«Prends-en man, c'est là pour ça!» Daniel "mets-en, mets-en, mets-en" Boucher dépose une all-dressed x-large achetée chez Mivan sur une table de la terrasse du Liverpool. La fin du premier jour d'enregistrement de Bons Baisers de France à Sherbrooke (lundi 24 août) auquel il participait sera princièrement célébrée. Et le chanteur est un homme de goût: c'est de vino que l'on arrose la grosse pointe graisseuse, un accord met-vin que le guide Phaneuf ne répertorie toujours pas. Qu'à cela ne tienne, Laura, la serveuse, ne lésine pas sur le protocole et procède à chacune des étapes d'approbation de la bouteille avec la diligence d'une diplômée de l'ITHQ. Les commandes reçues, toute la tablée (David "notre chef musical" Laflèche, François "le postier à quatre cordes" Plante, Dominique "recherchiste étoile" Mauffette, Roxanne "pas secrétaire particulière, secrétaire de production" Duclos et Yann "pourquoi t'es dans la lune" Perreau) – «Santé!» – trinque. Le bruit des verres se cognant les uns contre les autres résonnent longuement dans un centre-ville de Sherbrooke déserté.
Hit music only
La soirée avait commencé là ou elle débute rarement: les nouveaux studios de NRJ 106,1, envahis par une horde de curieux à l'occasion d'une journée portes ouvertes. Je devais rejoindre Yann Perreau qui y offrait une courte prestation et à qui j'avais proposé d'assister à Bons Baisers de France en ma compagnie. «Avez-vous vu Yann Perreau?», que je demande à une des bénévoles dont le regard s'illumine à la simple mention du chanteur/éphèbe. Pas de Perreau en vue. «Il est parti rejoindre quelqu'un en ville.» Quelqu'un en ville, ça me ressemble drôlement. Sans le cell que je suis, on me fait monter au deuxième étage pour que je tente de retracer mon homme. Je passe quelques coups de téléphone dans un concert d'onomatopées de visiteurs éhabis et de succès de Flo Rida martelés à un volume qui mériterait une amende (à Granby le dimanche du moins). «Merci beaucoup, je l'ai trouvé.» Perreau est au Tapageur. Faut que j'me pousse d'ici avant que l'on me fasse gagner un t-shirt ou une casquette. On me retient par la manche.
Le gars de la radio, avec sa voix d'en direct de chez Brault & Martineau: «Avant que tu t'en ailles mon homme, dis-nous c'est quoi ta station préférée…»
Du haut de la King: «Je sais pas…Radio-Canada? CFAK?»
Le gars de la radio, avec sa voix de Jacques Fabi (ex-ours mal léché de la ligne ouverte nocturne): «Fais donc un effort criss, tu viens d'utiliser notre téléphone le jeune!»
Du haut de la King: «Ok, ok…j'écoute [soupir] N [soupir] R [soupir] J 106,1, hit music only! Mais veux-tu me lâcher là, les t-shirts que je porte, je me fais un point d'honneur de les payer de ma poche.»
Les Îles dans la tête
Une assiette découverte mer (Perreau), un steak-frites (Du haut de la King) et quelques pintes (les deux) plus tard (fin de la parenthèse Guide Restos Voir), nous quittons le Tapageur et arpentons la Wellington Nord, direction télévision. Assis en demi-cercle autour de l'abreuvoir devant l'Hôtel de ville, les coffee shop kids de la Well errent comme à tous les soirs, Bons Baisers de France à Sherbrooke ou pas. Fred "la belle grande blanche" raconte à Yann avoir assisté à un de ses concerts du début de l'été aux Îles-de-la-Madeleine. Les deux semblent se repasser mentalement les Îles, unis par quelque chose d'unique comme deux born again. «C'est ça que ça fait les Îles», m'explique Fred. Perreau acquiesce avec un sourire de pêcheur.
Assis devant la vitrine du restaurant le Bouchon pour le deuxième enregistrement de la soirée (23h), France Beaudoin, là-bas derrière son bureau, semble loin loin loin. Heureusement que deux écrans de chaque côté de la scène retransmettent l'émission. Les plans rendus par la caméra qui surplombe la foule donne l'impression que 10 000 personnes sont massées sur l'esplanade de la Saint-François quand, en réalité, il y en a tout au plus 350. France, généreuse, offre un petit mot aux spectateurs à chacune des pauses publicitaires avant de rendre la parole à l'animateur de foule, sérieux candidat dans la catégorie «animateur de foule le plus abrutissant de l'année» au prochain gala des Gémeaux. Le Éric Salvail des pauvres s'adresse au public comme un chirurgien qui essaie d'être rassurant: «ok les amis, il ne reste qu'un dernier bloc d'entrevue et après c'est fini.» «Ok monsieur Tardif, on remet votre rein à sa place, on vous recoud et après c'est fini.»
Une toune à un bras?
2h45, gros débat sur la terrasse du Liverpool. Les haut-parleurs crachent Pour some sugar on me, «la plus grande chanson avec un batteur amputé», allègue-je en jouant du air drum un bras dans le dos pour pasticher celui de Def Leppard.
David "notre chef musical" Laflèche: «Y'avais-tu déjà perdu son bras sur cette toune-là?»
François "le postier à quatre cordes" Plante: «Ouais, c'est sur Hysteria, le premier album de Def Leppard à un bras. L'autre d'avant, c'est Pyromania.»
Laflèche sort son BlackBerry ou son iPhone (un bidule qui tient dans la paume de la main et qui permet d'accéder à Internet en tout cas), à la recherche d'une confirmation sur Wikipédia. «C'est-tu Joe Elliott le drummer? C'est-tu Steve Clark?» Finalement – on prend des notes à la maison – le nom du célèbre batteur amputé de Def Leppard est Rick Allen, son dernier album à deux bras s'intitule Pyromania (1983) et son premier album à un bras, Hysteria (1987). Nous dormirons mieux. Puis Laflèche me ramène à l'ordre sur une autre date importante du rock '80: Appetite for Destruction de Guns N' Roses a été lancé en 1987 et non pas en 1989 comme je le croyais. Remis dans le droit chemin, je peux air drummer la fin de Pour some sugar on me en toute quiétude.
Puis, cependant que Daniel "mets-en, mets-en, mets-en" Boucher fume menthol slim sur menthol slim, David "notre chef musical" Laflèche se confie sur sa fascination pour Alain Lefèvre, Yann "pourquoi t'es dans la lune" Perreau raconte avoir envisagé faire irruption au beau milieu de l'entrevue de son vieux chum Dan Boucher un peu plus tôt sur le plateau de BBDF, François "le postier à quatre cordes" Plante ne cesse de s'étonner que la société d'État lui paie une chambre au Delta et Dominique "recherchiste vedette" Mauffette me demande qui je suis. Échiné par toutes mes pérégrinations, je peine à entretenir la conversation et me contente de pester lorsqu'elle évoque Sébastien Diaz qui animera bientôt le magazine culturel Voir sur les ondes de Télé-Québec. «Une belle gueule, du charisme, une bonne plume, un show de tv et Bianca Gervais comme blonde, moi je trouve que c'est beaucoup de bonheur pour un seul homme.» Le lendemain, je téléphone presque au Delta question de me reprendre et d'inviter Dominique pour un verre, invétéré rêveur que je suis, mais je flanche, invétéré poltron que je suis.
«Va donc t'r'coucher!»
Le lendemain matin (mardi), Daniel "mets-en, mets-en, mets-en" Boucher donne une journée de promotion en vue de son spectacle du 12 septembre au Vieux Clocher de Sherbrooke. La mine patibulaire, j'arrive au Caffuccino pour l'interviewer (vous pourrez lire le compte-rendu de notre discussion très bientôt ici) à 11h20, lui est là depuis 9 heures, jovial comme un poupon que l'on chatouille. Nous nous sommes pourtant couchés à la même heure. Le problème avec les gens du spectacle: ils sont toujours beaux, même dans la vraie-vie-pas-de-maquillage. «Va donc t'r'coucher», qu'il me lance à la fin de notre entretien, soucieux de ma santé. Mets-en, la télé c'est éreintant.
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