Il y a plusieurs Zac dans Zachary Richard: Zac l'Américain, le Français, le Québécois; Zac et ses complaintes de singer-songwriter, et son zydeco de Mardi gras, et ses duos avec Isabelle Boulay ou Céline Dion; Zac le poète, le militant, le cinéaste; Zac le fils de prolo, le mystique, le bricoleur de refrains fédérateurs.
Ils étaient presque tous là hier soir au Théâtre Granada alors que le natif de Lafayette, Louisiane, toujours gonflé d'orgueil par la victoire des Saints de la Nouvelle-Orléans au Super Bowl XLIV, offrait le spectacle tiré de son plus récent album (le premier en anglais depuis 15 ans), Last Kiss.
Le public, lui, était visiblement venu entendre les succès de la dernière période francophone de Richard et il ne l'a pas fait languir; incitiation à Pagayez en levée de rideau puis, disséminés tout au long de la soirée, Cap Enragé, Au Bord du Lac Bijou, Petit Codiac, La Ballade de Jackie Vautour et, en clôture, La Ballade de Jean Batailleur (clameur chez les spectatrices). Zac a aussi, pour amadouer l'hiver et la tempête de grosse-neige-à-bonhomme s'étant abattue sur Sherbrooke, chanté le personnage de Louis Hémon dans La Ballade de François Paradis (à ne pas confondre avec un certain animateur de télé).
Un spectateur comblé est un spectateur disposé. La générosité de Richard lui aura donc permis de créer avec les Dansé et Last Kiss, extraits moins connus de son dernier opus, des moments d'écoute recueillie, preuve indéniable de la puissance de sa prose en anglais comme en français. Et de créer tout un tintamarre en empoignant son accordéon pour un brin de zydeco (ou cajun rock comme il préfère le dire) et une danse des Écrevisses bien rigolote.
Les réminiscences pittoresques de sa jeunesse à la Nouvelle-Orléans offraient par ailleurs un contrepoint amusant à ses complaintes de dépossession, de colère muette et d'errance. Avec son hommage au roi du zydeco Clifton Chenier et à ses tournées mondiales (de Lafayette à San Francisco), les histoires de boisson de son oncle Cinquième et ses leçons culinaires sur les sandwiches aux pork chops (avec l'os, «parce que ça fait quelque chose à sucer dans la soirée»), Zachary Richard trace les contours de la mythologie intime de Zac le sage, que l'on écoute les oreilles grandes ouvertes quand il dédit sa Promesse cassée aux Haïtiens en nous rappelant que «la meilleure raison d'espérer, c'est qu'on ne sait pas comment ça va se passer.»
Le concert d'hier n'aurait pas été le même sans l'apport considérable du nouveau venu et cadet de la bande Jean-Philippe Lagueux (guitare), de l'envoutant Mario Légaré (basse) et de Paul Picard (percussions) qui, avec une foule de tambours, de shakers et de grelots, donnait des couleurs et mettait en valeur les mélodies comme rarement un batteur traditionnel y parvient.
crédit photo: Julien Faugère