Bon, me v'la. Pour des raisons qui ne sont vraiment pas vos affaires, mais qui, croyez-moi, sont parfaitement valables, j'ai presque tout raté de la première fin de semaine du Festival, à part The Roots : impeccable, magistral, un uppercut qui met au tapis le premier ignare qui osera généraliser en affirmant que le rap, « c'est même pas de la musique, bon ».
Puis, après un hiatus de trois jours, pause que j'ai due prendre -je le répète- bien malgré moi, j'étais de retour lundi soir, accréditation au cou, bière infecte à la main. En traversant Dufferin, on devinait déjà les volutes du chant de Leslie Feist, créature somptueuse dont la voix possède cette mystique intonation qui vous plonge dans une mélancolie confortable, comme le souvenir des manteaux sur le lit du vos parents, le soir d'une fête d'amis, alors que vous vous glissez au travers des pelisses et des duvets pour vous y endormir paisiblement.
Généreuse, habile guitariste, femme de scène qui habite ses chansons avec émotion -sans jamais en faire trop- la Canadienne use de son charme comme d'une baguette magique.
Nous n'étions pas encore délivré de l'envoutement quand le collectif Broken Social Scene s'est pointé sur scène. Flanqué d'un fan fini (mon frère) et d'un néophyte (mon ami Manu), j'ai vu et entendu là un de mes meilleurs spectacles cette année. Un peu croche, loin d'être parfait, la sono parfois déficiente, rien ne pouvait cependant altérer le plaisir contagieux de la troupe à partager l'espace scénique et sonore. Mélodies susurrées y rencontrent des structures brinquebalantes, des dissonances, et la force de frappe d'une flopée de cuivres qui vient marquer le coup.
Nous étions là dans un de ces instants de magie qui font le bonheur de ce type de festival : une rencontre, la confirmation d'un talent pour les fans, et la découverte d'un nouveau dialogue musical pour quelques passants incrédules.
Direction la scène de la bière infecte (Pigeonnier) pour apercevoir la fin de la prestation de Champion, mais une fois sur place, on détournera bien vite le regard de la scène pour le poser sur la foule : parfaitement débile. Et je le dis dans un sens qui n'a rien, mais rien de péjoratif, puisqu'on est encore là dans un autre instant de magie du Festival : la fête, la danse, la communion de tous ces gens qui vibrent ensemble, jusque dans la rue.
Deux filles superbes passent devant le Subway sur d'Artigny, tenant des petits chiens en laisse. Des skateurs boivent des bières en canettes dissimulées dans des sacs de papier, des papys froncent les sourcils alors les basses émanant du powerbook du Dj leur font friser le poil des oreilles.
Putain que j'aime cela quand ma ville se donne rendez-vous de la sorte.