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Sherbrooke en ska-punk (trois historiettes)

1. Guttermouth et la boue

Parmi les grands mystères de la vie, l'intensité des mosh pits de Guttermouth, à mes yeux, demeure entier.

J'irai peut-être ce soir (9 septembre) aux Marches du Palais de Sherbrooke, tenter de comprendre la boue que mes vieux camarades ska-punk – Champagne, Arsenault et compagnie – crachaient en revenant complètement lessivés des prestations de la formation californienne au Warped Tour: «Man, c'est des o***** de malades!» (Moi, je préférais les petites scènes avec pas de mosh pit.)

J'ai même le souvenir de m'être ensuite mépris sur l'identité de Guttermouth, d'avoir été convaincu qu'il s'agissait d'un groupe hardcore, pour me rendre compte quelques mois plus tard en tombant sur leur vidéoclip She's got the look à 1-2-3 Punk, qu'il nageait dans les couloirs balisés du skate punk juvénile.  

Complètement lessivés, un euphémisme dans le cas d'une bande de gars qui, encore, crachaient littéralement de la boue, prostrés, la tête dans les mains toujours le souffle court, plusieurs heures plus tard dans le McDonald's de L'Ange-Gardien.

2. The Johnstones et le chignon

Le ska-punk brille rarement par son originalité. Il ne faudrait cependant pas sous-estimer sa force fédératrice.

Prenez Éliane, étudiante en commercialisation de la mode à l'UQAM. Croisée mercredi dernier au Téléphone rouge qui inaugurait sa saison automnale avec The Johnstones, la jeune femme en visite chez une amie étudiante à l'UdeS (première présence en sol sherbrookois), est un exemple de contenance et d'élégance. Dans le cadre de porte du bar/spectacles, la brune au look savamment négligée (savoir moduler son élégance selon les lieux que l'on visite est un art raffiné qu'elle maîtrise) racontait en grillant une cigarette son stage dans une maison de luxe parisienne, dont elle revenait tout récemment.

L'observer, quelques minutes plus tard, tentant de réprimer son envie de danser au son des Johnstones, était un spectacle en soi. Elle céda petit à petit à l'insistance d'un collègue de son amie, lui vrai fanatique de la formation originaire d'Ajax (!!!), Ontario. Timidement d'abord avec quelques petits sautillements devant la scène, le manteau toujours sur les épaules. Il faut préciser, à sa décharge, que The Johnstones, hybride entre les Backstreet Boys et Reel Big Fish, fait tout pour mettre le feu aux poudres: chorégraphies, doigts d'honneur (témoignages d'amour dans le milieu), singeries scatologiques, lignes de cuivres contagieuses, etc.

Puis, Éliane laissa tomber le manteau et remonta ses cheveux dans un chignon, tenu en place grâce à un élastique ordinaire, au-dessus de sa tête. Le ska-punk, 1; Éliane, 0.

3. Les Conards à l'Orange et le mur de la voisine

Vendredi de fin d'été, je monte les escaliers qui mènent à mon appartement. Presque chaque jour depuis le 1er juillet, je croise un nouveau voisin dans la cour intérieure, très Michel Tremblay. «Hey Frank, tu emménages à côté?» Charismatique chanteur des Conards à l'orange, Frank flâne sur un des balcons du bloc d'à côté. «Non, on vient faire la pochette de notre disque.» «Attend-moi, j'arrive.»

J'entre chez-moi me prendre une bière et traverse rejoindre le punk-rockeur. Deux graffiteurs tracent le logo des Conards sur le mur de cuisine de ma voisine qui sera ensuite photographié pour la couverture de leur album à paraître. Pas d'illusions générées avec Photoshop pour les Conards, aux exigences d'authenticité élévées, qui ont recours à deux professionnels et, l'essentiel, au bon vouloir d'une «fille que je ne connais pas tant que ça», dixit Frank, à peine installée et qui désirait repeindre son logis de toute façon.

À ce que je peux apercevoir de mon balcon, le logo des Conards orne toujours le mur de ma voisine. Ce don de soi (don de mur?) lui méritera sans doute un remerciement dans le livret du disque, bientôt sur les tablettes (lancement 3 octobre au Téléphone rouge). Nous pourrons déjà en entendre des extraits ce soir aux Marches du Palais; les Conards à l'Orange débutent la soirée Guttermouth. J'irai peut-être cracher de la boue en leur compagnie.

Les Conards à l'Orange