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Le Québec des perdants – Du hockey et de la politique

Malgré que ce soit maintenant tombé en dehors du radar médiatique, je me permets de revenir sur un petit incident qui m’a fait réfléchir pendant ma convalescence*. Il est curieux de constater que malgré l’énorme espace médiatique dédié au commentaire du joueur de hockey Michael Cammalleri sur l’attitude de perdants du Canadien de Montréal, personne n’a relevé le parallèle à faire avec l’état actuel du Québec.

Ça peut sembler franchement facile et bassement provocateur de dire ça, mais c’est pourtant mon sentiment profond quand je fais le constat de l’état du Québec depuis que Jean Charest a obtenu une majorité à l’Assemblée nationale pour continuer son spectacle de travesti. Pour moi, un Conservateur qui s’habille en Libéral et s’enveloppe dans le discours à paillettes du tout économique en s’égosillant à chanter la vieille chanson de la création de la richesse n’arrivera jamais à cacher sa réelle identité peu importe l’épaisseur du maquillage.

Revenons au hockey.

«Je ne peux accepter que nous affichions une attitude de perdants comme on le fait cette année. On prépare nos matchs en perdants (losers). On joue en perdants. Il ne faut donc pas se demander pourquoi on perd.»

– Michael Cammalleri à La Presse

Bien-sur une telle déclaration publique venant d’un joueur est suffisante pour lui montrer le chemin de la porte (on se rappellera l’incident Patrick Roy). Le principe est simple : celui qui est dirigé ne doit pas critiquer publiquement celui qui dirige. Simple respect de la hiérarchie en place.

Au hockey comme à la guerre, la hiérarchie prime. Ainsi, l’échange de Cammalleri était hautement prévisible, ou peut-être savait-il qu’il allait être échangé et s’est permis un dernier commentaire cinglant. Les propriétaires du club de hockey Canadien sont seuls maîtres à bord. Ceci dit, ne me méprenez pas. Je déteste le hockey tel qu’il se joue en ce moment. Le festival des commotions cérébrales auquel nous assistons depuis quelques années est lié aux deux problèmes politiques qui gangrènent la LNH :

1 – Les coups à la tête sont une simple histoire de règlement. C’est une barbarie imbécile que la LNH maintient en prétextant – à tort – que les gens veulent du jeu robuste et que ça fait vendre le hockey. Et j’ai très hâte que Don Cherry arrête de nous sermonner avec ses angoisses sur sa propre virilité en faisant de la projection sur la LNH au complet. (Consultez, M. Cherry, une petite pilule bleue est facile à obtenir de la part d’un médecin.) J’étais très jeune durant la dynastie des Canadiens de 1975 à 1979, mais je me souviens clairement qu’on n’y jouait pas ce genre de hockey sauvage. Un ancien joueur du Canadien, Ken Dryden, a publié un argumentaire solide à ce sujet dans le Globe and Mail. (version française parue dans Le Soleil « Arrêtons d’être stupides » )

2 – La technologie pour protéger la tête des athlètes des commotions cérébrales existe, elle est fonctionnelle et abordable, mais les joueurs de hockey de la LNH n’y ont pas accès. Il faut lire l’article et regarder la vidéo des tests de laboratoire de Alex Steers parus sur mon journal « 99 Après l’indignation »  pour comprendre comment fonctionne la certification des casques de protection dans le sport et de quels calibres sont les casques disponibles au Canada. Encore de la politique qui empêche les athlètes de bénéficier d’une meilleure protection à la tête lors des coups ou des chutes. (AJOUT : Un article récent de la Gazette mentionne que les casques de ski n’offrent pas une bonne protection. À replacer dans le contexte du récent décès de la championne de ski acrobatique Sarah Burke)

Si le cirque de la LNH continue, de notre vivant nous verrons dépérir une génération de joueurs de hockey, handicapés par les lourds dommages neurologiques qu’ils auront encaissé bêtement pour enrichir les propriétaires de la LNH et les média sportifs. Alors que c’était possible de les protéger, par un règlement et de l’équipement de protection, on aura sacrifié ces fleurons de notre sport national pour le « spectacle viril » d’une boucherie imbécile. Ils passeront le restant de leur jour à souffrir de troubles de coordination, de pertes de mémoire et de profonde dépression, certains se suicideront.

Si la porno c’est du viol, le hockey actuel c’est aussi de la porno, mais sportive, et tant que la LNH ne changera pas son règlement elle pourra dire ce qu’elle veut, mais ça ne changera pas le fait qu’elle paie des joueurs de hockey pour se faire détruire le cerveau au nom de l’amusement public.

Bon je me calme. J’oubliais que j’avais commencé par vouloir faire un parallèle avec le Québec actuel. Revenons à nos perdants…

Cammalleri avait peut-être raison – je ne sais pas, je ne connais rien aux techniques de jeu du hockey! – et quand j’ai entendu sa déclaration, je me suis dit que c’est exactement le problème du Québec. Nous sommes un coin de pays riche de ressources naturelles, peuplé de gens ingénieux et débrouillards. En ce moment, le Québec est à un point tournant dans son histoire par rapport au reste du monde. Nous avons la possibilité d’assurer la prospérité de tous les QuébécoisEs pour des générations à venir, mais nous sommes menés par un premier ministre qui a une attitude de perdant, qui prépare l’avenir du Québec en perdant, et qui va même dire à « Tout le monde en parle » que nous sommes un peuple de perdants dans le domaine des hydrocarbures (LIEN à 5 :10 min. jusqu’à la fin à propos de l’exploration des gaz de schiste au Québec) Avec cette attitude, le Québec n’aurait jamais nationalisé l’électricité en 1962 et relevé les défis du développement technologique de la transmission d’électricité sur de grandes distances qui a permis de rentabiliser la Baie-James.

Au lieu de prendre l’attitude d’un gagnant qui consisterait à exiger que les compagnies qui ont accès à nos ressources naturelles (mines, pétrole, gaz, eau) paient des redevances élevées, partageant ainsi équitablement leur valeur marchande avec l’état, Jean Charest perpétue l’attitude de perdant qui consiste à se contenter de maigres redevances, prétextant que nous devons rester compétitifs sur les marchés mondiaux. Foutaise. Les rivières, le minerai, les hydrocarbures ne peuvent pas être déplacés dans un autre pays. Si les corporations n’aiment pas les conditions d’exploitation, elles ne peuvent déplacer leurs activités ailleurs – ou menacer de le faire pour prendre en otage le gouvernement – parce que les ressource sont ICI. Sur NOTRE territoire. Si elles en veulent, elles doivent venir les chercher ici et payer le juste prix. Le Plan Nord de Jean Charest est essentiellement la planification de la plus grande dépossession de l’histoire du Québec (voir conférence de Daniel Breton et aussi la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine ). (AJOUT : Voir la lettre ouverte au premier ministre de la Norvège de Martin Poirier et Stéphane Poirier) (2e AJOUT : Voir le plus récent blogue de Jean-François Lisée à propos de son livre « Comment mettre la droite K.O.! »)

Au lieu de prendre l’attitude d’un gagnant qui consisterait à capitaliser sur un parc de réservoirs hydroélectriques pour instaurer un programme agressif d’économies d’énergie et développer massivement les énergies vertes (éolien, géothermie, biomasse, biogaz, solaire), Jean Charest perpétue un modèle désuet et non-rentable qui consiste à s‘entêter à construire de nouveaux barrages (petits et grands) qui endettent le Québec inutilement, produisent de l’électricité qui coûte plus chère que son prix de vente sur les marchés en plus d’accuser un sérieux retard technologique sur le reste du monde (voir le documentaire Chercher le courant que j’ai produit).

Au lieu de prendre l’attitude d’un gagnant qui consisterait à faire de la Caisse de dépôt et placement du Québec un rempart contre la cupidité des banques et la criminalité rampante des courtiers en bourse, Jean Charest reste aveugle devant certaines pratiques à haut risque des dirigeants de la CDPQ et le Québec encaisse des milliards de dollars de pertes. (sans prôner l’ingérence, voir quelques articles trouvés via Google et les critiques de Jacques Parizeau à ce sujet)

Au lieu de prendre l’attitude d’un gagnant qui consisterait à placer le citoyen au-dessus de la corporation, en droits et privilèges, Jean Charest agit en perdant en posant systématiquement des geste politiques corporatistes au détriment des citoyens et au bénéfice des corporations. Un exemple démontre bien la faillite de ce premier ministre :

1.     Jean Charest a mandaté Pierre-Marc Johnson pour représenter le Québec aux négociations secrètes sur l’accord de libre échange entre le Canada et l’Union européenne (AECG, en anglais : CETA) et ce dernier n’a rien fait de pertinent à mon sens. Il s’est contenté de dire au début du processus que les choses suivaient leurs cours et ensuite à la presque fin des négociations qu’il n’était pas possible d’intervenir, alors qu’il devrait défendre nos intérêts, rapporter sur la place publique les enjeux afin que la population du Québec en débatte et ensuite se faire le porte parole de nos positions communes. (Voir les déclarations de Louise Beaudoin et Amir Khadir à ce sujet – ICI et ICI – et l’accablante comparaison que Mme Beaudoin faisait entre le silence sur ces négociations et les débats publiques tous azimut qui ont précédé l’ALENA à l’époque de Brian Mulroney).

Pour ajouter l’insulte à l’injure, les députés libéraux agissent la plupart du temps comme des porte-parole chargés d’informer la population des décisions d’un seul homme au lieu d’être à l’écoute de leurs électeurs et d’être porteur de leurs voix à l’Assemblée nationale (re : le pitoyable délai pour instituer une commission d’enquête sur la corruption dans la construction et la collusion avec des fonctionnaires provinciaux).

Il y a une hiérarchie claire au Québec. La population vote et nomme le premier ministre. Si le premier ministre se comporte en perdant, la population doit le crier haut et fort, mais contrairement au hockey, les citoyens ne peuvent se faire échanger parce que le premier ministre n’a pas ce pouvoir. C’est le contraire.

D’ici les prochaines élections les QuébécoisEs doivent envoyer un message implacable aux aspirants à la plus haute fonction publique du Québec : le premier ministre du Québec doit avoir une attitude de gagnant pour assurer notre prospérité dans le 21e siècle. Il est clair que Jean Charest n’est pas le bon candidat. Reste à savoir qui seront les autres candidats et de quoi ils/elle seront faits. Je me pencherai là-dessus au cours des prochain mois.

 

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*Note d’un usager satisfait de notre système de santé public.

Le vendredi 13 janvier j’ai du subir une chirurgie d’urgence à l’œil droit pour un décollement de rétine, une situation critique qui menaçait de me faire perdre ma vue dans cet oeil. Mon état avait été diagnostiqué la veille après quelques heures d’attente au service d’ophtalmologie de l’hôpital Notre-Dame (CHUM). C’est la deuxième fois que j’ai à me faire traiter dans ce département. La première fois c’était en 2001 pour un déchirement de la rétine dans les deux yeux (un stade qui précède le décollement). À chaque fois, je suis éberlué par l’efficacité de l’équipe en place. Ce département traite les rétines, mais aussi les cataractes et d’autres problèmes ophtalmologiques. Les patients varient en âge, surtout des adultes, et ce service doit en traiter facilement plus d’une centaine par jour. Le temps d’attente est tout à fait normal, les employés sont efficaces, courtois et très professionnels. L’atmosphère est sereine, et on sent une vivacité partout où on se trouve.

Avec mes deux chirurgies pour des hernies inguinales, aussi très bien traitées à l’hôpital St-Luc (CHUM), et mon empoissonnement alimentaire, traité à l’hôpital Hôtel-Dieu, je dois confesser être un usager satisfait de notre système de santé public. Je ne cache pas que j’ai expérimenté les délais interminables de quelques salles d’urgence, mais de manière générale, le bilan est plus positif que négatif.

Ma vue a été sauvée par le Dr. Mikael Sebag, et antérieurement par le Dr. Serge Marcil, je n’ai pas eu à attendre et je n’ai rien déboursé. L’idée qu’une compagnie d’assurance privée motivée par le profit pourrait avoir son mot à dire dans mon accès à un médecin, la date et le qualité de mes chirurgies m’apparaît comme la plus stupide idée qu’une société peut considérer. À 43 ans, je dois à ce système d’être encore actif, en santé et voyant. Il faudra me passer sur le corps si quelqu’un a l’intention de menacer ce droit universel des Québécois. J’y reviendrai aussi dans une prochaine entrée de blogue.

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Prochain blogue: des nouvelles de mes projets de documentaire et une attaque en règle contre les documentaires inutiles.