Personne n'a vu, ni entendu, le concert que Jeune Chilly Chill (Xavier Constant) donnait il y a quelques semaines au Maysen Pub dans le cadre du OFF du Lac. Personne sauf Yann Godbout (l'organisateur du OFF), Heatdub (un rappeur/producteur de Richmond qui officiait en première partie) et son crew, le chauffeur de Jeune Chilly Chill, le personnel du Maysen Pub et moi.
Ah oui, il y avait aussi la blonde d'un des membres de la bande de Heatdub dont la présence légitimait borderline la dédicace d'un des emcees: «This one is for the ladies…the lady…» Pouet, pouet, pouet…
Rejoint sur scène par son fidèle hype man Maître J, avec qui il forme également NSD (NulSiDécouvert), Jeune Chilly Chill a fait preuve d'un réel dévouement (fallait quand même le faire le show!) Et quand j'écris scène, c'est vraiment pour la forme, parce qu'il n'y a pas, à proprement parler, de scène au Maysen Pub. Qu'un plateau sur lequel la clientèle du bar s'agglutine les soirs achalandés. Un comptoir sépare même les artistes de la foule (lorsqu'il y en a une). Chill et J s'en sont d'ailleurs servis pour bouffonner en s'y accoudant afin de livrer quelques-unes de leurs rimes, comme s'ils étaient débarqués à Sherbrooke simplement pour prendre un verre, pénards.
Pause onomastique
Discuter avec Jeune Chilly Chill est une curieuse expérience. Il y a d'abord ces immenses lunettes portes patio brunes qui captivent. Puis le problème du nom; je ne crois pas l'avoir deux fois interpellé de la même manière de toute la soirée. J'ai risqué:
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«Hey Chill», façon sur le corner.
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«Hey Jeune», façon paternaliste.
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«Hey Xav», façon ti-cul.
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«Eille Constant», façon rurale.
Le gars ne s'en est pas formalisé. Merci beaucoup.
Fin de la pause onomastique
Souvent associé au courant rap champ gauche, salace dans la rime et électro dans le beat, des Omnikrom, Payz Play, Obscene Kidz et cie, Jeune Chilly Chill est pourtant une des rares artistes de ce groupe à obtenir l'assentiment, du moins le respect, d'un public hip-hop pur et dur, sans doute grâce à sa versatilité et à sa connaissance enclyclopédique du hip-hop qui lui permettent d'insuffler une bonne dose de fantaisie aux lieux communs du genre. Chill peut autant, par exemple, disserter sur son allure chétive (130 livres), décocher un pamphlet haineux à la police dans la plus pure tradition N.W.A. (F*** les coches!), faire le récit d'un accès de lubricité devant Bons Baisers de France («J'ai le goût de f******» demandait-il à la "foule" de scander) ou traduire le Gold Digger de Kanye West (P****e à cash). Une soirée coiffée d'un savoureux lapsus: «merci d'être venu à notre show FUBU, For Us By Off! (plutôt que For Us By Us, pour nous par nous)»
Gentlemen, et en l'absence de groupies, les gars m'ont invité "backstage", c'est-à-dire dans le bagnole de Pierre, le chauffeur attitré, stationnée devant le Well Pub pour une séance d'exploration de son iPod et de dégustation de cigarettes Popeye. Le déconnage était de mise après avoir discuté d'Aristote sur la terrasse du Maysen avec Maître J, intrépide homme s'y étant assis jambes croisées sans craindre les représailles physiques, prof de philo au cégep de son état, fort probablement le emcee le plus lettré du Québec (à moins que vous considériez toujours Lucien Francoeur comme un rappeur). Il faut prêter l'oreille à son premier maxi L'Apprentissage de Maître J au www.myspace.com/maitrejmontreal
Tout ça s'est terminé dans la cuisine d'un 3 1/2 de l'arrondissement Mont-Bellevue autour d'une bouteille de whisky et d'une pizza sherbrookoise commandée chez Mivan au son de Snoop Doggy Dogg. Ne manquait que le bling-bling, les Afro-Américaines en string et des billets verts qui virevoltent pour avoir un clip. Aurait aussi fallu que je me tasse du portrait. Faux, Chilly Chill est un apôtre de l'inclusion; je chéris sa promesse de me laisser fouler les planches avec lui lors de sa prochaine prestation pour une séance de flanage scénique en règle digne des grands concerts hip-hop durant lesquels frangins, soeurettes, grand-papa et vieux amis soutiennent de leurs muettes présences (sur scène, oui, oui) le proverbial ego démesuré du emcee. Regardez mon crew!
Preuve que Jeune Chilly Chill est parmi les artistes les plus prometteurs du hip-hop québécois, on lui a confié la première partie du verveux rappeur hexagonal Oxmo Puccino (Black Jacques Brel le surnomme-t-on). Ça se passe aux Francos ce soir. En attendant son premier album Chillage Extrême à paraître cet automne, on peut toujours télécharger son mixtape Swaggalicioso au www.myspace.com/chillmastax