Au Canada anglais, les convictions religieuses d’Elizabeth May, cheffe du Parti vert du Canada, sont bien connues et le sujet est fréquemment abordé dans ses entrevues. Au Québec, par contre, le sujet est soigneusement évité et semble n’avoir jamais été mentionné dans les médias. Pourtant, Elizabeth May apparait très fréquemment avec sa croix portée de façon volontairement ostentatoire dans ses diverses activités accomplies en tant que cheffe de parti.
Si on ne peut pas manquer de voir le turban de Jagmeet Singh, chef du NPD, il en va de même de la croix d’Elizabeth May et les médias, tout comme le public, semblent étrangement avoir des attitudes différentes à l’égard de l’un et de l’autre.
Avoir Jésus comme héro
Elizabeth May fait d’ailleurs plus ouvertement allusion à ses convictions religieuses dans sa vie publique que Jagmeet Singh. Voici ce qu’elle répondait à la journaliste Vassy Kapelos de CBC le 9 septembre dernier, deux jours avant le déclenchement de la campagne électorale:
Au nom de la diversité des croyances et de l’inclusion, Elizabeth May considère donc que les politiciens ne devraient pas afficher leur croyance religieuse et que ce devoir de réserve respecte la diversité. Il s’agit là d’un argument tout à fait laïque, bien que la laïcité vise avant tout le respect de la liberté de conscience des citoyens dans leur rapport avec l’État, respect assuré par la séparation de l’État et des religions.
Le pluralisme pour soutenir une chose et son contraire
Pourtant, Elizabeth May est ouvertement hostile à la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21), une loi basée sur les principes qu’elle semble défendre. Si les politiciens ne doivent pas afficher leur conviction religieuse au nom du respect de tous, il en va de même des employés de l’État visés par la loi 21, soit les juges, les policiers et les enseignants.
Comble de contradiction, l’opposition fortement exprimée d’Elizabeth May et du Parti vert contre la loi sur la laïcité est aussi fondée sur le respect du pluralisme!!! Voici en effet ce qu’elle affirmait en avril 2019, en plein débat sur le projet de loi 21 alors qu’elle associait à de l’intolérance religieuse l’interdiction du port de signes religieux par les employés visés :
« Le Canada est une société multiculturelle et dont l’histoire consacre la diversité culturelle. Ce projet de loi est préoccupant étant donné notre tradition nationale d’accueil des nouveaux arrivants avec leurs différences sociales et ethniques. »*
Donc, au nom de la diversité, les politiciens ne doivent pas afficher leur croyance religieuse, et au nom de la diversité, les policiers, juges et enseignants devraient pouvoir le faire… Comprenne qui pourra.
On constate par ailleurs que, dans ses analyses plutôt primaires, Elizabeth May confond aisément société et État. Pour une cheffe de parti, ce n’est pas très fort et ça montre le peu de réflexion accordée à la question.
Transparence… quand ça fait l’affaire!
Elle-même adopte des attitudes contradictoires concernant l’affichage de ses propres convictions. En 2013, elle affirmait au Anglican Journal de Toronto qu’elle affichait ses croyances religieuses de façon visible par souci de transparence :
« Afficher sa foi, pense May, est aussi une question d’honnêteté et de transparence », écrit la journaliste avant de citer ses propos : « Je n’essaie pas d’imposer un agenda religieux, dit May. Être une chrétienne engagée en politique est une partie de ce que je suis en tant que personne et je ne le cache pas. »*
Pourtant, elle déclarait le contraire le 9 septembre dernier, s’excusant d’avoir Jésus comme principal héro et alléguant le devoir de réserve des politiciens! La vérité, c’est qu’Elizabeth May ne croyait pas vraiment à ce qu’elle disait à ce moment. Comme on peut le constater dans la vidéo, elle portait d’ailleurs sa croix de façon bien visible lors de cette entrevue. Si l’affichage des convictions relève de la transparence, ne devrait-il pas en être tout autant de la part des candidats athées du Parti vert? Qu’en dirait-elle? Et si c’est une question d’honnêteté, pourquoi ne portait-elle pas sa croix lors du débat du Maclean’s avec Andrew Scheer et Jagmeet Singh le 12 septembre dernier?
Elizabeth May aurait-elle décidé de laisser sa foi au vestiaire? Pas du tout. Le lendemain du débat, elle avait retrouvé sa croix pour participer à l’émission The Social de CTV. Sur la fameuse photo retouchée la présentant avec une fausse tasse réutilisable et une fausse paille de métal, sa croix est bien en évidence et cette photo a été sur le site du Parti vert jusqu’au 24 septembre dernier selon ce qu’affirme l’Agence QMI.
Étrangement, on note que la croix de Mme May est soigneusement dissimulée sur les photos actuelles du site.
Photo de la page d’accueil du site :
Photo sur Wikipedia et, à droite, la même photo sur le site du parti :
Ignorance sur la loi 21
Elizabeth May dit une chose et son contraire. Mais une chose est certaine : elle condamne sans ambiguïté la loi québécoise sur la laïcité. Au débat du Maclean’s, elle qualifiait cette loi de « désolante et angoissante violation des droits humains »* et a même affirmé que si son parti était porté au pouvoir, que son gouvernement allait trouver un emploi dans le système fédéral à toute personne qui, au Québec, perdrait son emploi (« taken off the payroll ») en raison de la loi sur la laïcité (à 20 :37 du débat).
La cheffe du Parti vert a fait preuve ici d’une incroyable ignorance du contenu et de la portée de cette loi. En effet, la loi accorde un droit acquis aux personnes déjà en poste et qui portent des signes religieux. Personne ne perdra donc son emploi à cause de cette loi. Sans compter qu’un tel engagement est une pure fumisterie.
Tout cela sent l’amateurisme, l’opportunisme, la contradiction et le manque de réflexion. Tristement désolant.
Au fait, le saviez-vous? Avant de devenir cheffe du Parti vert, Elizabeth étudiait la théologie à l’Université Saint-Paul dans le but de se faire ordonner ministre de l’Église anglicane. Un projet qu’elle compte reprendre après sa vie politique.
* Ma traduction