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Djemila Benhabib blâme sévèrement le Conseil de presse pour son manque de rigueur

Suite à la tempête médiatique engendrée par le blâme de plagiat que le Conseil de presse adressait à Djemila Benhabib, la militante laïque a fait connaître sa réaction à cette décision qu’elle juge « mal avisée » et porteuse d’ « injustices flagrantes et déplorables ».

L’auteure, qui lance cette semaine à Montréal son tout dernier ouvrage de combat contre l’islamisme politique (1), déplore que le Conseil de presse se soit laissé instrumentaliser dans une guerre d’opinion sur l’islamisme et la laïcité et ait ainsi servi une « vulgaire, sinon grossière ‘’job de bras’’». À son tour, Djemila Benhabib jette un « blâme sévère » contre le Conseil de presse pour avoir fait preuve de « légèreté dans le traitement du dossier ».

Je laisse à chacun le soin de prendre connaissance de la décision du Conseil de presse et de la réaction de Mme Benhabib afin de se faire une idée sur le sujet.

Blâme sévère contre banalités
Dès que j’ai pris connaissance de cette affaire et avant que Djemila Benhabib n’ait publié sa réaction, j’ai été profondément étonné par l’écart entre la sévérité du blâme qui lui était adressé et le caractère plutôt banal du plagiat allégué. Mon propos ici n’est pas d’excuser le plagiat lorsque plagiat il y a, mais de juger l’écart reproché à sa juste valeur.

D’une part, on ne retrouve aucun exemple du dit plagiat dans ce qui a été rendu public par le Conseil de presse. Ce n’est que sur le site de Radio-Canada que nous trouvons deux exemples. On se serait attendu à une copie intégrale d’un texte d’opinion repiqué ailleurs mais on nous donne deux simples phrases, tirées de deux textes de blogues différents, qui auraient été glanées ailleurs. On aura beau lire et relire l’une d’elles sans trouver où est le plagiat. Jugez-en par vous-mêmes. Mme Benhabib a écrit :

« Il faut d’urgence rétablir la démocratie dans ses droits, la laïcité dans toute sa force, et enseigner les valeurs et les principes citoyens à nos enfants. »

Ce qui serait un plagiat de :

« Il faut d’urgence rétablir la vie dans ses droits, rétablir la laïcité dans toute sa force, et enseigner de nouveau des savoirs réels. »

Si Radio-Canada nous a livré ce qu’il y a de plus convaincant dans cette plainte, ça ne dépasse pas la simple communauté d’esprit ou l’empreinte laissée par une lecture marquante. Si le plagiat allégué est de cette nature, la banalité de la chose n’a aucune commune mesure avec la sévérité du blâme. Chose certaine, Djemila Benhabib n’a pas besoin de copier qui que ce soit pour émettre ses opinions.

Puisque le Conseil de presse ne donne pour sa part aucun exemple, on peut se demander où Radio-Canada a eu son information. Selon ce que nous apprend Djemila Benhabib, le Conseil a coulé son dossier dans les médias avant même d’avoir avisé Mme Benhabib de sa décision. Il y a là un manque flagrant d’éthique professionnelle dont le Conseil de presse devra répondre.

On peut également s’étonner de l’importance que Radio-Canada a accordée à cette affaire, en en faisant une nouvelle d’intérêt national dans son Téléjournal. La télé fédéraliste et multiculturaliste en fera-t-elle autant avec la réplique de Mme Benhabib?

Guerre d’opinion
Après avoir affirmé qu’elle ne visait que l’intérêt public, la plaignante dans cette affaire, Odile Jouanneau, a reconnu vouloir s’en prendre au discours de Djemila Benhabib et à son image : « J’espère qu’après cette décision, on se questionnera sur l’image intouchable de Djemila Benhabib ainsi que sur son discours », a-t-elle déclaré à La Presse.

Sur une page Facebook dédiée au Collège Maisonneuve, Odile Jouanneau dit être prête à attaquer Denise Bombardier pour « incitation à la haine » suite à un texte de blogue sur les troubles commis dans ce collège par un groupe d’élèves que l’on sait être des sympathisants islamistes (commentaire qui semble avoir été retiré depuis).

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Lisez le texte de Denise Bombardier et cherchez l’incitation à la haine.
Ces déclarations révèlent des parti-pris qui ne visent pas que la défense de l’intérêt du public.

Discrédit du Conseil de presse
Dans sa lettre au Conseil de presse, Djemila Benhabib dit renoncer à son droit d’appel parce que sa confiance en cet organe de presse est « au point zéro ».

Je ne peux qu’être d’accord avec cette décision. Le Conseil de presse avait déjà perdu toute crédibilité à mes yeux après une plainte présentée par des collègues du Mouvement laïque québécois et de l’Association humaniste du Québec contre la couverture biaisée du débat sur la « charte de la laïcité » présentée par le quotidien La Presse à l’automne 2013. Le jury avait alors ignoré complètement le point central de la plainte qui portait sur le déséquilibre de l’information. Les taux d’articles (journalistiques et d’opinion) favorables et défavorables au projet de loi étaient respectivement de 19% et de 81%, ce qui était l’inverse du taux d’appui dans la population. Le Conseil de presse a toutefois conclu à une couverture équilibrée et diversifiée!

La décision a été portée en appel avec un argumentaire qui rétablissait les lacunes du premier avis. Le jury d’appel n’a fait que répéter mot à mot le premier avis sans tenir compte des arguments des plaignants. Des élèves de secondaire 3 auraient fait mieux.

Le Conseil n’a non seulement plus de crédibilité mais semble avoir perdu toute utilité sociale face à des médias gangrénés par le multiculturalisme anti-laïque.

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1. Après Charlie; laïques de tous les pays mobilisez-vous!, éditions Septentrion, Québec, 2016.