Dans untexte publié dans le Devoir du 5 janvier, Jean-Pierre Proulx en appelle au gouvernement pour trancher le débat entourant le cours Éthique et culture religieuse (ECR). En tant qu’ex-président du Groupe de travail sur la place de la religion à l’école d’où origine ce cours, M. Proulx en est l’un des principaux artisans.
On ne peut que se réjouir que les critiques qu’il adresse aujourd’hui rejoignent une partie des objections formulées notamment par le Mouvement laïque québécois dès la fin des années 90 pendant la réflexion entourant ce projet : trop de temps accordé à ce cours, occultation de l’incroyance, musellement de la pensée critique. Les problèmes rencontrés aujourd’hui auraient pu être évités si le rapport présenté par M. Proulx avait été à la fois plus précis et plus ferme sur ce qu’il fallait faire et ne pas faire.
On constate toutefois que M. Proulx ne questionne aucunement les fondements du cours et c’est à ce niveau que réside l’essentiel du problème : ECR est, par son essence même, un cours de promotion et de formation de la pensée religieuse croyante qui n’a pas sa place à l’école publique. Il constitue une véritable dérive de l’école québécoise supposément laïque.
À son avis, la Cour suprême (CS) aurait cautionné ce cours, du moins dans son caractère obligatoire. Si le premier jugement de la CS, faisant suite à une plainte de parents chrétiens déposée en 2008, concluait en ce sens, il n’en constituait pas pour autant le dernier mot : «il se peut que la situation juridique évolue au cours de la vie du programme ÉCR», écrivait le juge LeBel.
Le deuxième jugement de la CS, suite à la plainte du collège Loyola, a invalidé une grande part des fondements et objectifs du programme en permettant aux écoles confessionnelles de maintenir un enseignement religieux confessionnel. Ces deux jugements offrent de nombreuses pistes pour une nouvelle contestation juridique du cours.
Sondage et pétition
Faisant écho à la pétition réclamant le retrait du volet religieux du cours ECR, Jean-Pierre Proulx estime que les quelque 5400 signatures obtenues est bien peu. Nous aurions certes espéré plus. Mais les pétitions mises en ligne sur le site de l’Assemblée nationale n’y demeurent que pendant deux mois et atteignent rarement les 2000 signatures. Au moment de sa fermeture à la fin novembre, cette pétition était la quatrième sur 19 pour le nombre de signatures.
M. Proulx soutient par ailleurs que le fait qu’une majorité de répondants à un sondage ait exprimé une opinion favorable au cours milite pour son maintien. Comment peut-on s’en remettre à un sondage non ciblé sur une telle question quand on sait que la population ignore tout des contenus du programme et que les parents n’en reçoivent aucune information? Ce cours est vendu au public sous la fausse représentation d’un cours d’histoire des religions alors qu’il n’en est rien. C’est justement pour informer adéquatement la population des véritables contenus du cours que nous avons publié l’automne dernier l’ouvrage collectif La face cachée du cours Éthique et culture religieuse (Baril et Baillargeon, Leméac, 2016).
De plus, le sondage en question demandait si le cours devait être aboli dans son entier alors que la polémique ne porte que sur le volet religieux et non sur le volet éthique.
Fidèle aux orientations injustifiables du programme, M. Proulx souhaite par ailleurs que l’incroyance demeure exclue des thèmes abordés au primaire. C’est aussi la position défendue par le professeur de philosophie Jocelyn Maclure dans un débat que nous avons eu à l’émission Médium large de Radio-Canada. Pourquoi n’aborder ce thème qu’au secondaire? Pour le philosophe, l’incroyance et la critique des religions doivent être reléguées à la fin du secondaire lorsque «les enfants sont plus matures». Les enfants du primaire seraient donc trop immatures pour savoir que leurs voisins sont comme eux sans religion mais assez matures pour absorber la somme des mythologies religieuses de l’ensemble de l’humanité.
Instrumentalisation de la religion
Jean-Pierre Proulx semble finalement faire sienne la critique de l’association des enseignants d’ECR reprochant au Parti Québécois «l’instrumentalisation politique du programme ECR». Or ce programme est lui-même une instrumentalisation politique de la religion au profit du multiculturalisme et de la «laïcité ouverte».
Lorsque l’on met ensemble les critiques formulées tant par les croyants que les incroyants, ainsi que le jugement de la Cour suprême enjoignant le ministère de l’Éducation de revoir le programme, on ne peut que conclure que le cours ECR est irréformable et qu’il n’aurait jamais dû voir le jour. Loin d’être une instrumentalisation politique, la proposition de remplacer ce cours par un véritable cours d’éducation civique assorti d’une formation de la pensée critique est la seule solution viable.
Une version légèrement écourtée de ce texte est parue dans Le Devoir du 12 janvier 2017
C’est quand même rigolo de voir que des intégristes catholiques, protestants et grecs et coptes orthodoxes (tous réunis dans l’organisme ultra-conservateur CLÉ), ainsi que des juifs orthodoxes s’opposent au cours d’ECR parce qu’il évacue la dimension religieuse de la morale.
C’est un peu curieux de voir les extrémistes religieux et athées alliés dans le même combat.
Je trouverais plus constructif de militer pour des réformes du programme plutôt que de son abolition. D’autant que plusieurs critiques font des amalgames entre les différents niveaux (de l’élémentaire et du secondaire).