «[…] and there will be those who believe it is a reasonable thing to press themselves and their desires on others. It’s not the way it should be».
Autrement dit, pourquoi y a-t’il un problème de viols et de harcèlement sexuel dans l’armée? «C’est parce-que nous sommes programmés d’une certaine façon».
Vous trouvez cette réponse acceptable? S’il y a plus de viols dans l’armée que dans d’autres institutions, ne serait-ce pas alors plutôt dû à la culture de l’institution? Vous répondez que non, que ce serait plutôt dû à un taux de testostérone supposément plus élevé dans l’armée.
Ainsi, bien que vous écriviez que la testostérone et le dimorphisme sexuel soient des facteurs parmi d’autres, vous semblez tout de même affirmer qu’ils soient déterminants. Or un désir d’origine biologique peut s’exprimer de plusieurs façons, soit pacifiques ou antisociales, et ce même chez différents animaux. Il y a nombre de cas de sociétés où les pulsions sexuelles, bien réelles, sont gérées de façon complètement différentes, harmonieuses, ou violentes. Or si les phénomènes biologiques bien réels prennent des expressions sociales différentes dans des contextes culturels ou sociaux différents, la biologie ne peut servir d’explication à un comportement donné.
Votre raisonnement repose donc sur une compréhension erronée de la position que vous critiquez, à savoir qu’elle nierait la réalité biologique. Or c’est l’utilisation de la biologie pour justifier des comportements antisociaux qui est critiquée.
Relisez s’il vous plaît:
J’avais très bien lu, M. Baril. Or nous ne disons pas la même chose. D’abord, dire que quelque-chose peut être modulé veut dire qu’il y a une forme d’expression d’un processus biologique qui serait «naturelle», qu’on peut amplifier ou atténuer, mais qui serait toujours là. Or ce que je dis est qu’un même processus biologique peut mener à des formes d’expression complètement différentes. Ce qu’un minimum d’observation des sociétés humaines permet de conclure. Donc il n’y a aucune base pour affirmer que sa manifestation antisociale serait plus légitime ou naturelle que ses autres expressions.
Ensuite, comme je le mentionne dans mon commentaire, (peut-être devriez-vous me relire), «bien que vous écriviez que la testostérone et le dimorphisme sexuel soient des facteurs parmi d’autres […]» (référence assez explicite au passage de votre texte que vous m’invitez à relire) «[…] vous semblez tout de même affirmer qu’ils soient déterminants.», puisque par après vous nous expliquez que le taux de testostérone élevé dans l’armée puisse expliquer le problème de harcèlement sexuel (plutôt qu’une culture militaire machiste, par exemple).
Alors où est mon problème?
1. Que votre raisonnement repose sur un homme de paille: vous prétendez que les personnes ayant critiqué le général Lawson nient une réalité biologique. Ce qui est faux. C’est l’utilisation de la biologie pour justifier des comportements antisociaux qui est critiquée.
2. Que votre traduction du général Lawson est inexact et atténue son propos.
3. Que vous avancez une théorie pour le moins bizarre qui est que le taux de testostérone des hommes dans l’armée serait plus élevé, et que cela expliquerait les problèmes de harcèlement sexuel dans l’institution.
C’est samedi, il fait beau, et je n’ai pas maintenant la patience de vous expliquer pourquoi cette dernière proposition est pour le moins problématique à plusieurs égards, entre autres en terme de ce qu’elle impliquerait pour la société en général.