La première et seule fois où j’ai traversé Time Square à New York, c’était l’an passé. C’est une énorme fresque de lumière où le moindre racoin est tapissé de publicités. J’avais l’impression que la seule partie de mon cerveau qui était sollicitée, c’était le désir. J’ai pensé à Schopenhauer : Le monde comme volonté et représentation. Time Square, c’est ça : veux ce que je te représente.
Cette tension constante entre le désir et l’ego constitue le cœur de l’idéologie américaine. JE peux. JE veux. JE mérite. Le problème est justement dans la tension. On ne peut être indéfiniment tendu. Un désir, par définition, c’est une envie frustrée, car lorsque le désir est assouvi, il n’est plus désir. Si la Psychée humaine passait de «je veux ce que je n’ai pas» à «j’apprécie ce que j’ai», l’économie mondiale s’effondrerait.
Le capitalisme fonctionne parce qu’il s’appuie sur ce que nous sommes. Le désir, la volonté, c’est le moteur de la nature humaine, de la nature animale, point. Il faut vouloir pour survivre. Un animal contemplatif mourra de faim.
Le capitalisme, comme extension de la loi naturelle, est donc devenu hégémonique. Mais à terme, il est voué à l’échec: un système qui s’appuie sur la croissance infinie ne peut pas fonctionner si les ressources, elles, sont finies. La Terre n’est pas une mine inépuisable. À moins d’exploiter le système solaire au complet, et c’est pas demain la veille : bonne chance,. De toute façon, je ne suis pas bien sûr qu’on puisse semer du blé sur Pluton.
J’ajouterais, au risque de tuer Éric Duhaime d’une embolie au cerveau, que le capitalisme ne durera pas, car il est moralement indéfendable. La logique du profit commandant de payer peu pour obtenir beaucoup, il y a toujours exploitation de l’homme par l’homme. Ne soyons pas injustes : balisé, il a donné des résultats surprenants. Il y a eu enrichissement global de l’humanité. Mais notons qu’il y a eu aussi création d’un tiers monde. La dissymétrie des conditions sociales s’est amoindrie au sein même des sociétés occidentales, mais elle s’est creusée entre les nations. Si le concitoyen n’accepte plus d’être exploité, exploitons l’étranger ; c’est le sens de la mondialisation. Et cette logique nous revient en pleine gueule, car les économies émergentes s’enrichissent pendant que l’Occident se paupérise.
Il faut donc dépasser le capitalisme. Il n’est pas, comme certains le croient encore, la fin de l’histoire. Mais par quoi le remplacer ?
À ce stade-ci de l’exposé, permettez-moi d’observer que les trois idéologies marquantes du 20e siècle, le fascisme, le communisme et le capitalisme ont répondu aux trois instances psychiques du freudisme: le ça, le surmoi et l’ego. Le fascisme, c’est la puissance de l’instinct au service de la nation; on ne cache plus les pulsions primaires : peur de l’étranger, besoins territoriaux, volonté sans bride. Le communisme, c’est le triomphe de l’idéalisme désincarné, d’où la nécessité d’une forme d’autoritarisme pour appliquer le dogme. Quant au capitalisme, facile de voir l’égoïsme s’exprimer à l’état brut.
Trois systèmes idéologiques, trois déclinaisons du soi. Clairement, ce qui manque, c’est l’Autre.
Comme je le disais plus haut, le succès du capitalisme tient au fait qu’il est une expression de l’âme humaine. Soyons au moins rassurés par le fait que l’empathie aussi est un état de nature. D’un point de vue évolutionniste, il est utile de vouloir le bien d’autrui; c’est ainsi que se créent des communautés d’entraide au sein de certaines espèces, ce qui favorise leur survie.
L’évolution nous a donné le gène de l’altruisme. Pourquoi ne pas en faire un système économique ?
Et vous? Comment imaginez-vous l’après-capitalisme? Vous avez le défi de l’expliquer en 140 caractères sous le hashtag #PostCapitalisme