On ne peut qu’être d’accord avec Georges Leroux lorsqu’il affirme, dans son entrevue au Devoir (31 mars), que le cours Éthique et culture religieuse doit être questionné: «Il faut voir ce que les élèves ont appris, ont retenu. Est-ce que ça marche sur le terrain? Est-ce que les profs sont bien formés? etc. Toutes ces questions doivent faire partie d’un processus d’évaluation complexe», faisait-il valoir.
Cela, en marge de son dernier essai, Différence et liberté (Boréal), qui en est pourtant un ouvrage de défense et de promotion tous azimuts du cours ÉCR. On a beau chercher dans les 350 pages de cette brique un quelconque questionnement sur les orientations du cours ou une quelconque remise en question des contenus, on n’en trouve aucun.
Tous les écrits de M. Leroux sur le cours ÉCR pèchent par une approche intellectualiste dont les encrages avec les contenus ne vont pas au-delà des pieux énoncés du «vivre-ensemble» et de la «pratique du dialogue». Ses considérations philosophiques demeurent totalement décrochées des contenus d’enseignement et à mille lieues de la réalité de la classe.
Au Devoir, l’auteur déplore que l’islam ne fasse pas partie des contenus obligatoires du cours. C’est dire à quel point il ignore les contenus de ce programme qu’il a pourtant contribué à mettre sur pied. L’islam fait bel et bien partie des contenus obligatoires, tant au primaire qu’au secondaire, comme on peut le lire dans le programme : «L’enseignant doit s’assurer que […] l’islam est traité à plusieurs reprises au cours d’un cycle.» Cela, au même titre que le christianisme, le judaïsme, les religions orientales et les spiritualités amérindiennes.
Touche pas à ma religion!
On remarque que la philosophie humaniste est exclue de la liste. Que dit Georges Leroux au sujet de cette exclusion de l’incroyance, de l’athéisme ou de la non-observance religieuse? «Ce reproche est mal fondé: dans leur essence, les conceptions séculières relèvent justement de la discussion éthique et sont pleinement présentes dans le programme», écrit-il. Le fait que le volet éthique soit construit sur un humanisme non religieux règle selon lui le problème de l’exclusion de l’incroyance des contenus du volet religieux. Le volet éthique ne discute aucunement des interprétations non religieuses du monde et des modes de vie sans référence au religieux. Un silence n’annule pas une omission.
Au paragraphe suivant, l’auteur ajoute: «Rien ne serait plus dommageable à un programme d’éducation au pluralisme que la mise en contradiction systématique du religieux et du séculier. Insister donc sur la séparation de la représentation non confessionnelle de la culture religieuse et des conceptions séculières, c’est protéger l’objectivité.» Exit la formation de la pensée critique.
Autrement dit, pas question de critiquer la religion ni de contrebalancer la présentation des croyances et mythologies religieuses par le fait qu’une majorité de citoyens vit très bien sans références religieuses. M. Leroux a dit et écrit à plusieurs reprises qu’«un programme de culture religieuse doit inculquer le respect absolu de toute position religieuse». C’est ce qu’il répète en d’autres mots dans son dernier ouvrage où, selon ce qui y est insinué, critiquer les religions signifie être hostile aux religions. On aura remarqué la communauté de pensée avec ceux qui affirment que critiquer l’islam, c’est être islamophobe.
L’auteur consacre 10 pages aux objections laïques envers le cours ÉCR dans lesquelles il concentre ses attaques anti-laïques contre le Mouvement laïque québécois, mais sans jamais citer aucune phrase ni même donner aucune référence des écrits du MLQ. Pour la rigueur intellectuelle, il faudra repasser. Son analyse n’est alors basée que sur des impressions subjectives fondées sur on ne sait quoi, ce qui amène le philosophe à commettre plusieurs sophismes. Par exemple, le fait que le MLQ réclame le retrait du «volet culture religieuse» du cours ÉCR semble signifier à ses yeux que les «laïcistes ultra républicains», comme il nous appelle, sont contre la culture religieuse en soi.
« Culture religieuse » : vraiment?
En raison de son approche exclusivement intellectualiste et de son étonnante méconnaissance des contenus du cours, M. Leroux est convaincu que les contenus religieux sont des contenus culturels, comme en témoigne l’expression «représentation non confessionnelle de la culture religieuse» citée plus haut. Le cours transmet pourtant les croyances, les dogmes et les pratiques de toutes les religions du monde. D’un enseignement confessionnel, nous sommes passés à un enseignement multiconfessionnel.
Comment peut-on penser transmettre aux enfants de 6 ans des «représentations non confessionnelles» de croyances confessionnelles telles que la Révélation, les anges, le paradis, l’Immaculée conception, la réincarnation, le déluge, le créationnisme, les Rois mages, les miracles, la résurrection, l’ascension de Mahomet, la naissance de Bouddha?
Georges Leroux a-t-il jeté un coup d’œil aux manuels utilisés en classe? Est-il au courant des devoirs que l’on fait faire aux élèves? Sait-il qu’on leur demande de rédiger des prières, d’illustrer leurs croyances, de présenter leurs rituels religieux, de témoigner de leurs pratiques, d’apprendre à manger hallal et à balancer leurs chakras? Sait-il que les modèles de vie présentés ne sont que des modèles de croyants pratiquants? Réalise-t-il que ces modèles excluent 80% des élèves de la classe? Sait-il que le volet religieux est en flagrante contradiction avec le volet éthique quant aux valeurs comme l’égalité des sexes, la liberté de conscience et l’égalité des religions? Manifestement non. De toute façon, tout cela c’est de la culture, n’est-ce pas? Chercher à nous faire passer ces contenus confessionnels et doctrinaires au nom de la culture est une véritable aberration intellectuelle.
Dans son prologue, Georges Leroux reconnaît qu’il a souvent fait preuve de naïveté dans sa conception du pluralisme. Il érige pourtant cette fois-ci le pluralisme au rang d’un «humanisme de la différence». On se serait attendu à ce qu’un philosophe mise plutôt sur l’humanisme universel afin d’outiller l’école dans la lutte contre les clivages sociaux et les replis identitaires. Force est de reconnaître qu’il lui reste encore beaucoup de naïveté.
Dans un volume collectif à paraître l’été prochain, nous présenterons un tout autre regard sur le cours ÉCR afin d’en révéler la face cachée ainsi que les contenus méconnus des parents.
(Ce texte a aussi été publié dans Le Devoir du 7 avril 2016.)
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Dans son livre, Georges Leroux affirme que la pensée de Locke prolonge celle de Hume (alors Hume est né après la mort de Locke!!!) et il écrit qu’il y a deux ans de philosophie au niveau collégial (alors qu’il y a seulement 3 cours de philo au cégep!!!).
STUPÉFACTION
Je suis d’accord avec la réplique de Monsieur Daniel Baril à M.Georges Leroux. Comme toujours, Monsieur Baril nous donne –l’heure juste-!
Dans plusieurs manuels scolaires, j’ai pris connaissance du cours ECR, Éthique et Culture Religieuse. Quelle ne fut pas ma stupéfaction de constater que l’enseignement du volet Religion est donné de façon dogmatique et doctrinale, sans aucune critique et référence aux Historiens. Pourtant, Arius, prêtre d’Alexandrie, niait que le Christ était Dieu. Les grands débats des premiers siècles portaient sur la divinité du Christ, Son humanité, Sa mort et Sa puissance divine. Tout cela était chaudement discuté, et demeure des débats historiques encore d’actualité. Aux IVe et Ve siècles, sous le règne de Julien Bizantin et des évêques, des désaccords profonds existaient en matière dogmatique, christologique, théologique et doctrinale. Aujourd’hui, des exégètes savent que Dieu n’est jamais apparu à Moïse et que les tables de la loi ne sont qu’un symbole de la conscience. Certains font remonter les commandements de Dieu à Hammourabi, groupe de prêtres sumériens, au début de la civilisation. Plus contemporains, Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, historiens, auteurs et cinéastes français, au terme de cinq années d’études et des recherches, sont arrivés à la conclusion que la Bible, y compris les Évangiles, quoique possédant quelques éléments historiques, relève de la « fabrication ». Les deux chercheurs soupçonnent les auteurs du Nouveau Testament de l’avoir écrit dans le but manifeste de tromper les lecteurs et de les attirer vers l’Église. Leur seule certitude, c’est que les Évangiles ont été rédigés à plusieurs mains et à des époques différentes. Il leur paraît évident que l’histoire de Jésus repose sur une base historique, mais comporte une part de légende.
Pourtant en ce cours Religion donné à nos enfants, c’est présenté comme étant –vérité-!