Texte lu lors du Cabaret POUR UN PRINTEMPS QUÉBÉCOIS qui s’est tenu le 21 avril 2012 au Verre Bouteille.
Toute la semaine je me suis demandé de quoi je vous parlerais ce soir. Le Québec va mal et je n’arrivais pas à choisir entre m’insurger contre la mauvaise gouvernance des réserves naturelles, la pollution du système démocratique par le corporatisme, le pillage de l’état par des compagnies en collusion avec des fonctionnaires, la surtaxation de la classe moyenne à qui on demande constamment de faire sa « juste part » – combien de justes parts ça prend pour payer la tarte au complet? – le recul de la liberté d’expression, la concentration de presse sans précédent, les menaces environnementales au nom d’un développement économique qui ne profite qu’aux compagnies étrangères ou les paradis fiscaux qui profitent aux riches et privent le Québec de revenus substantiels.
Puis, je me suis rappelé cet ancien concept des quatre éléments : l’air, l’eau, la terre et le feu qui me sont soudainement venu en tête lorsque j’ai assisté à une Bar Mitzvah dans une synagogue hassidique l’an passé. Ça serait trop long de vous expliquer comment je me suis retrouvé là, mais on y célébrait donc ce moment où un jeune homme passe de l’enfance à l’âge adulte. J’étais un simple invité, anonyme athée dans cette foule de croyants, et pendant les moments où le rabbin parlait en hébreux, j’en ai profité pour relire la Genèse en anglais. Mon esprit s’est mis à errer. Puis quelques personnes sont montées sur la scène pour dire un mot à propos du garçon, pour lui souhaiter une bonne vie; pour lui proférer des conseils. Je dois vous confesser que j’ai un gros défaut : dès que j’assiste à un événement où des gens parlent sur scène, j’ai envie d’y monter moi aussi et de m’adresser à la foule. Je n’ai pas trouvé d’antidote à ça, mais je dois avouer que je ne cherche pas très fort.
En écoutant tous ces gens énoncer leurs souhaits et conseils, j’ai constaté un grand vide. J’étais déçu du message général et, inspiré par ces textes anciens qui traînaient sur toutes les tables, le concept des quatre éléments s’est imposé à moi. Je me suis dit qu’il faudrait s’en inspirer pour parler à chaque adolescent et adolescente alors qu’ils cognent à la porte de la vie adulte. Et comme j’ai parfois l’impression que le Québec était un enfant au 19e siècle, qu’il a eu une adolescence difficile au cours du 20e siècle et qu’il entre maintenant à l’âge adulte à l’aube du 21e, ce texte est aussi adressé à chacun de mes concitoyens.
L’air, l’eau, la terre et le feu sont tes guides pour le reste de ta vie.
Tu as pris ta première respiration au moment de sortir du ventre de ta mère. Et tu respireras de cet air jusqu’à ton dernier souffle. Tu es un être humain parmi des milliards, mais tu as les mêmes droits et les mêmes besoins qu’eux. Il te faut donc prendre soin de l’air que tu respires. Protège-la, ne laisse pas des gens motivés par l’argent et la mort te dire ce qui est important pour ta vie. Fais un bon usage de l’air. Sors souvent pour bouger, pour t’en emplir les poumons, pour nettoyer ton corps et ton esprit.
Tu as baigné dans l’eau pendant neuf mois et tu as pris ta première gorgée d’eau à travers le lait de ta mère. Tu as besoin de cette eau pour vivre. Tu dois aussi en prendre soin, en faire bon usage en ne la gaspillant pas, en ne la polluant pas, en protégeant les forêts qui la récolte, les rivières qui la transportent, les océans qui la reçoivent et les animaux qui y vivent. N’oublie pas de prendre du plaisir avec l’eau. Tu as la chance de vivre dans un pays où les rivières sont partout, où l’eau est un bien commun. Tu en bénéficies chaque jour, tu en as aussi la grande responsabilité.
La terre te nourrit. La majorité de ce que tu manges vient de la terre. Plantes-y une graine, donne-lui de l’air et de l’eau et la terre te rendra de quoi te nourrir. Creuses-y pour trouver des richesses, mais fais en bon usage, car elles ne sont pas infinies. Toi ainsi que toutes les autres créatures avez besoin de la terre, mais tu fais partie de l’espèce qui a fait le plus de dommages à cette terre et tu es membre à part entière de la seule espèce qui peut encore la protéger. La terre est aussi un bien commun, et elle est une responsabilité collective.
L’air, l’eau, la terre sont en dehors de toi, ils entrent en toi, ils te donnent la vie. Mais tu as aussi une richesse, une chose qui est en dedans de toi : le feu. Le feu qui t’anime depuis ton premier souffle et qui s’évaporera on ne sait où après ton dernier souffle ; ce feu est un cadeau unique. Si tu apprends à le connaître, tu peux le contrôler, le faire grandir, le faire rugir même et accomplir de grandes choses avec lui. Si tu le négliges, si tu laisses d’autres te dire quoi faire avec, si tu laisses la folie du monde le polluer, ton feu peut ravager des forêts et des peuples. Ce feu va te sauver la vie quand tu seras seul(e) et sans défense, ce feu te permettra de vivre en harmonie avec les autres humains lorsque vous apprendrez à le conjuguer ensemble.
En conclusion, je constate, qu’en ce moment, beaucoup d’être humains ne respectent pas ces quatre éléments : les corporations, et les gouvernements qui les servent, ne pensent qu’à venir se servir à même notre bien commun, pour ainsi s’enrichir et nous déposséder. Ce soir, prenons ensemble l’engagement moral de prendre nos responsabilités face à l’air, l’eau, la terre. Demain le 22 avril, sortons ensemble conjuguer notre feu et envoyons un message clair à nos élus : nous n’acceptons plus cette situation. Après-demain, rappelons-nous la veille et persévérons jusqu’à ce que ça change!
Merci Denis de nous remettre régulièrement dans le droit chemin.
Tes mots nous font du bien.
La dernière chose dont nous voudrions, Monsieur McCready, ce serait bien d’un «Printemps québécois»…
Parce que si cela devait le moindrement se calquer sur le modèle de ce qui est appelé «Printemps arabe», ce serait un désastre complet. Je connais beaucoup, vraiment beaucoup de personnes issues de ou vivant encore dans ces pays où ce printemps sévit ou menace de le faire. Liban, Syrie, Égypte, Tunisie et autres.
Même si, à la base, l’intention aura été d’aider des peuples à se «libérer» de l’emprise de régimes malcommodes, et parfois même oppressifs, le résultat obtenu (ou prévisible là où la «libération» se fait encore attendre) est dans les faits une horrifiante dégradation des conditions de vie.
Exit la liberté et bar ouvert aux fous d’Allah…
Ce printemps aura ainsi éconduit des individus à la poigne détestable pour les remplacer par des groupuscules d’exaltés sectaires, d’intégristes ne s’entendant souvent même pas entre eux, et prompts à vouloir imposer toutes sortes de restrictions à la démocratie. La charia ou le tchador, ça vous dit quelque chose?
D’une démocratie faiblarde, ces régimes sont à présent à basculer dans une démocratie agonisante. Le «remède» se sera révélé inapproprié et, en pratique, létal pour les patients.
Alors, ne soyons pas naïfs, ici au Québec.
Certes, tout ne va pas toujours pour le mieux. Ça accroche ici et ça dérape un peu par là. Mais, en gros, les choses vont beaucoup mieux au Québec, et de loin, qu’ailleurs dans ces pays de ouds, de narguilés, de dromadaires et de pyramides.
N’ouvrons pas bêtement notre porte à des guérisseurs-charlatans qui sont là à rôder autour. Soyons avertis et vigilants. Il y a une énorme différence entre porter de temps à autre une ceinture fléchée, par simple envie, ou d’y être contraint quotidiennement, à longueur d’année…
Un «Printemps québécois»? Vraiment pas… Non merci.
Merci de ce rapide survol des dérapages au Proche-Orient. Ce que vous décrivez est typique de toute situation où le système politique s’effondre (la Bosnie d’après guerre est un exemple probant ; le pays est tombé au main d’une petite mafia corporatiste qui a transformé la Bosnie en colonie de ses voisins). Chaque pays/région est unique et est confronté à ses propres problèmes, réels ou manufacturés. À nous de faire du changement à notre manière. Et je ne prône pas de position politique souverainiste (ceinture fléchée?).
Il ne faut pas attendre de se rendre au niveau de la Tunisie, de l’Égypte ou de la Grèce pour opérer du changement. Il ne faut pas souhaiter un effondrement ici, mais un réel changement par la pression démocratique. Ambitieux? Peut-être. Mais c’est mieux que de se dire que tout va bien et de laisser nos actuels politiciens nous mentir et nous voler. À ça j’ai l’intention de m’opposer. Nous avons une fenêtre de quelques années pour empêcher la grande dépossession du Plan Nord et s’assurer que nos réserves naturelles soient exploitées de manière responsable et au profit des citoyens, au lieu d’engraisser les comptes de banque de compagnies étrangères. Je ne veux pas vivre dans un Québec sous emprise coloniale et présentement l’exploitation de nos réserves non-renouvelables fait de nous une belle république de banane du Nord. Peut importe que l’on soit souverainiste ou fédéraliste ou les deux à la fois, nos réserves naturelles sont un bien commun et elles doivent être mieux partagées. D’où la manifestation du 22 avril.
Merci beaucoup, Monsieur McCready, pour cette réponse éclairée.
Vous avez raison d’espérer que nous sachions préserver nos richesses naturelles, que cette préservation se fasse «de manière responsable et au profit des citoyens».
Nous sommes à l’évidence sur la même longueur d’ondes.
Passez une très bonne journée!
« Mais, en gros, les choses vont beaucoup mieux au Québec, et de loin, qu’ailleurs dans ces pays… »
hein? on devrait rentrer chacun chez soi et accepter tranquillement de se faire déposséder, et ce, parce que c’est pire ailleurs?!? tu es d’une tristesse, claude…
« N’ouvrons pas bêtement notre porte à des guérisseurs-charlatans qui sont là à rôder autour. »
pourrais-tu donner quelques exemples de charlatans stp? je ne vois pas à qui tu fais allusion.
Il y a toutes sortes de fou.
On a connu François d’Assise, le fou de Dieu.
Sans le comparer à ce grand saint, il y a ce fou de la terre, Dominic Champagne, ce kid de Sorel- dans la quarantaine-( allez sur Google) qui a bâti la journée du 22 avril:
La marche familiale pour l’environnement.C’est apolitique, c’est positif.
Voilà pourquoi Ti-Jean Charest risque d’être absent.
Il a peur de se faire » tirer des roches » ?
Mes 3 filles, mes 4 petits enfants, mes 2 gendres n’auront que de petites bouteilles d,eau dans les mains et..fort possiblement un carré rouge à la boutonnière.
Charest , pourquoi ne pas y déléguer ton ex. vice-premier ministre, la tite Normandeau ?
by the way, il y a beaucoup d’autres fous. Je lisais -il y a quelques minutes- les commentaires sur le blogue de Gilbert Lavoie du Soleil.
Denis , consôle toi , tu n’es pas le seul à recevoir des messages d’étroits d’esprit:
on dit qu’il y en a 1 sur 2…
Verifie.
Très beau texte MonsieurMcCready !
J’étais de la marche avec ma p’tite gang de papas, de mamans, d’ados et de jeunes enfants. Notre ami Luc a dit à son fils de 5 ans : Un jour, tu diras « J’y étais », mon gars. Tu fais maintenant partie de l’histoire » … Cette histoire, c’est celle d’une terre qu’on veut saine pour l’avenir de tous les ti-culs qui étaient présents ou non à cette marche. C’est leur histoire qui se dessine et qui, aujourd’hui, est entre les mains des « grands » …
Cette grande marche n’était qu’un prélude à un monde meilleur … Attisons notre « feu » chaque jour, chaque demain … Conjuguons le JE au NOUS et conjuguons le NOUS à la TERRE …
Baisser les bras … ce serait dire aux générations futures « JE vous laisse tomber » …
Et que j’aimerais avoir cette Julie dans ma tribu !!!
Monsieur Graton, comme vous l’a déjà dit le Câlinours … nous sommes tous vos enfants ! … 😉
C’est dans l’air du temps de penser aux éléments, on dirait. Matthieu Tallard et Drew Michelle Armstrong ont produit un document intitulé « Éléments du pouvoir » qui a servi d’inspiration à l’organisation de l’espace du square Victoria en quatre points de rassemblements, un par élément (eau, air, terre, feu), lors des journées d’actions populaires des 12 au 15 mai dernier.