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Michel Pagliaro: même blouson de jeans

J'ai un ami qui fait toujours la même blague au sujet de Michel Pagliaro: «Penses-tu qu'il a changé de coat de jeans depuis 10 ans? Penses-tu qu'il dort avec?» La boutade demeurerait anodine si le blouson de jeans de Pag n'était pas en fait une métaphore de sa carrière depuis quelques années: même répertoire, mêmes arrangements, même chevelure poivre et sel en brousaille.

Au Centre culturel vendredi dernier, la foule n'était pas imposante, mais certains des spectacteurs impatients/inconvenants suffisament en voix pour faire savoir à sa femme, Stephend, qu'ils n'étaient pas venus l'entendre, elle, en première partie (une attaque à laquelle la chanteuse a répliqué avec un long réquisitoire sur l'importance de faire la promotion de l'émergence, dont elle serait une des porte-étendards). Soulagement à l'arrivée de Pag trente minutes plus tard qui aura offert tout compte fait le même répertoire, dans le même ordre (à quelques interversions près), que sur le dvd Live à Québec mettant en vedette le virtuose guitariste Steve Hill, paru en 2005.

Hill absent (Éric Lapointe et Boom Desjardins l'ont piqué à Pag), les arrangements, avec leurs décharges de guitares hurlantes, demeurent presque inchangés. Deux efficaces musiciens tâchaient de combler le vide laissé par Hill, sans totalement le faire oublier, et offraient des versions "couplet-refrain-solo de guitare-couplet-solo de guitare-refrain-solo de guitare" d'un des rares vrais répertoires rock québécois, contenant une tonne de hits. J'ai marché pour une nation aura rarement autant sonné comme une chanson du MC5.

Façon de se moquer de son long silence discographique et de l'omerta entourant la création de son prochain album promis depuis des lunes, Pag se remémorait, sourire en coin, avant d'interpréter L'Espion: «Un succès de mon dernier disque, lancé il y a cinquante ans.» En vérité, Pag n'a rien offert de neuf aux disquaires depuis 22 ans. Avant de trop s'en attrister, allons réécouter les albums produits par les Rolling Stones dans les vingt dernières années. À mon sens, Pag a acquis le droit de faire le même spectacle jusqu'à la fin de ses jours. Seule condition: porter le même blouson de jeans délavé. Le Parrain mérite toujours génuflexion et baisemain.