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Laïcité: lettre ouverte à Sol Zanetti

Monsieur le député,

Lors du passage du Mouvement laïque québécois en commission parlementaire sur le projet de loi 21 portant sur la laïcité de l’État, vous m’avez demandé « quel danger court le Québec si on n’interdit pas les signes religieux? ». Vous avez posé la même question, sous diverses formulations, à plusieurs autres intervenants à cette commission.

J’ai été à ce point abasourdi qu’on aborde la laïcité en termes de dangerosité que j’en ai presque perdu mes mots. Je vous ai répondu deux choses. D’une part, il n’est pas nécessaire d’avoir des cas de conversion formelle  pour établir que les signes religieux peuvent avoir un effet; une enseignante portant le hidjab n’aura jamais pour effet de conduire un élève juif à se convertir à l’islam. Par contre, cette enseignante normalise une image et une pratique de l’islam qui peut conduire l’élève musulmane, qui s’identifie au modèle que représente son enseignante, à adopter ce type de comportement politico-religieux qui ne serait pas souhaité par sa famille. Et lorsqu’une telle pratique est adoptée, l’inclinaison est forte pour qu’on cherche à la faire prévaloir sur toute autre considération sociale. Vous avez reçu plusieurs exemples de ce genre tout au long de la commission parlementaire.

Un deuxième élément de ma réponse consistait à souligner que ceux qui se disent d’accord avec la laïcité mais qui refusent l’interdiction de signes religieux dans les institutions publiques, comme c’est le cas pour votre parti, refusent que la laïcité soit réelle et apparente, ce qui en fait équivaut à un refus de la laïcité.

Vous m’avez affirmé ne pas être très satisfait de ma réponse tout en ajoutant que si le temps l’avait permis, j’aurais peut-être ajouté des choses. J’allais en effet ajouter autre chose et je profite de cette invitation implicite pour compléter ma réponse sous forme de question qui reprend la logique de la vôtre mais appliquée à un autre symbole religieux.

Quel danger court le Québec si on ne retire pas le crucifix de l’Assemblée nationale? Ce signe religieux comporte-t-il un danger pour le Québec? La réponse raisonnable est non. Pas plus qu’il n’y avait de danger pour le Québec lorsque la Loi sur la fonction publique a prohibé le port de signes politiques pour les fonctionnaires. Nous sommes dans le domaine des principes et des symboles. Pourtant, c’est votre parti qui s’est montré le plus déterminé à demander le retrait du crucifix de l’Assemblée nationale. Est-ce parce que vous craignez qu’il tombe sur la tête du président de l’Assemblée nationale? Je présume qu’il y a une autre raison et j’aimerais connaître votre réponse à ce sujet.

Cordialement,
Daniel Baril, vice-président
Mouvement laïque québécois
C.C. : M. Simon Jollin-Barrette
17 mai 2019