[critique spectacle + photos] Aut’Chose : Francs cœurs pour le Freak de Montréal
Le vendredi 2 novembre 2018, aux Foufounes Électriques, dans le cadre du Coup de Cœur Francophone, on a fait sa fête à l’icône qu’est Lucien Francoeur, qui venait de passer la barre des 70 printemps, quelques semaines auparavant.
Pour l’occasion, on avait réuni une belle grosse gang de chums, sur la petite scène de ce qui fut l’un des premiers temples de l’underground montréalais. En plus d’Aut’Chose (et de ses invités très spéciaux), on eut droit – en guise d’amuse gueule – à toute une panoplie de poètes, qui ont servi un bel hommage à l’interprète de Johnny Frisson, alors que MC Gilles jouait au maître de cérémonie (oh que oui).
On retiendra les performances lyriques de Guyaume Robitaille, le jeunot qui eu l’honneur de briser la glace, de Jean-Paul Daoust, flamboyant avec son coloré veston et ses lunettes fumées (et ses histoires de culs avec Lulu), d’Alain-Arthur Painchaud, avec son criage de crinqué et ses cheveux/yeux fous, de Dominique Daoust, qui récita de mémoire le texte de BBQ Lady, et de Virginie ‘fille de’ Francoeur, qui s’est ouverte sur son passage en centre d’accueil, mais surtout sur l’amour inconditionnel qu’elle porte à son paternel. Aussi cru que touchant. Papa Lulu clôtura la portion poésie drink en main et lunettes fumées sur le nez, en avouant que c’était parce qu’il venait de pleurer.
Un quart d’heure plus tard, Aut’Chose amorça la portion bruyante des festivités avec, endimanché de franges seventies, Lucien Francoeur, cœur d’Aut’Chose, avec son fidèle bras droit, l’émérite guitariste original du groupe, Jacques Racine; ce dernier nous a franchement flabbergasté, en nous garrochant en pleine face plus d’un solo endiablés au courant de la soirée. Oh que ça devait déménager dans le prime du band, alors que parurent un trio de disques fort inspirés, soit Prends une chance avec moé (1975), Une nuit comme une autre (1975) et Le Cauchemar américain (1976).
Au fait, quand on parle de Lulu, y faut surtout pas penser à l’album raté de Lou Reed et Metallica, là. C’est juste que la majorité des invités utilisa cet affectueux sobriquet en s’adressant à lui dans le micro, yo. Aut’Chose-deux-point-zéro, qui s’active depuis déjà un moment (en 2005, avec à l’époque Denis ‘Piggy’ D’Amour, guitariste intersidéral de Voïvod, décédé d’un cancer quelques mois plus tard), c’est ce que plusieurs aiment appeler un super-groupe, de part l’impressionnant parcours de chacun de ses membres. D’ailleurs, Chansons d’épouvante (paru en mai 2005), l’album remplis de classiques réenregistrés, en témoigne.
Depuis le départ de Piggy, la deuxième guitare est tenue par Alex Crow, qu’on a pu voir aux côtés de Xavier Caféïne, Melissa Auf der Maur, Diane Dufresne et même Patrick Bertrand, sans oublier Tricky Woo, Les Vulgaires Machins et One-976. Aux claviers, on retrouve Joseph ‘Joe Evil’ Burnett, qu’on connait comme étant le chanteur-claviériste de Grimskunk (et qui a aussi joué avec Collectivo, Dynamite Express et Sabbath Café).
Derrière la batterie, celui qui fesse avec énergie sur ses peaux est nul autre que Michel ‘Away’ Langevin de Voïvod (et qui a également battu le rythme avec Les Ékorchés, Men Without Hats, Tau Cross et Dave Grohl’s Probot). Finalement, a-t-on vraiment besoin de présenter Vincent Peake? Pour ceux et celles qui dormaient en dessous d’une roche ces 25 dernières années, on parle du leader de Groovy Aardvark, maintenant bassiste-chanteur de Grimskunk, batteur de Sabbath Café, en plus de rocker avec plusieurs autres projets à géométrie variable. L’homme de fer du Québec.
Voir tout ce beau monde là rocker comme s’il n’y avait pas de lendemain, pour fêter Francoeur, ça donne soif en s’il vous plait. Mais Aut’Chose, ça sonne comment? En sacrament. Quelque part parmi les Plume Latraverse, Offenbach, Frank Zappa et Alice Cooper, avec un chanteur, Francoeur, qui ne chante pas vraiment, préférant nous enfirouaper en récitant son inimitable proésie en suivant le beat, le rock, pis toute le reste.
- Un cœur franc avec pas d’langue de bois, qui aux yeux n’a pas froid
- Bum Rappeur à ses heures, proto-slammeur avant l’heure
- Y’a jamais eu peur du bonhomme sept-heures
- Pour certains il est trop trash, souvent trop weird pour la masse,
- Champion de la langue pis des mots, grand punk avant la lettre, yo.
Même au sommet de ses 70 ans. Rockeur sanctifié s’il en est un. Et ils étaient légions à s’être déplacés pour passer lui rendre ce vibrant hommage. Avec son band de course, il nous a livré une dizaine de classiques pas piqués des vers. Pendant BBQ Lady, la Dominique Daoust, justement, monta rejoindre Lucien sur scène, pour danser lascivement comme une Janis Joplin. Pendant Le Freak de Montréal, est monté chanter plutôt Yann Perreau, qui twerkait (sérieux?) à côté du Lulu, avec sa tuque fluo. En tous cas.
S’en suivi une jolie interlude musicale en mode nineties, afin de donner un petit break à Lulu et à Racine. Franz Schuller et Peter Edwards de Grimskunk sont montés jouer un de leurs hits punk rock, Gros Tas, avant que ça ne soit au tour de deux gars de Groovy Aardvark, soit Pierre Koch et Martin Dupuis, de prendre le relais pour jouer leur tube Y’a tu kelkun, avec en prime le virtuose ès six-cordes Daniel Mongrain (Voïvod, Martyr). Ce dernier est d’ailleurs resté un bout métalliser le tout. Comme lors de Le P’tit Bonheur, classique reprise de Groovy de la pièce de Félix Leclerc, gueulée énergiquement par le leader de B.A.R.F., le chevelu Marc Vaillancourt, avec Away de retour derrière le kit.
Lorsque Denis ‘Snake’ Bélanger de Voïvod est arrivé, ce fut au tour d’une autre reprise classique de brasser la cage des Foufs, qui plus est à trois guitares (Mongrain, Crow, Racine), soit Astronomy Domine de Pink Floyd. Oh combien satisfaisant. Snake est resté pour interpréter en duo avec Lulu En arrière du micro.
Sont également passés d’autres duo avec invités spéciaux, soit le Charbonnier de l’Enfer Michel Faubert (Blue jeans sur la plage, reprise vintage d’Aut’Chose d’une pièce des Hou-Lops), Stéphane Papillon (Les Pays d’en Haut) et Alan Lord du groupe culte Le Vent du Mont Shärr (Les grands boulevards) avant que fut jouée l’ultime toune de cette bien remplie soirée, Le rap à Billy.
- Du gros crisse de fun sale
- Du rock funky, du prog spatial
- Un bien-cuit vraiment pas banal
- Plein de sourires partout dans’ salle
- Pour ce maudit beau Freak de MontréalTM
- Notre putain de trésor national, point final.
SET LIST
- Prend une chance avec moé
- Ambulance Francoeur
- Nancy Beaudoin
- Ch’t’aime pis ch’t’en veux
- 24 Heures
- BBQ Lady
- L’Indien
- Hollywood en Plywood
- Le Freak de Montréal
- Gros tas (Grimskunk)
- Y’a tu kelkun (Groovy Aardvark)
- Le P’tit Bonheur (Félix Leclerc / par Groovy Aardvark et Marc Vaillancourt de B.A.R.F.)
- Astronomy Domine (Pink Floyd / par Voïvod)
- En arrière du micro
- Blue jeans sur la plage (Les Hou-Lops / par Aut’Chose)
- Les Pays d’en Haut
- Eh Yo Woman
- Les grands boulevards
- Le rap à Billy
BÉMOLS
Contrairement à ce que l’affiche disait, pas de Claude Péloquin, l’immense poète made in Québec (parolier de Charlebois, notamment), qui venait d’être hospitalisé. Et pas de Kosmos, même si Francoeur avait collaboré à l’unique album (paru en 2006) du groupe de space/psych rock, incluant Peake, Langevin et Crow. Dommage, ça aurait été spécial. Un oubli selon Peake, interrogé le lendemain, comme les gars en avaient justement parlé de jouer de cette chanson, Amérique Innavouable. La prochaine fois, hein? SVP!
PHOTOS : KRISTOF G.