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Las Vegas avec Sylvain Cossette (Dans l’accotement)

«Taxi Sherbrooke?» «Coin McManamy-Belvédère s'il-vous-plaît.» 20h20, le concert de Sylvain Cossette débute à 20h30 pile au Centre culturel de l'Université de Sherbrooke, le genre de salles où l'on n'a pas le temps d'en boire une petite avant que le spectacle ne débute. L'espoir de tomber sur un chauffeur qui a pris la série de films Taxi pour un défi et qui enverrait paître Samy Naceri.

«Par quel chemin voulez-vous passer?», demande-t-il avec son accent serbe à couper au couteau. «Je ne sais pas, je vous truste.» Attend-il que je lui donne le droit de me rider? Il opte finalement pour la rue Dunant, le grand tour par-derrière l'Université en longeant le parc du Mont-Bellevue, le chemin qui m'est le moins familier. Plongé dans la noirceur, seuls l'horodateur et le nouveau terminal de répartition des appels (ayant récemment relégué aux oubliettes le bon vieux cb et la litanie du répartisseur) brillent, dans l'automobile s'entend. Parce qu'à l'extérieur: «Regardez à droite, la vue est très belle. C'est pas Las Vegas, mais quand même…» On connaissait le chauffeur de taxi-analyste de hockey et le chauffeur de taxi-conteur, pas encore le chauffeur de taxi-guide touristique.

Au casino

Sherbrooke, pas Las Vegas? Faux, au Centre culturel du moins, en ce soir de concert digne du cabaret d'un casino: 70's de Sylvain Cossette. Une impression d'abord créée par le décor, un grand écran, Lite-Brite pour adultes, récupéré de la vente de feu d'Elvis Presley, qui domine la scène. L'homme à la voix de rossignol débute avec Carry on wayward son, puis enchaîne avec Stuck in the middle with you, I want you to want me et un pot-pourri de The Police.

Spectacle de casino, de la même façon que Frank Sinatra ou Elvis ont pu donner, à une certaine époque, dans le spectacle de casino, blagues et échanges scriptés avec les musiciens – de bon aloi – faisant partie intégrante du concept. Contrairement aux autres propositions nostalgiques du genre comme Rock Story où le chanteur Jean Ravel calque la pause des grandes bêtes de rock, sexuées au possible, comme Freddie Mercury et Robert Plant, ou la posture du lézard de Morrison, Cossette incarne, guitare au cou, l'image du bon père de famille.

Même commentaire en ce qui concerne les spectacteurs, très bon chic bon genre chez Cossette (on doute qu'ils aient été de grands rockeurs dans leur jeune temps), tandis que ceux de Rock Story faisaient tout en leur pouvoir (hurlements, pas de danse, signes de devil) pour que l'on comprenne qu'ils avaient usé Frampton comes alive! à la corde, du temps qu'ils avaient tous encore leurs cheveux bien sûr. Pour ces derniers, Rock Story est un efficace pis-aller. Les fans de Cossette, eux, viennent entendre l'interprète davantage que le répertoire.

Mélanie, 12 ans

J'ai une tante dont la photo de profil sur Facebook la montre en compagnie de Sylvain Cossette et je suis convaincu que devant la possibilité de poser avec Roger Waters, Elton John ou Mick Jagger plutôt qu'avec l'ex-leader de Paradox, la réflexion serait courte, que la vedette locale emporterait sa faveur.

Mélanie, elle, ne se poserait même pas la question. Sur son mur, plein de photos de Sylvain Cossette découpées dans les magazines que sa mère achète toutes les semaines. Quand, le 12 juin dernier, jour de ses 12 ans (année chanceuse), ses parents lui offrirent des billets pour le spectacle 70's de son idole, Mélanie ne put réprimer un: «vous êtes les meilleurs parents du monde!» 

Dans la file pour le bar du Centre culturel, durant l'entracte du dit spectacle, le grand soir, Mélanie, toute menue, enlace son père, un sosie de Marcel Aubut. Sylvain Cossette est à la hauteur des attentes de la pré-adolescente dont c'est un des premiers «vrais» concerts (Arthur l'aventurier, ça compte pas vraiment). Le petit frère, 8 ans, l'imite ensuite pendant que maman paie les thés glacés pour toute la marmaille. Papa lui s'offre une bière, bien mérité. La vie est belle.

Rock en veston

Quelques heures plus tard, au bar le Saloon, rue Dufferin, Du haut de la King n'a pas manqué de se vanter d'être le seul blogue à couvrir, le même soir, Sylvain Cossette et les Bébés Requins. Les réactions de ceux qui l'apprenaient oscillaient entre l'indifférence et la poussée de vomissement. Bienvenue dans l'underground.

Toute une grosse Laurentide, ç'a été le temps nécessaire pour trouver un point commun aux deux artistes: le veston. Coupe candidat à Occupation Double du côté de Cossette et de ses musiciens, coupe Gainsbourg 1968 du côté des Bébés Requins.

Toute la famille rock'n'roll (des v.i.p.: Alexandre Faribault, ex-Thanatologues, et Michel Alario, ex-Macchabées) était venue entendre les très contagieuses nouvelles chansons du sextet. Pas de titres en mémoire, mais le souvenir d'une Stéphanie, chanteuse à robe chasuble (je ne sais pas exactement ce que l'expression signifie, mais Laura Martin de La Tribune l'a déjà employé dans un article sur le groupe), promettant à sa co-vedette Louis Philippe De La Gagnon de l'enterrer vivant.

Réponse à Tony LoFi (guitariste): non, Sylvain Cossette n'a pas joué Search and destroy. Ni Lust for life. Même pas Walk on the wild side.