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La charte des valeurs reptiliennes

Ce texte a été écrit au mois d’août et publié sous la rubrique Feu vert de l’Itinéraire, édition du mardi 1er octobre.

Au moment d’écrire ces lignes, j’ignore ce que sera devenue la charte des valeurs québécoises proposée par le PQ. Mais puisque le débat à propos de la laïcité est ouvert — et qu’il n’est pas près de se refermer —, je me permets d’y ajouter mon grain de sel sur le bobo. Car bobo il y a, et il n’est pas là où l’on croit.

D’abord, un peu d’histoire. En 2006, des abus surprenants d’accommodements raisonnables sont repris par les médias et provoquent l’émoi dans la population. Ce sont des cas isolés, mais l’effet amplificateur de la machine médiatique leur donne une importance démesurée : nous voilà désormais convaincus que des hordes d’immigrants ne demandent rien de mieux que de fouler du pied les acquis de notre civilisation. Le maire d’Hérouville l’a bien écrit : ici ne lapide pas les femmes, non mais. Pas fou, Mario Dumont attrape la balle au bond, en remet une couche de populisme, ce qui donne des ailes à l’ADQ, qui devient en 2007 l’opposition officielle, laissant le PQ pantois.

2012. Le PQ est élu après une longue traversée du désert. Il a bel et bien promis de s’attaquer à la question (légitime) de la laïcité des institutions publiques. Notre devise nationale étant «Je me souviens», Pauline Marois décide de jouer du même violon que Mario Dumont en plaçant ce débat sur le territoire identitaire. La charte des valeurs québécoises est née.

Suis-je cynique? Mme Marois ne veut-elle pas défendre d’abord et avant tout l’égalité homme-femme? Ne veut-elle pas simplement s’opposer au multiculturalisme qui aurait des effets délétères sur l’intégration des nouveaux arrivants?

Peut-être est-elle honnête sur le fond. Mais la forme ne laisse aucune place à l’interprétation. Le PQ est tout à fait conscient d’un principe bien connu des publicitaires : pour vendre, il faut toucher le reptilien des gens. Et la peur de l’autre est gravée dans notre cortex primitif.

Car c’est bien de ça dont il s’agit : en faisant de la laïcité une valeur québécoise, on oppose le «eux» au «nous». Il n’y a rien de spécifiquement québécois à la laïcité : au contraire, la religion est omniprésente dans notre culture! On est le pays au 1000 clochers! Il y a plus de saints dans nos noms de ville que de seins Chez Parée! Il y a même un crucifix à l’Assemblée nationale que le ministre Drainville veut conserver au nom de l’histoire, comme si c’était René Lévesque qui était sur la croix et non pas Jésus.

Soyons clairs : dans toute cette affaire, ce sont les signes religieux des autres qui dérangent. Pourtant, nous, catholiques, avons notre lot de traditions malsaines. Hé! On vénère la représentation d’un homme cloué sur une croix! Pas mal plus traumatisant pour un enfant qu’un ami qui porte un turban pendant une partie de soccer, non?

Bref, cette charte est dangereuse parce qu’elle remue le fond de xénophobie, présent dans TOUTES les populations, par pur électoralisme. L’argument le plus entendu depuis le début de l’affaire, c’est «s’ils ne sont pas contents, qu’ils retournent chez eux». Allez dire ça au Juif orthodoxe né et élevé ici.

Le débat sur la place de la religion dans l’espace public est sain et nécessaire. Mais en se drapant de patriotisme pour défendre la laïcité, le PQ remplace une religion par une autre.

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