BloguesDenis McCready

L’improvisation – Un symptôme inquiétant

Quand un ancien député, ancien ministre, homme d’expérience comme François Legault se lance dans la fondation d’un nouveau parti, on comprend qu’il ne part pas de rien. Il est issu du privé et il a l’expérience de l’Assemblée nationale. C’est peut-être ce qui fait qu’au cours de la campagne actuelle les médias lui donnent autant de place alors qu’il n’est pas encore élu sous la CAQ, éclipsant Amir Khadir et Jean-Martin Aussant, députés élus.

J’écoute d’une oreille un peu distraite le blabla de M. Legault depuis quelques mois, rien de bien surprenant : un discours de droite, corporatiste, puisant de bons éléments de communications, un peu populiste – on va dégraisser, on va faire le ménage, on va couper dans le gras, les jeunes sont paresseux, les femmes manquent d’ambition, etc. – il semble peu informé, mais doté de beaucoup d’opinions. Une mauvaise recette.

Lorsque M. Legault a présenté les faits saillants de son programme et a mentionné l’hydroélectricité, j’ai sursauté. Il s’est vraiment mis le pied dans la bouche jusqu’à la cheville.

Plateforme électorale de la CAQ: les faits saillants – LaPresse 12 août 2012

« François Legault promet de faire du développement hydroélectrique une «priorité nationale», et de remettre en question le développement de l’énergie éolienne. Cet engagement signifie-t-il qu’un gouvernement caquiste pourrait bâtir de nouveaux barrages?

«On n’est pas encore là», a répondu François Legault. La CAQ soutient que le développement de la filière éolienne n’a pas tenu ses promesses, tant au niveau des coûts que des retombées environnementales. Elle promet donc un débat sur cette manière de produire de l’électricité. »

Ouf… Si monsieur Legault vivait en dehors du Québec, je ne lui en voudrait pas, mais là il est complètement dans le champs.

J’ai produit le documentaire « Chercher le courant » avec Nicolas Boisclair, aussi coréalisateur avec Alexis de Gheldere – le film a été vu par presque 600 000 personnes, dont la majorité au Québec. Nous avons travaillé trois ans à faire de la recherche, à parler à de nombreux spécialistes de l’énergie, des économistes, des producteurs d’énergies vertes et nous sommes arrivés au constat que l’hydroélectricité tel que proposé par le projet de la rivière Romaine est maintenant dépassé et que l’avenir passe par les énergies vertes tels l’éolien, le solaire passif et thermique, la biomasse, les biogaz, la géothermie; et bien sur des programmes d’économies d’énergies et une approche d’efficacité énergétique dans la construction et la rénovation. Nous n’avons jamais suggéré de défaire les barrages actuels, mais simplement d’arrêter d’en construire.

Or cette conclusion n’est pas nouvelle. En 1995, suite à un débat public sur l’énergie, le rapport « Pour un Québec efficace » était signé par Hydro-Québec, les organismes environnementaux, les Premières nations et bien d’autres. Les recommandations de ce rapport ont été occultées par le gouvernement de Lucien Bouchard et Hydro-Québec a continué de faire ce qu’elle faisait comme s’il n’y avait pas eu de consultation.

Continuer de bâtir des barrages ne rapporte plus à Hydro-Québec, et donc ne rapporte plus aux citoyens du Québec, parce que ce n’est plus rentable. Les seuls qui en profitent, ce sont les « constructeurs de barrages » – on les connait et certains ont été reconnus coupable de fraude – et ces projets endettent le Québec inutilement.

Ajoutez au projet Romaine, dont l’électricité sera vendue aux USA à perte, la réfection de Gentilly-2 (3 milliards!!), la centrale de Bécancour (qui coûte annuellement 150 millions pour NE PAS fonctionner, parce que nous sommes en surplus) et le fait que Hydro-Québec perd des centaines de millions de dollars de revenus parce que l’État de New York ne reconnait pas la grande hydraulique dans son portefolio d’énergies vertes (lien vers la Fondation Rivières), et vous avez le résultat de la gestion de Jean Charest : des milliards de dépenses ou de pertes de revenus avec une approche dépassée.

Quand M. Legault dit vouloir faire « du développement hydroélectrique une «priorité nationale» », il est clair qu’il n’a pas étudié le dossier et qu’il improvise alors que c’est un dossier majeur pour l’avenir du Québec.

Imaginez le s’il fait la même chose avec le reste du budget du Québec. Pensez-y le 4 septembre.