BloguesDenis McCready

Cahiers épars, cahier perdus. Une nouvelle chronique.

Je commence aujourd’hui une fouille archéologique personnelle en pigeant dans mes cahiers accumulés depuis plus de 23 ans. Certains cahiers que j’ai minutieusement annotés, datés, et d’autres pêle-mêle, écornés, malmenés, contenant parfois une phrase d’une inconnue ou d’un ami ; quelques cahiers ont été perdus, volontairement semés un peu partout dans la ville. Peut-être en avez-vous trouvé un sur la vingtaine que j’ai « perdu » à Montréal…

Le projet est simple : passer au travers des cahiers depuis 1989, extraire des idées, projets, histoires qui sont restés enfermés entre les pages et leur donner une forme via ce blogue. Ensuite, tracer une grande barre en diagonale de la page et passer à un autre cahier. Je ne dirai pas tout. Il y a du matériel très personnel, des trucs qui ne sont pas pertinents pour personne d’autre que moi, des textes franchement ennuyant. Je vous épargnerai. Ça restera là, pour la prochaine « expédition archéologique», ou pour donner un peu de matière à un biographe improbable, curieux métier qui deviendra probablement caduque à cause des médias sociaux.

Quand ça sera possible, je daterai le texte, au pire une période. Juste pour donner le contexte. Je fais cet exercice surtout pour moi, mais ce blogue est une excuse pour le faire maintenant, un exercice public de dépoussiérage de mots qui jusqu’ici dormaient paisiblement. C’est une manière de m’alléger un peu, d’enlever une première couche de poussière et de peinture écaillée. Un ménage d’automne en préparation pour un hiver d’écriture. Une manière de stimuler l’écriture alors que je sens une fatigue politique m’envahir. Je suis las de m’entendre parler des mêmes sujets. J’ai besoin de prendre congé de mes indignations.

L’appel de la fiction résonne dans ma tête ; des personnages, des dialogues, des histoires qui veulent se faire entendre, mais qui ne se sont pas encore rendus au bout de mes doigts, enfouis loin à l’intérieur de mon crâne, me montant parfois à la tête d’une manière assourdissante, comme un acouphène narratif.

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Cahiers épars, cahier perdus. #1

Un minuscule cahier brun à dorure acheté à Montréal le 25 décembre 2008. Ou peut-être l’ai-je reçu en cadeau. Dans ce cahier, quelques confessions émises et reçues, une idée de pièce de théâtre sur la mémoire, et une idée de personnage, l’homme de Newton (inspiré de Sir Isaac Newton). L’homme de Newton vit dans le monde physique qui est assujetti aux contraintes décrites par Newton – la gravitation. Je pense qu’il y a en moi un « Homme de Newton » comme il y a en chacun de nous les traces d’un « Homme de Cro-Magnon ». Parfois le monde électronique me semble hostile et étranger alors que le monde physique me semble rassurant et familier. J’aime le bois, la laine, le cuir, les instruments acoustiques, le gibier, les vieilles céréales, le fromage, le métal, le verre, le papier et la porcelaine. J’aime aussi qu’une des théories de Newton ait été vérifiée sur la lune (Apollo 15).

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Le cahier ouvre sur un constat : « Je ne connais pas la signification du mot CHRESTOMATHIE ». Je n’ai aucune idée où je l’ai lu… En cherchant, j’ai trouvé ça : https://www.google.ca/search?q=chrestomathie&ie=utf-8&oe=utf-8&aq=t&rls=org.mozilla:fr:official&client=firefox-a

Quels livres composeraient une chrestomathie du français parlé au Québec à l’usage des gens qui veulent apprendre à le parler?

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Plus loin, dans une autre encre, probablement plus récent – 2010, 2011 – quelques mots :

« Idée

Idéalisme

Idéologie

Idéocratie

Idéocrité. La médiocrité des idées. »

Je vais m’attarder sur ces quelques mots et élaborer.

Le mot idée est connu de tous, c’est un mot simple qu’on apprend tôt et qui est assez ouvert de sens. Il y a de bonnes et de mauvaises idées. Il y des idées courtes et obtuses, il y en a des grandes et complexes, de vieilles et de nouvelles.

Il y a aussi le romantisme de l’idée – l’idéalisme – habituellement on en fait preuve en regardant au loin, le vent dans les cheveux. On peut se le faire reprocher, en souffrir ; ça peut être contagieux.

Et puis il y a l’idéologie. Ça rapetisse déjà un peu le spectre. On sens la restriction, la contrainte mentale, la volonté de limiter le débat. Alors que la cécité intellectuelle de l’idéalisme est naïve, celle de l’idéologie est volontaire.

Ça se gâte avec l’idéocratie : l’idée au pouvoir, qui peut aboutir en dictature d’une idée. On n’est plus dans le domaine intangible ; ça se traduit habituellement par des pratiques psychopathiques ou barbares, une sclérose humaine déguisée en avancement de la civilisation. Ça porte souvent des grosses bottes et des matraques, sinon des armes à feu. L’une des pires idéocratie à naître sur cette modeste planète est le système actuel de capitalisme néolibéral sans réglementation qui prétend que la croissance économique est une vérité universelle que nous devons respecter et défendre ; rien ne doit la contraindre. Les tenants de cette idéocratie sont parfois en haut de la pyramide de profits et de l’exploitation, ils exercent un certain pouvoir politique ou économique, mais ils ne sont pas seuls. Ils sont aidés par ceux qui tapissent les ondes médiatiques d’un tissus de bêtises pour continuer de justifier le maintient de cette idéocratie.

Ces serviteurs font preuve d’idéocrité ; ils perpétuent la médiocrité d’un idée.

Ils savent qu’ils ont tort ou ils pêchent par autofiction : ils y croient. Pourtant ils sont suffisamment intelligents pour comprendre les faits et les conséquences funestes de ce système dont ils font la promotion, mais ils continuent de défendre leurs idéocrates parce qu’ils bénéficient de quelques privilèges en échange de leur allégeance à l’idéocratie et de leur pratique intense de l’idéocrité.

Je n’ai aucune tolérance envers les idéocrates et leurs pions.

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Chassez le naturel, et il revient au galop… Voici où neuf mots écrits dans un cahier peuvent mener. Je peux maintenant rayer ces pages et passer à un autre cahier.