Il y a trois ans, j’ai publié un texte qui m’a un peu échappé, qui s’est promené un peu partout et qui a été le début d’une grande discussion avec mes concitoyens, mes amis, quelques détracteurs : Lettre ouverte aux autres humains. Avec tout ce qui nous est arrivé depuis l’automne 2011, je voulais humblement vous relancer la balle, question de ne pas trop s’engourdir.
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Je. Nous. Tu. Il. Elle.
Je vous parle et je le sens. Cette impression d’être dans un cul-de-sac.
C’est assez clair depuis quelques mois et ce ne sont pas les derniers soubresauts avant la rigidité cadavérique du PQ qui vont changer quelque chose. Ça a commencé bien avant les dernières élections. Ça fait trois ans qu’on se secoue, qu’on s’élève et qu’on retombe, parfois à bout de souffle, d’autres fois à bout de nerfs.
Je pensais qu’on s’était réveillé. Vraiment réveillé. Le gros réveille-matin Big Ben ! Coup de taser matinal, de catapulte à dormeur, debout avec le cœur qui bat à nous casser les côtes, la gorge en feu. Réveillé.
Je pensais qu’on s’était réveillé de ce cauchemar, mais ils nous ont endormis une fois de plus.
Il restait un demi-espoir, mais on a passé 18 mois à regarder un naufrage annoncé ; une telle incompétence déployée qu’on en vient à se demander pour qui elle travaillait, la Première. Parce que personne ne lance pareil navire sur des récifs les yeux fermés. Le naufrage du parti, ce n’est quand même pas une plongée dans l’abime pour la province, mais l’alternative s’est contentée de rester dans la marge.
J’étais orphelin politique bien avant le tragique soir du 4 septembre 2012.
Je me fous des partis politiques. Je n’en veux plus. Je ne voterai plus jamais pour un parti politique. Seulement pour des individus qui se font la voix des citoyens devant les instances du pouvoir. La voix des citoyens, pas La Voix à la télé…
Il y a tellement de bonnes personnes autour de moi, de gens intelligents. Beaucoup sont tétanisés dans l’inaction. On n’est pas dénué d’intelligence pourtant.
À tous les six mois, un gizmo deux fois plus puissant qu’avant.
À chaque semaine, des découvertes étourdissantes en science qui repoussent les limites de la connaissance humaine.
Régulièrement des idées nouvelles et anciennes échangées sur les réseaux sociaux pour mieux vivre, en réduisant notre empreinte écologique, en harmonie avec la nature.
Pendant ce temps-là, il n’y a pas un politicien pour se lever, pour faire preuve de vision et s’attaquer réellement aux problèmes qui nous étouffent : la circulation à Montréal, le pillage de nos ressources naturelles, le cul-de-sac dans lequel les compagnies privées et le Canada veulent nous maintenir.
On nous baratine la grande déclaration du petit chef des bâtisseurs, chauffeur de yacht aux longues amitiés, comme si ça avait encore un sens. Le vrai pouvoir est déjà rendu ailleurs, à organiser la vente à rabais de nos réserves naturelles, à dire oui-monsieur et faire des courbettes aux cowboys de l’Ouest venu transiter leur pétrole chez nous, tuer quelques baleines qui sont dans le chemin et s’en aller vendre leur pétrole ailleurs au plus offrant.
Nous ne sommes plus des porteurs d’eau, nous sommes des porteurs d’huile ; l’eau du fleuve Saint-Laurent ne sert que de véhicule, de dépotoir et de soupe à bélugas. Quand on écoute les crapules de l’Ouest nous donner le petit lait des promesses d’emplois comme autant de carottes à colonisés, on oublie presque un moment qu’il y a un PDG d’une compagnie de l’Alberta qui veut souiller le Québec pour se construire une plus grosse piscine chez lui, loin de notre fleuve. Les cowboys ne sont pas les bienvenus au Québec et que les descendants de trappeurs que nous sommes savons encore comment tendre des pièges à ours.
Si on passait moins de temps sur des petites guéguerres de clocher, on pourrait se concentrer sur ce qui nous fait mal collectivement, sur ce qui nous nuit, nous étouffe, nous suce le sang.
En moins d’un an, le Québec est devenu le terrain de transit de tout le pétrole de l’Amérique du Nord : après la tragédie de Lac-Mégantic, massacre programmé par les dérèglementations canadiennes et l’insouciance des pétrolières du Dakota, on a maintenant droit aux trains de pétrole des sables bitumineux vers les bateaux de Sorel, auxquels s’ajoutent les oléoducs 9B de Enbridge et Énergie Est de TransCanada.
Quand avez-vous entendu le premier ministre, ou le ministre des Ressources naturelles dire combien ça va nous rapporter collectivement. D’un côté la colonne des revenus, taxes, impôts et de l’autre la colonne des dépenses, infrastructures, nettoyage de déversements. Pas un chiffre n’a été rendu public pour donner un portrait global, un calcul d’entrepreneur de base qui ferait ses devoirs pour ses actionnaires, on n’a droit à des mots vides de politiciens : création de richesse, développement économique, emplois… Avec le nouveau règlement sur l’eau, les lignes directrices pour la fracturation hydraulique, et l’empressement de laisser construire les oléoducs, il devient clair que les Libéraux n’ont pas l’intention de travailler pour les citoyens. Ils vont seulement répondre à leur carnet de commandes électorales, dont vous et moi continuons d’être exclus.
Lors des abus policiers du printemps 2012 et du printemps 2013, le SPVM et la SQ ont prétendu que le recours à la force, aux armes non létales (celles qui ont cassé des dents et crevé des yeux), se faisait en suivant une progression logique de recours à des méthodes de plus en plus robustes en réponse aux actions prétendument plus violentes des manifestants.
Les citoyens du Québec devraient s’en inspirer parce que nous entrons dans une nouvelle saison. Il est temps que les citoyens prennent un moment de réflexion et explorent tout le spectre des actions qui sont à leur disposition.
Le vote n’a pas été efficace.
Les lois ne fonctionnement pas, souvent parce que le gouvernement refuse de les appliquer.
Les forces de l’ordre sont serviles et, maintenant qu’elles luttent pour leurs régimes de retraite, elles se retrouvent entortillées dans leurs paradoxes, pris entre l’écorce du gouvernement d’austérité et l’arbre des citoyens dont ils souhaitent la sympathie.
Il nous reste à lutter, et donc adapter nos moyens à ce mur qui se dresse devant nous, ou fléchir et les laisser faire.
J’étais en dormance depuis quelques mois, occupé comme vous à gagner ma vie, mais je n’ai pas changé d’avis sur l’urgence d’agir collectivement. J’ai toujours espoir, de « lespouère* », comme dirait l’autre, parce que malgré toutes nos faiblesses et insuffisances, notre humanité nous unit. À nous de bâtir sur ce qui nous rend plus fort et de combattre ce qui nous affaiblit.
Je vous souhaite un automne libre, chaud, fort et plein d’espoir.
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Dans les prochaines semaines, je reprendrai ce blogue plus régulièrement en suivant deux axes précis : l’action citoyenne et les défis que le pétrole pose au Québec. J’ai commencé une série de chroniques à la radio CIBL qui continue les 16 et 30 septembre, et le 14 octobre. Le documentaire que je produis sur l’exploration pétrolière au Québec sortira cet automne. Titre à confirmer.
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« Lespouère », de Moïse Marcoux-Chabot est un superbe court-métrage tourné en Gaspésie avec le poète/slameur Bilbo Cyr. Le film a remporté le Prix Desjardins lors du Festival de cinéma Les Percéides la semaine passée. Je ne me lasse pas de le voir. J’ai très hâte à la prochaine projection. Je vous le recommande.
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Merci de ce texte coup de poing. J’ai l’impression en vous lisant d’entendre de nouveau la chanson de Desjardins, les Yankees…
« Il nous reste à lutter ». La seule direction, la seule option possible. Valable.