Le 6 août, sur ce blogue, je présentais un texte de Malorie Gosselin sur l’Accord économique commercial Global Canada-Europe (AÉCG) intitulé Tout est sur la table. Je vous invite à le lire ou relire et à considérer les points inquiétants que Malorie Gosselin souligne plus bas.
Un accord de libre-échange n’est pas bon ou mauvais en soi, c’est ce qu’on y met qui détermine son impact sur la situation économique d’un territoire. Plus je me penche sur ce sujet, plus je considère que l’AÉCG est une menace à la souveraineté économique du Québec. La semaine prochaine, je reviendrai sur ces dangers et mes suggestions pour la suite.
C’est un des plus importants enjeux économique et politique pour le Québec présentement. Et ça se fait en silence et de manière anti-démocratique.
-Denis McCready
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Accord économique commercial global Canada-Europe – Un buffet économique indigeste pour le Québec
De Malorie Gosselin
Le Canada et l’Union européenne négocient présentement les points les plus sensibles d’un traité de libre-échange dit «de troisième génération» qui devrait être servi aux Canadiens d’ici la fin de l’année.
« Pour la première fois, des sphères de gouvernance provinciale et municipale vont être assujetties aux contraintes et clauses d’un tel accord commercial et on fait comme si cela n’avait pas des conséquences considérables sur notre vie sociale, politique et économique au Québec» pense Claude Vaillancourt, porte-parole du Réseau Québécois sur l’intégration continentale (RQIC).
Voici les principales inquiétudes que soulève l’imminente signature de l’AÉCG.
1- Il y aura une échéance très courte entre le moment où les textes de l’accord seront divulgués et celui où les provinces devront dire si elles y adhèrent. Le temps donné aux élus pour analyser tous les documents produits risque d’être insuffisant.
2- L’AÉCG pourrait contenir un processus de règlement des conflits investisseur-État qui permet aux entreprises de poursuivre les États et de contester nos règlementations, notamment en matière de protection de l’environnement.
3- La propension des multinationales européennes spécialisées dans les marchés publics à vouloir maximiser leurs profits pourrait plomber sur la mission de «service public». La qualité des services dont bénéficient les Québécois pourrait s’en trouver amoindrie.
4- Les entreprises européennes sont très performantes et habituées aux marchés internationaux. Elles risquent de damer le pion à des entreprises locales qui souvent chargent plus cher, mais emploient et achètent localement.
5- Les réseaux d’aqueducs étant en grande partie à refaire et le budget des villes étant, lui, déjà très serré, la distribution d’eau potable risque d’être privatisée peu à peu.
Des multinationales européennes sont prêtes à prendre ce marché, contrairement aux compagnies locales. Une privatisation éventuelle pourrait entraîner une augmentation des coûts d’accès à l’eau en même temps qu’une baisse de qualité d’un bien essentiel.
6- De même, l’AÉCG pourrait s’appliquer à tous les secteurs déjà privatisé de la santé.
7- La clause de la nation la plus favorisée obligerait le Canada à offrir les mêmes conditions de libre-échange aux Américains. Cela signifie, entre autres, qu’ils pourraient pénétrer nos marchés publics provinciaux et municipaux au même titre que les Européens.
8- Une prolongation de la durée des brevets des médicaments de marque reporterait l’accès de la population à des médicaments génériques, et donc à moindre coût.
9- Jusqu’à présent, il faut être Canadien pour posséder une entreprise culturelle au Canada, cela sert principalement à limiter l’expansion d’industries étrangères. Cependant, la pression semble très forte du côté de l’Europe pour que certains aspects de l’industrie culturelle québécoise ne soient pas couverts par l’«exemption culturelle» qu’a annoncée le négociateur du Québec, Pierre-Marc Johnson.
10- Le Québec semble offrir beaucoup plus qu’il ne peut recevoir. Les avantages nets que les investissements peuvent apporter aux citoyens du Québec pourraient ne pas valoir les pertes d’autonomie politique qu’on dit nécessaires à leur avènement.
Durant la dernière campagne électorale, le RQIC a demandé au Parti québécois de prendre publiquement position sur ces enjeux majeurs. Cette demande est laissée jusqu’à présent lettre morte.
C’est Jean Charest qui s’est fait un point d’honneur de mettre la table de ces négociations. Maintenant qu’il a retiré son tablier, reste à voir si le Parti québécois envisage, ou plutôt, «sera en mesure» d’assaisonner à son goût l’accord que le premier ministre sortant a laissé sur le feu.
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Article paru le 2 octobre 2012 dans La Presse : Libre-échange Canada-UE: Québec déplore le manque de transparence