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Daniel Boucher, man! (Le 5 à 7)

Dans la série le 5 à 7, Du haut de la King rencontre un artiste ou une personnalité publique pour discuter à bâtons rompus de choses et d'autres autour d'un verre. __________________________________________________________________________

Première édition: Daniel Boucher, rencontré en avant-midi (décidément ce blogue est mensonger) au Caffuccino, rue King Ouest à Sherbrooke. L'auteur-compositeur-interprète mangeait des oeufs bénédictine, tandis que Du haut de la King étirait un latte sur lequel il comptait pour retrouver sa faconde légendaire (genre). La soirée précédente s'était terminée les quatre fers en l'air dans la rosée.

Au menu: souvenirs de Saint-Camille, Stone Temple Pilots, rénovation et honnêteté.

DHDLK: Faut que je te raconte quelque chose. J'ai déjà partagé la scène avec toi au P'tit Bonheur de Saint-Camille. J'avais quatorze ans et c'était quelques semaines après ton passage remarqué au gala de l'ADISQ. Tu avais invité une gang d'enfants à venir faire avec toi la chorégraphie qui clôt le clip de La désise. À la fin de la toune, tu avais dit: «c'est la première fois que je le fais juste avec des enfants», ce qui avait un peu blessé mon orgueil, tu comprends, à quatorze ans, se faire traiter d'enfant… Mais d'ailleurs, pourquoi tu faisais monter des gens du public sur scène?

Daniel Boucher: «Il y a quelque chose qui me dérangeait avec le fait d'être sur un stage. Plus haut. Je pense que c'était une façon d'essayer de briser ça. Quand on a commencé à jouer, je checkais tout le temps où les gars [ses musiciens] étaient. Des fois, le tech avait le réflexe de mettre mon micro en avant, pis les deux gars en arrière. Je les ramenais tout le temps. [longue pause réflexive] Paradoxe là, parce qu'en même temps, c'est mes tounes, c'est pas un band, c'est mes tounes, c'était mon nom, c'était ma face.»

Comment tu as vécu le fait d'avoir du succès avec une chanson un peu trash qui raconte l'histoire d'un bum comme La désise et que des enfants la chantent, l'adoptent?

«Est pas trash cettte toune-là. Non, est pas trash. Il y a quelque chose d'hyper-naïf là-dedans. Peut-être qu'ils ont accroché sur la dernière ligne. Y'a un hook

[Du haut de la King sort son exemplaire de Dix mille matins, le premier album de Boucher.]

«J'en ai fait d'autres depuis ce temps-là!»

Regarde, tu avais autographié le texte de Délire. Je me souviens t'avoir dit à l'époque que c'était ma toune préférée. J'ai réécouté l'album récemment et j'ai révisé mon jugement, là je pense que c'est Silicone ma toune préférée.

«Ça cette toune-là man, c'est inspirée d'une toune des Stone Temple Pilots du troisième disque, je pense que c'est du troisième disque ouais… Je te dis pas laquelle…» [Il s'agit peut-être de Big Bang Baby.]

Antoine Gratton t'accompagne à la basse dans ta tournée actuelle. Je t'ai entendu raconter en entrevue que tu l'avais appelé pour lui demander s'il savait jouer de la basse et qu'il t'avait répondu: «ça doit!» Qu'est-ce que tu penses de cette génération de musiciens qui maîtrisent tous les instruments?

«Moi je trouve que créativement, on est dans une bonne période. Depuis Le dôme, depuis Le dôme [de Jean Leloup]. L'approche a changé, on se demande un petit peu moins si c'est correct, on se demande un petit peu plus si on aime ça. Moi j'aime mieux cette façon-là de fonctionner.  [Boucher imite un réalisateur tatillon] "Il me semble que le kick [la grosse caisse] est pas à bonne place." Tu veux-tu faire de l'édition? Écoute les tounes des Stones man, écoute le drum, tu en as pour des années à replacer le kick!

Justement, ton plus récent disque, Le soleil est sorti, a quelque chose de plus cru, de moins poli que La patente, le précédent.

«La patente, j'avais beaucoup joué dedans, dans les pistes, beaucoup de job. Je suis habitué à ce que ce soit long et que ça fasse mal. Je connaissais pas ça autrement. Mais ça se peut que ça fasse pas mal! Ça se peut que tu enregistres ton disque en trois semaines. Pour Le soleil est sorti, David [Brunet, le réalisateur] savait que ça se passerait de même.»

Dans son livre Traces dans la sable, Pierre Flynn dit, je paraphrase, que l'on résiste toujours à écrire une chanson pour ou à propos de ses enfants, mais qu'on finit par le faire pareil. As-tu déjà hésité à écrire une chanson comme Mon soleil [sur l'album Chansonnier]?

«J'ai plus résisté à la chanson d'amour. Il y en a pas sur Dix mille matins. Sur La patente, il y a Petit miel, Hôtel. Ça m'a pris du temps avant d'assumer ces tounes-là. Des tounes de même, je voulais pas faire ça. Asteure, ça ne me dérange plus. Sur Le soleil est sorti, il y en a là, c'est quasiment juste ça, c'est quasiment juste ça. C'est des affaires par lesquelles on passes tous. À un moment donné, ça te dérange plus, tu assumes d'écrire ce qui t'arrives, ce que tu vois. Parce que c'est ça qui est, c'est ça qui existe. T'assumes de te servir de la matière que t'as.»

Quand tu écris une chanson aujourd'hui, est-ce que ça t'apporte la même satisfaction qu'au début?

«C'est pas pareil. C'est pas moins le fun, mais à 20 ans, j'écrivais une toune pis je me disais: "eille, elle va peut-être me sortir de la marde." Pas que j'écrivais pour pogner, c'est pas ça, j'espérais seulement faire un disque dans la vie, c'est normal. Là, je le sais pas. Je le sais pas man ce qui va arriver. Faut que je fasse un petit peu de ménage dans ma vie.»

Pourrais-tu arrêter d'écrire des tounes?

«Faudrait que je fasse autre chose. Je le sais pas man ce qui va arriver. J'ai des joints à tirer, j'ai de la peinture à faire, j'ai des portes à installer, des planchers à poser, des boîtes à défaire. La maison, c'est comme une métaphore de moi. Faut que je fasse de l'ordre dedans pis le prochain projet va me sauter dans la face. Je le sais pas ça va être quoi aujourd'hui, peux pas te le dire, mais je trouve ça excitant man. Ça peut être n'importe quoi. Je le sais pas.»

Pourquoi tu fais de la musique?

«Parce que j'aime ça point à la ligne. Ça me rend heureux. Il n'y a pas d'autres raisons, faut pas qu'il y en ait d'autres, faut pas qu'il y en ait d'autres. Je sais pas…je sais pas si je vais continuer…je sais pas ce qui va arriver. Je te le dis, je suis honnête. J'aime trop ça pour arrêter, c'est clair, mais je passerai pas ma vie à faire écriture, studio, promo, tournée, écriture, studio, promo, tournée. Non. Va falloir que quelque chose explose dans la structure. Ça peut être aussi le fun de chanter pour ton gars que de chanter pour 200 000 personnes, ça je le sais. Si je me rends compte que c'est ça qu'il faut que je fasse, c'est ça que je ferai.»

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Daniel Boucher est l'artiste invité de la Grande finale du Festival de la chanson de Granby, dont il est également le porte-parole, le 19 septembre, 19h30, au Théâtre Palace de Granby.

Il présentera son spectacle en formule power trio (avec Antoine Gratton et Sylvain Clavette) le 10 octobre, 20h, au Théâtre Palace de Granby.

Daniel Boucher