Personne n’a vraiment cru que le débat sur la laïcité allait prendre fin avec l’adoption du projet de loi 21. Le débat est loin d’être terminé parce que la laïcité de l’État, réelle et apparente, est loin d’être accomplie avec cette loi minimaliste.
Au final, ce sera peut-être une bonne chose puisque ceux et celles qui n’ont pas compris qu’il ne s’agissait ni de racisme, ni de xénophobie, ni d’islamophobie, ni d’intolérance, ni de traitement inégalitaire des religions auront de nouvelles occasions d’essayer de comprendre un peu mieux ce qu’est la laïcité.
Pour alimenter cette réflexion, je leur recommande la lecture du livre de Pierre Dubuc, rédacteur en chef de L’aut’journal, intitulé Dans quel camp êtes-vous?, et portant en sous-titre les thèmes premières nations, immigration, laïcité et langue (Éditions du renouveau québécois, 2019).
Cet essai se veut principalement une réplique au volume La grande déception. Dialogue avec les exclus de l’indépendance de Francis Boucher, ex-conseiller aux communications de Québec Solidaire (QS). Dubuc critique également les positions défendues par Mathieu Bock-Côté, figure du nationalisme identitaire et conservateur. Il s’agit donc d’un débat entre souverainistes, qu’ils soient de gauche ou de droite. Je ne traiterai ici que des arguments avancés par Dubuc concernant la laïcité.
De Durham à Daesh
Pour savoir où loge le premier interlocuteur de Dubuc, soulignons que Francis Boucher a comparé le projet de charte de la laïcité du PQ à la Loi des mesures de guerre de Pierre Elliott Trudeau. Rien de moins. Il estime également qu’on ne peut « prétendre lutter contre l’intégrisme religieux et être pour la Charte ». Cherchez l’erreur.
Dubuc livre quelques leçons d’histoire aux anti-laïcité en rappelant entre autres l’Acte de Québec, la révolte des Patriotes, la Révolution tranquille et notamment les différences théologiques et structurelles entre le protestantisme et le catholicisme. Alors que le protestantisme permet à l’individu de communiquer directement avec son Dieu, cette relation passe par le clergé dans le catholicisme. « Il est normal, écrit l’auteur, qu’après deux siècles de domination de l’Église [catholique] les Québécois aient développé une culture bien disposée à l’égard d’une intervention étatique en matière de religion », ceci afin de « baliser les rapports entre l’État et les religions. »
À son avis, les adeptes de la liberté de religion sans contrainte de l’État se situent dans le camp de l’approche anglo-saxonne héritée de lord Durham plutôt que de la tradition civiliste propre à Papineau et aux Patriotes.
Considérant la défense inconditionnelle du voile islamique par la mouvance pseudo « inclusive », Dubuc se demande « comment une certaine gauche regroupée au sein de Québec Solidaire peut-elle réduire la laïcité à une affaire de droits individuels en faisant abstraction de ses dimensions nationale et internationale? » Il rappelle donc à cette gauche communautarienne une autre leçon d’histoire portant cette fois sur le nationalisme arabe, la montée des Frères musulmans, la révolution de Khomeiny, le jihadisme d’Al-Qaïda et la terreur de Daesh.
« La réalité du modèle de société implantée par Daesh, avec la mise en vigueur de la charia, l’oppression de la femme, les tortures et les exécutions sommaires, devrait avoir fini de convaincre de son erreur cette gauche qui voyait dans l’islam radical une force progressiste et révolutionnaire », affirme avec raison Dubuc.
Tout démocrate ou progressiste demeure en effet sans voix devant cet aveuglement volontaire dans lequel les communautaristes s’enlisent toujours un peu plus en refusant de voir la montée, ici même, des signes précurseurs de ce fascisme.
L’internationalisme laïque
Pour Dubuc, la véritable solidarité internationale « exige de lutter pour élargir, partout à travers le monde, le champ de la laïcité. Au Québec, cela passe par l’appui au projet de loi sur la laïcité de l’État du gouvernement Legault. »
Il déplore par ailleurs que le concept d’altermondialisme ait pris le pas sur l’internationalisme, effaçant ainsi la nation, et se désole qu’une « certaine gauche » ait contribué au fait que des peuples se définissent désormais par leur religion plutôt que par leur nationalité, notamment en frayant avec l’islamisme. Au secours Marx!
Il me semble que ce n’est pas si compliqué à comprendre lorsque l’on est doté d’un minimum de raison. Il y a manifestement deux camps du côté des arabo-musulmans : un camp démocrate, moderniste et progressiste qui accepte et soutient les règles de la laïcité comme facteur d’émancipation sociale, et un camp qui refuse ces règles au nom d’un individualisme réactionnaire et collectivement suicidaire.
« La question se pose donc : dans quel camp êtes-vous? », demande Pierre Dubuc.
Sus à la catho-laïcité
L’auteur consacre également un chapitre aux positions nationalistes conservatrices de Bock-Côté. Selon l’analyse que Pierre Dubuc fait des propos de MBC, ce dernier, même étant un non-croyant avoué, verrait dans le catholicisme et dans la rechristianisation de l’Occident la solution aux problèmes de décadence de la civilisation occidentale, de ses traditions et de ses cultures nationales.
Si Bock-Côté est un ardent défenseur tant de la laïcité que de la souveraineté tout en étant un pourfendeur sans merci du multiculturalisme canadien, sa position s’avère en fait être celle de la catho-laïcité. C’est du moins ce qu’il avançait lui-même il y a quelque temps. La seule allusion à cette posture constitue un total désaveu sous la plume de Dubuc.
Au-delà des rejets et des dénonciations, l’essai de Pierre Dubuc se veut tout de même un appel au dialogue entre personnes du même camp, soit celui de la souveraineté, du progressisme et de la laïcité. Espérons que le message atteindra ceux à qui il est destiné.
Merci Daniel pour ce résumé de la très pertinente publication de Pierre Dubuc. Oui, ce n’est pas fini : il faudra continuer le combat. Nous comptons sur toi et tu peux compter sur nous.
Oui, ce texte de Daniel Baril frappe dans le mille sur les enjeux de la laïcité. Pierre Dubuc est un excellent analyste de la question identitaire des québécois. Son livre est à lire pour comprendre «à visière levée» dans quel camp vous êtes!
En principe, un État laïque ne peut subventionner, ni rémunérer un culte. C’est le critère normalement retenu. Les privilèges fiscaux des Églises, s’appliquant à des activités qui n’ont rien de caritatif, leur accès aux fonds publics pour la réfection de lieux de culte incombant à leurs ouailles au premier chef (60 millions de dollars pour les travaux actuellement en cours à l’Oratoire Saint-Joseph) démontrent que l’État du Québec n’est pas laïque du tout. Cette réformette qui a tant scandalisé le Canada anglais n’a ciblé que des femmes d’immigration récente portant le voile, le rarissime enturbané voulant faire carrière dans la fonction publique. Voilà. Elle n’a visé que la fétichisation du cheveu dans des cultures exotiques. Elle est essentiellement vestimentaire. Le tout au ravissement des féministes bien de chez nous. Point barre. Élimination du cours ECR et remplacement de ce dernier par une formation au civisme ? Quoi…quoi ? Remise en question des privilèges fiscaux ecclésiastiques qui privent l’État québécois de millions ? Vous plaisantez. Remise au pas des écoles religieuses pour les amener à mieux suivre le régime pédagogique québécois ? Veut-on être accusé d’antisémitisme ? Bref, pas grand chose n’a été fait et on va s’en rebattre les flancs une décennie encore en multipliant les considérations pataphysiques sur l’ultragauche et droite et l’extrême centre et patati et patata. Du vent. Vous n’avez pas compris ? Les religions sont éternelles tant qu’elles ont le popotin dans l’assiette au beurre. Le fric, c’est chic.
Effectivement, le combat est loin d’être terminé.
Tout ce que vous dites est vrai mais heureusement que vous n’êtes pas au pouvoir!!
Quand l’on cherche la source de l’opposition entre ces deux visions du vivre-ensemble, il faut revenir aux fondamentaux culturels. Ainsi, les heurts entre une vision portée par une majorité de Québécois francophones et une vision soutenue par une majorité “canadian” en découlent.
Ce débat renvoie à l’importance qu’une culture accorde aux normes de son groupe d’appartenance qui peut être mesurée à l’aide de l’échelle individualisme-collectivisme. On peut en résumer ainsi les caractéristiques majeures: la dimension « collectiviste » décrit des personnes se définissant à partir d’éléments ou d’aspects d’un groupe d’appartenance, alors que la dimension « individualiste » décrit des individus se référant à des définitions centrées sur eux, indépendantes de leur appartenance à un groupe. Chez les « collectivistes », le comportement social s’explique par les normes et la perception des devoirs et obligations, alors que chez les « individualistes » le comportement social est mieux expliqué à partir d’attitudes personnelles. De nombreuses études ont relevé ces différences dont plus particulièrement celles menées par Grabb et Curtis publiées dans une monographie intitulée “Region apart : the Four Societies of Canada and the United States” (Oxford University Press, 2005). Celle-ci révèle qu’au Québec les francophones se distinguent de leurs voisins américains et canadiens-anglais en étant plutôt collectivistes alors que les anglophones présentent un profil « individualiste » générant des différences marquées au niveau des valeurs et des attitudes. Il ne faut alors pas se surprendre que si les francophones se montrent ouverts, dans les manifestations privées, aux différences par rapport au groupe, plusieurs d’entre eux s’offusquent toutefois pour citer un commentaire publié sur le site du Devoir: “quand il arrive des gens pour en imposer les règles dans les espaces et les institutions publiques, là ça va moins bien.” Bref quand les normes du groupe sont perçues comme étant altérées par ces manifestations.
Pour avoir une illustration de cette différence d’attitudes, je ne saurais que recommander de visionner cette courte vidéo en montrant l’utilisation en publicité:
http://webtv.coop/video/Valeurs-vehiculees-par-la-publicite/68be3168715a450d3f5a44795131d9bf
Encore ici, l’Iman Baril a tout compris! Je ne suis ni catho, ni croyant, ni athée, ni gauchiste, alouette!! J’aime les femmes qui portent le voile, et elles me le rendent bien! Et je fus congédié des écoles, les primaires comme les supérieures…c’est en plein ça, monsieur, indépendantiste de naissance, j’ai rien compris…
La charte des droits et libertés INDIVIDUELS mon oeil ! Qualifier l’obligation de se couvrir en tout temps, de ne pas profiter de la brise rafraîchissante du vent et de la chaleur du soleil sur la peau des bras et des jambes, de ne pouvoir se distinguer grâce à notre coiffure ou notre choix individuel de vêtements ou de ne pouvoir se fondre dans la sécurité de l’anonymat parce que notre voile, notre kippa ou notre turban signe une appartenance religieuse, c’est une vie d’esclave au service d’une idéologie propre à une communauté. Bien loin de l’individualisme.
Marie Meilleur s’insurge contre ls Charte des droits de la personne parce que le voile empêcherait des femmes » de profiter de la brise rafraîchissante du vent et de la chaleur du soleil sur la peau des bras et des jambes » . Dans une classe à ciel ouvert peut-être ? Ou bien aurait-on dû interdire le voile aux enseignantes même durant leurs vacances ? Madame Meilleur pourrait-elle laisser les autres vivre comme elles veulent ? Vivement une charte des droits et libertés contre les dictats de toutes et chacune concernant la vie d’autrui. Pire que les vieilles mères supérieures de l’ancien temps …