Plusieurs de ceux et celles qui se considèrent progressistes et démocrates ne se reconnaissent plus dans ce qu’est devenue la gauche à laquelle pourtant ils s’identifiaient il y a une décennie. C’est que la gauche n’est pas un bloc monolithique, encore moins aujourd’hui que dans les années 70-90. La frange la plus active, celle qui est la plus visible et qui est représentée par Québec solidaire, est perçue à juste titre comme une gauche régressive, c’est-à-dire qui fait preuve de contradictions profondes en adoptant des positions multiculturalistes et socialement relativistes. Les résultats sont contraires aux visées progressistes qu’elle prétend poursuivre.
Des exemples : l’insistance mise sur les particularismes ethnoculturels sous prétexte de défendre les minorités conduit à une société fondée sur les ghettos ethniques, ce qui constitue rien de moins que du racisme inversé. La complaisance à l’égard de la religion au nom du respect des convictions conduit à se solidariser des éléments les plus rétrogrades et réactionnaires de la société et à lutter contre la laïcité de l’État. L’identité n’est vue comme un élément noble que pour les groupes ethniques et devient du racisme lorsqu’il s’agit de l’identité collective comme celle de la nation québécoise. Les projets collectifs sont abandonnés au nom de l’individualisme postmoderniste. Un soi-disant mouvement antifascisme n’hésite pas à recourir aux méthodes du fascisme et à chercher à imposer sa pensée unique. Des universitaires bien-pensants s’en prennent à la liberté d’expression en réclamant des « espaces sécuritaires » pour protéger leur petit moi comme s’ils étaient des enfants de garderie.
Cette gauche est portée par des philosophes, des sociologues, des juristes et des politologues postmodernistes anti-Lumières qui ont perdu tout repère humaniste républicain.
Les positions révisionnistes de la gauche postmarxiste d’aujourd’hui étaient, dans les années 70-90, des valeurs de droite. La gauche de ma jeunesse combattait en effet l’obscurantisme religieux et luttait pour la laïcité. Elle réclamait la reconnaissance du droit à l’autodétermination du Québec au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Le multiculturalisme était vu comme un repli identitaire. Le féminisme se voulait libérateur plutôt que centré sur l’ « intersectorialité » qui divise et ne mène nulle part. L’individualisme qui constitue la pierre angulaire inconsciente de la gauche régressive et qui a remplacé le républicanisme était l’apanage du capitalisme triomphant.
Le manifeste de l’Aut’gauche
La gauche ne se limite pas aux dérives actuelles et de plus en plus de progressistes en ont ras-le-bol. En France, un mouvement de citoyens a vu le jour sous le nom de Printemps républicain et a produit un manifeste voué à la défense de la République et de ses principes : l’égalité, la laïcité, la fraternité, la solidarité et la souveraineté. Un mouvement semblable, qui se veut indépendant de tout parti politique, vient de voir le jour au Québec sous le nom de l’Aut’gauche et a publié son manifeste Relancer l’engagement politique citoyen. Le texte pose non seulement un diagnostic sur les écarts de la « gauche multiculturelle, inclusive et post-nationale » mais invite à un redressement et à l’action. En voici des extraits :
« [Une certaine vision de la gauche] est multiculturelle et préoccupée par les minorités ethniques, culturelles, linguistiques, religieuses et sexuelles, au mépris parfois des majorités; elle ne jure que par la charte canadienne des droits de la personne, au point parfois d’ignorer les droits collectifs, et même, de juger discriminatoires des dispositions de la loi 101, ou d’éventuelles lois sur la laïcité qui limiteraient le port des signes religieux et du voile islamique, ou même la liberté d’expression lorsqu’elle est jugée offensante pour les minorités culturelles ou religieuses; elle défend même le voile intégral, et, du même coup, l’intégrisme islamique. […]
On peut dire aussi qu’elle est post-nationale, car elle est contre le nationalisme facilement qualifié d’ethnique, identitaire, revanchard, passéiste, régressif : pour elle, l’idée de nation, de peuple, de société distincte, de société laïque, de communauté de destin est suspecte, dangereuse même et doit être dénoncée, voire condamnée. Elle est pour l’indépendance à condition qu’elle soit multiculturelle […].
Le discours de cette gauche multiculturelle tente d’imposer une nouvelle rectitude politique et crée un immense malaise parmi les forces progressistes. L’intransigeance et le dogmatisme moral de plusieurs inclusifs blesse beaucoup de Québécois et de Québécoises attachés à leur peuple, en plus de détourner l’attention de problèmes importants pour l’ensemble de la population. En réalité, cette gauche divise et exclut plus qu’elle ne rassemble et inclut. […]
La plate-forme politique que nous proposons au mouvement citoyen et démocratique s’articule autour de quatre axes de changement inséparables l’un de l’autre : la réforme démocratique, le partage de la richesse, la transition écologique, la souveraineté politique. […]
[Nous proposons] une meilleure répartition de la richesse, grâce à une démocratisation de l’économie et à un filet social élargi, afin de tenir compte des réalités nouvelles du monde du travail et des inégalités révoltantes engendrées par l’économie mondiale actuelle. »
On pourra trouver des lacunes et des omissions à ce manifeste, notamment concernant le féminisme, mais il faut saluer cette prise de parole rafraichissante, attendue et libératrice que l’on peut endosser sur le site de mouvement. Commentant ce manifeste dans sa chronique à Radio-Canada Première, Simon Jodoin a dit y voir un clivage entre la gauche des régions et la gauche montréalaise. Pourtant, si on regarde les 115 signatures actuelles, plus du tiers proviennent de Montréal. Si on leur ajoute celles de Laval et Longueuil, c’est près de la moitié des signataires qui sont de la grande région montréalaise. Toute la gauche montréalaise n’est pas régressive, ce qui est fort heureux.
Il est à espérer que tous les démocrates et progressistes du Québec emboitent le pas.
Texte rafraîchissant!
L’individualisme, voilà l’ennemi! Tel est l’absurde postulat dans lequel s’empêtrent M. Baril et beaucoup d’autres adversaires du multiculturalisme, qu’ils soient de gauche (Louise Mailloux) ou de droite (Mathieu Bock-Côté). En réalité, la laïcité et la neutralité religieuse de l’État ne visent nullement à garantir je ne sais quel droit collectif, mais bien plutôt un droit individuel: le droit de chaque citoyen à ne pas voir sa liberté de conscience violentée par un représentant de l’État dans l’exercice de ses fonctions. Prôner la laïcité au nom de droits soi-disant collectifs est une pure aberration.
Par ailleurs, depuis quand l’islamisme doit-il être considéré comme une manifestation d’individualisme? N’est-il pas évident que les islamistes haïssent les libertés individuelles et qu’ils cherchent à les subordonner aux prétendus droits collectifs de la communauté des croyants, de l’«oumma»? Qualifier d’individualistes les partisans du voile islamique est absurde, car leur discours relève au contraire d’un communautarisme qui réduit l’individu à son appartenance religieuse, ethnique ou culturelle.
Dans cette optique, il est parfaitement illogique de prétendre combattre le micro-collectivisme islamique (ou juif ou chrétien ou sikh) à l’aide du macro-collectivisme d’un certain nationalisme (québécois ou autre). À cet égard. les nationalistes ne valent guère mieux que les multiculturalistes. Pour les premiers, l’individu n’existe que par son ancrage dans une culture nationale hypostasiée. Pour les seconds, il se définit exclusivement par son appartenance à son groupe d’origine et à ses revendications identitaires dont ils font une sorte d’absolu. Ainsi, nous n’aurions plus le choix qu’entre un collectivisme centralisateur (uniculturel) et un collectivisme éclaté (multiculturel). Dans l’un et l’autre cas, l’individu n’est pas considéré avant tout comme le sujet de sa vie, mais comme le pur moyen d’un idéal collectif. Tu n’es pas d’abord une personne autonome mais un Québécois ou alors un musulman, un juif, etc. Tel est ton destin et tu n’y échapperas pas!
Malheureusement, la notion même d’individualisme a tellement mauvaise presse dans notre société que presque tout le monde en fait un épouvantail, y compris ceux qui, logiquement, devraient s’en réclamer haut et fort. Quand donc en aurons-nous fini avec cet anti-individualisme stupide? Quand comprendrons-nous enfin que l’individualisme est une vertu dont il faut être fier? Dois-je rappeler la définition de l’individualisme selon le Petit Robert: «Théorie ou tendance visant au développement des droits et des responsabilités de l’individu. Attitude d’esprit, état de fait favorisant l’initiative et la réflexion individuelle, le goût de l’indépendance. L’individualisme s’oppose au conformisme et au grégarisme. – ANTONYMES. Communisme, étatisme, totalitarisme, conformisme.» Cessons de fustiger l’individualisme comme s’il s’agissait d’un vice abominable.
En terminant, une suggestion de lecture : Alain Laurent, L’Individu et ses ennemis (Hachette, 1987).
Ne faut-il pas cependant un individu fort et autonome devant un État de droite fort?
Il commençait drôlement à être temps que la véritable gauche progressiste se fasse entendre. La « gauche » de QS a beaucoup plus d’affinités avec l’extrême-droite fascisante qu’avec le véritable progressisme.
J’ai juste comme l’impression d’avoir lu une page de Mein Kampf…
Quel commentaire idiot. De plus, vous n’avez visiblement jamais lu Mein Kampf de votre vie.