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[entrevue] JEFF WALKER de CARCASS : lorsque cynique rime avec clinique et death technique – première partie

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Jeff Walker, le chanteur-bassiste de Carcass, ces légendes britanniques du death metal technique, est tout un numéro. Yessir madame. Un authentique cynique, doublé d’un pince-sans-rire ultra-incisif, qui semble à prime abord un peu (beaucoup) blasé par rapport à l’industrie de la musique, les médias et cetera.

Non, rencontrer les journalistes n’est pas du tout sa tasse de thé. Oh que non. À peine embarqué dans leur autobus de tournée, le leader d’un des plus influents groupes métalliques se fait un malin plaisir de nous le rappeler, laissant tomber un « sans vouloir te froisser, mais on s’en balance… tout ce qu’on veut c’est que tu foutes le camp du bus au plus sacrant (get off the fucking bus as quickly as possible) », alors que votre scribe ne voulait simplement que détendre l’atmosphère en parlant un tantinet de son parcours personnel. Ah. Euh. OK. C’est noté.

Et totalement compréhensible, surtout que, comme notre rencontre avait été déplacée (elle s’est finalement tenue juste après leur concert au Metropolis), il était visiblement un poil épuisé. Or, lorsqu’on persévère dans notre interrogation en mode essais-erreurs, l’entrevue devient enfin conversation, le bonhomme sortant de sa carapace pour répondre avec passion et conviction à nos questions, et sans aucune langue de bois à part ça.

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L’origine du rot n’ roll

Revenons d’abord en arrière, à la création de ce musicien anglais, qui n’a jamais eu d’enfants et qui semble avoir encore toutes ses dents. Walker est né en banlieue de Liverpool, patrie des Beatles, et son père était ce qu’on appelait alors un Teddy Boy. Malgré la faible place que prenait la musique dans leur vie (un peu de Buddy Holly par-ci, du The Shadows par là, et évidemment les omniprésents Fab 4), Walker père croyait que le rock n’ roll « n’était initialement pas fait pour durer, que ce n’était qu’une mode passagère pour adolescents seulement », d’après son rockeur de fils. Et ce dernier de renchérir, qu’ayant  grandit durant la naissance du rock n’ roll, son paternel « avait tout vu, tout entendu ».

« De nos jours, lorsque je vois les nouveaux groupes… je me sens un peu comme lui; ce n’est pas de l’incompréhension : c’est juste de la merde », d’avouer Walker, faisant référence au deathcore et autre metalcore. « Il n’y a plus de réelle innovation possible de nos jours », d’avancer le métallurgiste anglais. « Tu sais, je me tape de la musique merdique depuis que j’ai neuf ans, et je sais très bien que les ados qui écoutent Asking Alexandria ou Bullet for my Valentine… donne leur 5 ans, et ils n’écouteront clairement plus d’heavy metal », d’avancer avec dégoût le vocaliste qui vient d’avoir 45 ans.

Avec ce musicien mélomane, on a discuté de musique au sens large du terme, de KISS (« mon [grand] frère avait un poster de KISS sur son mur… j’haïs vraiment ce groupe… ne me part pas là-dessus! ») à Yello (« le premier disque que j’ai acheté »), en passant par leurs amis américains de chez Cattle Decapitation (qui est selon lui « plus un band jazz [que grind], avec un trip plus près de celui d’Anaal Nathrakh »), Metallica (« tout le monde sait que Lars Ulrich n’est pas le meilleur batteur au monde (…) mais ça ne serait pas Metallica sans lui »), Faith No More (« l’un des plus surévalué groupe qui soit ») et son leader Mike Patton (dont il n’est pas très fan, même s’il aime bien son projet Lovage, incluant également notre Kid Koala national).

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Peace, love, punk & death metal

À l’époque, alors qu’il était un décrocheur sur le BS d’à peine 16 ans, Walker savait déjà ce qu’il voulait faire, « jouer dans un band (…) pas parce que je voulais être riche et célèbre (…), simplement car c’était tout ce que je connaissais, la musique, l’art visuel ». Autour de 1985, il a joint Electro Hippies, qui était « une sorte de groupe de crossover, qui était lourd, rapide, à cause d’Heresy et surtout de Napalm Death, tous deux également d’Angleterre ».

Par ailleurs, il n’a que des bons mots pour ses collègues de Napalm Death : selon lui, « Shane Embury [bassiste] fut dans ce qui fut probablement le tout premier groupe death metal anglais, et possiblement même européen, Warhammer », alors que « le terme grindcore a été inventé par Mick Harris [batteur] ». Le fait que Walker ait créé l’œuvre ornant la pochette de l’album Scum (1987) de Napalm Death, sur lequel on retrouve également son collègue Bill Steer sur toute la face B, n’y est peut-être pas étranger, peut-on supposer.

Mais comment a-t-il rencontré Steer, son guitariste de toujours? « J’avais été viré d’Electro Hippies et, comme je savais jouer de la basse, contrairement au chanteur du groupe de Bill, il m’a demandé de joindre Disattack », qui était, selon Walker, « un groupe merdique à la Discharge », comme toute une panoplie de groupes punk à l’époque. « Et comme Ken venait de s’acheter une batterie, je l’ai tout simplement ramené avec moi; c’est comme ça qu’est né Carcass », de laisser tomber Walker, qui ne connaissait alors pas vraiment Steer, même s’ils étaient issus de la même scène.

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(Hard)core à (grind)core

Si Carcass est considéré comme étant l’un des pères fondateurs de deux sous genres métalliques, soit le grindcore et le death metal mélodique, son leader s’en fout pas mal. « J’ai toujours détesté le terme grindcore; de toute façon, on n’a jamais été un band de grindcore, on a toujours été un band de death metal… juste pauvrement enregistré », d’ironiser Walker, avant d’énumérer ses influences punk et hardcore : en plus des Sex Pistols et Crass, il plongea « dans le milieu des années 1980 dans des trucs plus punk hardcore, comme Dead Kennedys, Black Flag, MDC, D.R.I., Deep Wound, et finalement vers des trucs plus extrêmes, le métal crossover ».

Lorsqu’interrogé sur les débuts de son groupe, il offre cette raison : « pourquoi on fait ce qu’on fait, c’est parce que les groupes qu’on aimait, soit Slayer, Metallica ou Exodus, et cetera, ne livraient pas ce qu’on recherchait (…) ils ne jouaient pas assez rapidement ni assez ardemment à notre goût; donc, on l’a fait, on a rempli ce vide, nous-mêmes ».

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Parcours en décomposition

Si on jette un œil au parcours du groupe, l’évolution de leur son est tout à fait logique : on est passé de grindcore à death metal (Reek of Putrefaction, 1988; Symphonies of Sickness, 1989), pour se raffiner en devenant plus technique (Necroticism – Descanting the Insalubrious, 1991; Heartwork, 1993), avant de ralentir encore vers une sorte de rot n’ roll bien dégorgé (Swansong, 1996), avant de se saborder avant même la sortie de leur susmentionné (prémonitoire?) chant du signe.

Un cheminement qui a perduré même dans leurs projets subséquents, alors qu’il continuèrent d’explorer les racines du genre, en touchant au rock et au blues (avec leurs groupes Firebird et Blackstar Rising), et même au country. Sur Welcome to Carcass Cuntry (enregistré lors d’un séjour en Finlande en 2006), Jeff Walker und Die Flüffers (un collectif composé de membres d’entre autre HIM, Entombed, Anathema et même Faith No More!) reprennent notamment des classiques de Johnny Cash, Hank Williams, Neil Young et plusieurs autres.

En fait, ce projet solo de Walker (un trip qu’il a payé lui-même de sa poche) marquait « la première fois que je retravaillais avec Bill depuis Carcass ». Il s’ennuyait de son pote? « Il y a plusieurs raisons pourquoi on a reformé Carcass… J’aime penser qu’on apprécie notre commune compagnie, qu’on se marre bien ensemble, t’sais ».

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À LIRE DEMAIN : la deuxième partie de cette entrevue fleuve (près d’une heure) avec Jeff Walker, leader des tout-puissants Carcass.

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PHOTOS LIVE : KRISTOF G.

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