À propos de quoi vais-je écrire sur ce blogue?
La musique, c'est sûr. Mais la musique est un prétexte. Un chroniqueur célèbre écrivait récemment que le hockey est la dernière église du peuple, ben c'est pas vrai.
Les festivals aussi, bon.
Disons qu'un événement comme celui-ci est à l'amateur de musique moyen ce que le grand rassemblement au Colisée est au Témoin de Jehova. La grand messe.
C'est donc aussi de cela qu'il sera question ici: les gens. Les gens qui se rencontrent encore ailleurs qu'au centre d'achats, unis par la musique, mais aussi par la simple envie de se retrouver, d'être ensemble.
![]() RENAUD : . |
Prenez ce spectacle de Renaud. Paraît que nous étions 60 000. Où j'étais, près de la tente du monopole de la vente de vins et spiritueux, parions qu'ils étaient surtout venus voir les Cowboys Fringants. Jeunes, surexcités, glabres ou barbus, un peu babas mais pas tant que ça. Ils parlaient, s'amusaient, déconnaient, buvaient. Sans doute trouvaient-ils que le vieux monsieur sur scène n'avait pas trop de voix, et pas beaucoup d'énergie en comparaison de leurs amours de Cowboys. Pouvaient pas savoir que, compte tenu de son âge, mais surtout de ses excès et de ses errances, Renaud donnait sans doute un de ses meilleurs shows depuis des années.
Il souhaitait se racheter pour son dernier rendez-vous ici, lamentablement manqué? Voilà qui est fait.
Je suis parti pendant que le chanteur énervant s'époumonait sur Hexagone. Un brûlot. D'une méchanceté incroyable, une gifle au nationalisme béat. Vous pensez à la même chose que moi?
En Berne, la chanson des Cowboys Fringants.
Même volonté de montrer ce qui ne tourne pas rond chez soi, même sentiment de désespoir en voyant ses compatriotes se complaire dans le confort et l'indifférence.
Sauf que. En Berne m'énerve. Comme la plupart des chansons engagées des Cowboys d'ailleurs. Trop travail de rédaction de fin d'année de secondaire 4. Trop manichéen. Trop facile, trop gougoune baba cool.
Et Hexagone? J'adore. Pourtant, il y a là les mêmes clichés, la même facilité qui m'exaspère chez les Cowboys. La différence? Elle est dans la violence du propos, je crois. Une sorte de finesse dans cette violence qu'on affutée, une cruauté parfaitement orchestrée, sans retenue, sans censure, avec une sorte d'inconscience trop rare qui pousse à condamner en masse au risque d'être à son tour voué aux gémonies. J'aime Renaud car il est téméraire. Et un peu fou.
Petit saut du côté du Parc de la Franco. Mutemath s'apprête à monter sur scène pour tenir ses promesses : leur musique prend ses aises sur les planches, l'énergie y est décuplée, rien ne dépasse. Une sorte d'urgence feutrée. Impeccable. La petite foule sur place boit tout cela à grandes lampées.
Je remonte sur la Grande-Allée qui, avec toutes ses voitures en démonstration (gracieuseté du commanditaire), a l'air de la cour d'un concessionnaire automobile.
Dans la tente promotionnelle de la boisson Amarula, des hippies portant des hauts moulants tentent de m'attirer pour me faire goûter à leur truc. Songeant aux contorsions idéologiques qu'elles doivent faire pour prostituer leurs beaux idéaux en échange d'un chèque qu'on imagine misérable, je pense aux chansons de Renaud, à son mépris pour l'hypocrisie, et souris intérieurement.
Arrivé à la course à la Place D'Youville, je ne réussis qu'à attraper le rappel du prodige de la guitare Derek Trucks. Me parvient un blues électrifié revenu de son périple à Chicago pour reprendre son accent sudiste. Le B3 pulse avec insistance, le chanteur polarise l'attention entre deux impeccables solis du virtuose de la slide. Dans mon carnet, j'ai écrit : à la hauteur de sa réputation. Je suis le roi des euphémismes. La gars massacre se guitare et la fait hurler avec une sorte de tendresse sadomasochiste. Rien de moins.
Il n'a pas plu une seule goutte encore. Faudra attendre tard dans la nuit pour l'averse. Je devine les organisateurs du Festival qui soupirent de soulagement.