[critique concert] Jean-Michel Jarre : maudit beau trip électr(on)ique
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[critique concert] Jean-Michel Jarre : maudit beau trip électr(on)ique

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D’emblée, on doit se confesser : votre scribe n’avait jamais écouté la musique de Jean-Michel Jarre avant janvier de cette année, alors qu’on annonçait la toute première tournée nord-américaine de ce pionnier de la musique électronique. Bien que nos goûts et intérêts soient plus qu’éclectiques, l’electro n’a hélas jamais pris beaucoup de place dans notre discographie.

Néanmoins, au courant de l’historique concert d’hier (son tout premier en sol montréalais!), on se surprit à réaliser à quel point l’œuvre du musicien français a pu influencer des artistes de tous genres (on y reviendra plus bas). Ce n’est pas pour rien qu’il y a tant de prestigieux invités sur ses deux albums Electronica (sortis en 2015 et 2016). Hier soir, le Centre Bell était en mode petit théâtre, avec la scène au centre du parterre, et ça n’a pas trop pris de temps pour que les chanceux qui étaient devant se lèvent pour danser.

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Avec son fantastique parcours et son côté dichotomique, Jarre est en quelque sorte un extra-terrestre de la musique dite pop. En dépit de l’expérience du bonhomme (qui célébrera bientôt ses 50 ans de carrière, quand même!) et de l’âge moyen de ses fans, sa musique semble intemporelle. Venue d’une autre dimension. D’une autre époque, à quelque part en les années 1960 et 2060, on ne sait trop. D’une dystopie pourtant pas si lointaine. On ne savait pas trop si on était dans le film Blade Runner (comment oublier la musique de Vangelis, hein?) ou dans un vieux jeu vidéo, comme Tron. Ou dans un clip instrumental de Mylène Farmer. Peu importe.

Sans casque de robot ni oreilles de Mickey, il a vendu plus de 80 millions d’album dans le monde, tout en restant inconnu du grand public, des soi-disant gens branchés, des milléniaux. Même si il est chum avec Gorillaz. Jarre est toujours resté dans la marge, un peu comme les artistes donnant dans le rock progressif, quoi. Pendant Equinoxe 4, l’obnubilant visuel nous renvoyait aux dessins angoissants du The Wall de Pink Floyd. Lors de la pièce Oxygene 2, on s’estégalement surpris à penser aux films d’horreur italiens des années 70 et 80, dont les compositions des Goblin et Fabio Frizzo foutaient les jetons dans les salons, avec leurs salves de claviers joliment distorsionées.

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Justement, Oxygene, son album culte, vient de souffler des 40 chandelles. Au fil des ans, l’œuvre humaniste est devenu culte, s’adjoignant une suite 20 ans plus tard, pour finalement sortir un dernier volet en décembre dernier, afin de compléter ce qu’on peut qualifier de cohérente trilogie. Six titres ont été jouée hier soir (sur un total de 23 pièces en près de deux heures), dont Oxygene 8, sous une pluie d’hypnotisant lasers. Et non, les lasers, ce n’est pas passé date ni ringard, contrairement à la croyance populaire. C’EST BEAU.

D’ailleurs, parlons-en donc du visuel. Les projections 3D rappelaient celles qui ont rendu célèbre nos petits chéris de chez Moment Factory (c’est un compliment), utilisant les fameuses couches de rideaux de LED, qui allaient et venaient, de gauche à droite, sous les yeux écarquillés de tous. Y’a pas une vidéo pourrie captée par un iPhone du numéro de votre choix qui pourra vous faire vivre ça. Fallait être là, mon gars. Et celles de Jean-Michel (ben oui, son prénom, c’est plus mignon; on est rendu proche, depuis hier, t’sais) n’avait rien à envier à celles des plus récents shows de Muse et Nine Inch Nails.

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Par ailleurs, lors de la pièce Conquistador (tirée de Electronica 1), juste après qu’on se disait justement que le beat faisait très Closer de NIN, un technicien est venu porter une guitare électrique à Jarre, qui s’est fendu d’un riff très industriel, qui n’était pas sans rappeler que ce que faisait jadis Trent Reznor. L’œuf ou la poule? Même scénario quand résonna Circus (sur Electronica 2): on se disait que Daft Punk n’était pas trop loin. On a aussi beaucoup aimé quand il arriva avec une keytar (un clavier en bandoulière, avec un manche de guitare) pour jouer Brick England (du même album), avec les voix des Pet Shop Boys passées dans le vocoder.

Lorsqu’arriva Exit, on entra dans la matrice avec une projection d’un gros plan du visage de son plus improbable collaborateur, le lanceur d’alerte Edward Snowden. Fascinant moment. Surtout que la pièce était très énergique, limite techno hardcore, quelque part entre l’industriel syncopé de KMFDM et une soirée sans lendemain au Stereo. Un rave avec des baby-boomers, qui hochent de la tête au lieu de danser comme des cinglés (à part ceux au parterre, et deux cinquantenaires à notre gauche). Pas le même genre de pilules, hein?

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On a bien ri lorsque le très loquace JM (des initiales seulement maintenant, on est de même!) a souhaité un très joyeux 350e anniversaire à Montréal, ville qu’il aime beaucoup. Hon. Il s’en est excusé quelques chansons plus tard, prétextant une méprise avec le 350e du Canada. On le comprend. De toutes façons, fêter un 375e… sans commentaires.

Comme DJ Shadow et Amon Tobin, JM a toujours su qu’un show de laptop peut être plate en simonac : en plus des susmentionnées projections et systèmes d’éclairages à la fine pointe de la technologie, des caméras retransmettaient à l’occasion JM et ses 2 multi-instrumentistes (Stéphane Gervais, de Québec, et Claude Samard, de Lyon) s’activant sur leurs bidules, quand ce n’était pas carrément depuis les lunettes d’espion portées par JM, comme dans un FPS. Tellement de son temps, c’est hallucinant.

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Pareil comme quand il est allé au devant de la scène pour interpréter The Time Machine (pièce maitresse d’Electronica 1), juste avant le rappel. À l’aide de ce qu’il appelle la harpe laser, il tapait de ses mains gantées (comme les tueurs des giallos, yo) sur les rayons verdâtres qui touchaient le plafond de l’amphithéâtre. Comme s’il reprenait le thème du classique de John Carpenter, Halloween, en mode italo-disco à la Giorgio Moroder. Ou celui de The Exorcist. Bref, C’ÉTAIT COMPLÈTEMENT FOU. Et, on le répète, il fallait être là : des shows comme ça, c’est historique, ça n’arrive qu’une fois dans une vie.

jmj_kristofg_4PHOTOS : Kristof G. + Mihaela Petrescu (lorsqu’indiqué)

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