D’emblée, à notre arrivée au Centre Bell hier soir (au lendemain du concert tout aussi montréalais qui lançait sa tournée Rebel Heart), on senti toute cette fébrilité, à couper au couteau, qui régnait dans le temple du hockey.
Entre deux salves d’applaudissements polis pour Diplo, ce DJ américain qui avait la lourde tâche de (tenter de, du moins) réchauffer la foule, déjà gonflée à bloc pour Madonna, on pouvait découvrir l’ampleur de la patente.
En plus d’un imposant attirail audio-vidéo (qu’allait exploiter à plein potentiel Moment Factory, cette formidable firme locale œuvrant à l’international), il y avait cette immense scène recouverte de rideaux, qui allaient tomber dès les premières notes d’Iconic (nouvelle tune featuring la grosse face à Mike Tyson dans les multiples et gigantesques écrans).
Il y avait ce catwalk fantastique, en forme de croix (évidemment) et coiffé d’un cœur (thématique!), qui s’étendait jusqu’à la console de son (presque collée sur les gradins, ceux situées à l’opposé de la scène). Tout autour, beaucoup beaucoup de rouge, la couleur de la luxure, du sexe, de la passion, de l’amour. Melissa Auf der Maur aurait trippé.
Oui, il y avait des chaises au parterre, fans vieillissants obligeants, mais on se doutait qu’elles ne seraient pas occupées bien-bien longtemps. Une foule bigarrée, majoritairement féminine, intergénérationnelle, remplie de mamans crêpées, de leur marmaille, de leurs conjoints, ainsi que de tout plein de gais de tous âges (tout le monde sait que la Madone est depuis longtemps une icône LGBT) et quelques poignées de journalistes tous très heureux d’être là.
Indéniablement, tous étaient réellement crinqués de voir enfin — ou de revoir — celle qui charge très cher pour ses concerts (certains billets se revendaient pas moins de 500 dollars pièce). Et quelques chansons plus tard, on avait compris pourquoi certains fans étaient prêt à mettre le gros prix pour danser pendant deux bonnes heures sur les tubes d’aujourd’hui et surtout d’hier de cette légende vivante, qui ne fait vraiment pas son âge (à part en gros plan, inévitablement, elle a quand même 57 printemps).
Car, oui, il y avait la musique, les hits, souvent remaniés avec goût, remixés et revampés pour plus de fraîcheur, sans jamais dénaturer les mélodies qui ont jadis séduit légions de fan partout dans le monde. Kudos à son fort efficace groupe live, formé de deux claviéristes pour autant de choristes, un guitariste et un percussionniste, qui adaptait chaque pièce à la thématique choisie.
Mais il y avait aussi le spectacle, ô combien grandiloquent et impressionnant, jamais quétaine/kitsch, toujours inspiré. La soirée fut séparée en quatre grands tableaux, délimités par des interludes vidéo (permettant à la chanteuse d’aller souffler un peu et de se métamorphoser, après être disparue dans la scène à géométrie variable), agrémentés de chorégraphies de ses 14 (!) danseurs/euses d’exception.
L’ambiance fut particulièrement asiatique en intro, avec un trip samouraï versus geishas, s’activant surtout du matériel de Rebel Heart, avant de prendre un tournant d’inspiration religieuse, notamment avec nos nonnes strippers (pour l’opposition classique vierge-salope si chère à la chanteuse), tournoyant sur des pôles en forme de crucifix sur un petit bout de Vogue. Flabbergasté. Oh oui.
Ensuite, on tombait dans un monde inspiré de Grease, avec coat de cuir, minijupe et décor de garage rétro (True Blue, Deeper and Deeper, Like a Virgin…), pour tomber quelques pièces plus tard en mode flamenco (La Isla Bonita, Who’s That Girl) et finalement chez Dick Tracy (Music, Material Girl, une reprise acoustique d’Edith Piaf, La vie en rose, une de ses chansons d’amour préférée).
Oh non, avec Moment Factory dans sa poche arrière, Madonna n’a rien à envier au Cirque du Soleil. Hier au soir, elle nous a offert une galvanisante comédie musicale, qui nous laissa dans un état second, dont on peine à sortir, tant la déflagration était puissante. Incroyable comme trip. Vraiment. Un méchant gros party, tant sur scène que dans la salle.
Chère Madonna,
Je t’aimais déjà, mais maintenant, c’est pour toujours. Plus jamais je ne questionnerai le fait que tu sois toujours sur scène à chanter et danser sur de la musique de jeune passé 55 ans. Maintenant je sais : t’es encore là parce que tu trippes à fond (« I love my job », qu’elle disait hier au micro entre deux chansons) et, surtout, parce que t’es encore capable. WOW.
Merci.
— Kristof G.
P.S. Tous ceux et celles qui n’ont pas compris que la pop a toujours été remplie d’effets spéciaux (i.e. playbacks, vocoder et autre auto-tune, en plus de choristes très pratiques quand on danse comme une dingue) peuvent bien aller où on sait.
PHOTOS* (de feu) : MIHAELA PETRESCU
*Sauf la première, pano, fait avec mon cellulaire.