«This could go a little long. Better call the babysitters and tell them you’ll be home late», annonçait d’entrée de jeu Tom Petty hier soir sur la scène du Centre Bell – sa première présence au Québec depuis 1981 – avant d’ajouter, un sourire narquois au coin des lèvres: «I guess by now she’s hanging out on your couch with a teenage boy».
Du Tom Petty tout craché que cette amicale vanne, balancée moins pour narguer cette foule pas exactement jeune en leur rappelant que leurs premiers émois d’adolescence, ceux du sexe et de la découverte du monde, étaient déjà loin derrière eux que pour nous ayons tous bien en tête qu’il n’y a rien comme le rock pour se jouer de l’emprise du temps. C’était en plein ça le projet de la soirée.
On ne pouvait néanmoins s’empêcher de songer que si la babysitter qu’évoquait Tom Petty fricotait effectivement avec un teenage boy pendant que ses employeurs sirotaient de la bière à 10$ le verre dans le temple du CH, la trame sonore de leurs «rapprochements» relevait sans doute plus du rap ou de l’EDM que du rock, cette musique en lente voie de fossilisation à laquelle la culture jeune a depuis longtemps tourné le dos. À moins que vous estimiez que Mumford & Sons ou Imagine Dragons appartiennent au rock; ce qui est votre droit le plus strict (dans la mesure où vous avez le droit de pensez des conneries). Nous assistons à la lente jazzification du rock, les amis, comprendre: le rock sera bientôt davantage un patrimoine qu’un genre réellement vivace.
Le spectacle donc? Grosse claque rock, c’est précisément pour cette raison, et non pas par nostalgie précoce, que j’évoque la lente marginalisation de cette ancienne musique de la jeunesse fringante, tombée en désuétude peut-être précisément parce que plus personne n’ambitionne comme Tom Petty de jouer ce que j’appelle du rock-pour-tous et d’arracher à une Rickenbacker des refrains fédérateurs.
Il faut dire que n’est pas Tom Petty qui veut; la légendaire voix nasillarde a toujours été un oiseau rare, authentique passe-muraille capable d’épauler Johnny Cash, Bob Dylan et Roy Orbison ou de tailleur sur mesure quelques tubes pour Stevie Nicks, leader futé qui en 1994 lorgnait du côté de Dave Grohl en tentant de le recruter comme batteur après la dissolution obligée de Nirvana.
Elles ont donc résonné fort dans le Centre Bell ces carillonnantes guitares, reconnaissables entre toutes, que Tom Petty et son partner in crime Mike Campbell ont impunément pioché il y a déjà près de quarante ans chez les Byrds (le rock encourageant le vol plus que toute autre forme d’expression populaire). Les Heartbreakers ont d’ailleurs débuté le concert avec leur version du frondeur hymne des Byrds So You Want to Be a Rock ‘n’ Roll Star.
Elles ont résonné les guitares; ils ont surtout résonné ces entêtants refrains d’une grâce quasi-vertigineuse, soulevée par la brûlante urgence des lignes d’orgue de Benmont Tench, parmi les plus fiévreuses de l’histoire du rock.
Modère tes transports Dominic, dites-vous? Certainement pas. Je devrais sans doute vous dire à ce moment-ci que, malgré mon naturel pacifique, j’ai déjà failli me battre dans un bar à cause de Tom Petty, à qui mon interlocuteur aviné reprochait ses refrains trop «faciles». De la «musique pour enfants», insistait-il (vous ne tomberez sans doute pas en bas de votre chaise si je vous précise que cet attachant personnage vouait une admiration sans borne à Sigur Ròs, un groupe qu’on a certainement jamais pris en flagrant délit d’essayer d’écrire un refrain fédérateur).
C’est vous dire à quel point j’entrais hier au Centre Bell comme on entre dans une église après un long pèlerinage. J’entonne en chœur les refrains de I Won’t Back Down ou de Runnin’ Down a Dream en plissant les yeux, aveuglés par ces miracles de mélodies, manifestations divines de ce que la musique pop peut éveiller de puissant quand on lui fait l’honneur de la prendre au sérieux, sans pour autant se prendre au sérieux.
Miracles, j’insiste, oui. Tom Petty est un des rares artistes devant qui je ne roule pas des yeux exaspérés quand il invoque en entrevue des forces intangibles afin d’expliquer comment il est parvenu à écrire autant de mélodies immaculées, comme il le faisait le mois dernier au micro Q de Jian Ghomeshi.
Nous ne rêvions pas hier soir: les Heartbreakers pour la première fois sur une scène montréalaise depuis 1981, enchaînant les Refugee, Free Fallin, Into the Great Wide Open et autre A Woman in Love (It’s Not Me), classiques parmi les classiques au travers desquels Tom intercalerait quelques-uns des riffs incendiaires (American Dream Plan B) de son récent et treizième album Hypnotic Eye, un vrai bon disque de rock (comprendre: il ne s’agit pas seulement d’un bon album pour un rockeur vieillissant).
«This could go a little long», annonçait Tom Petty d’entrée de jeu, et le briseur de coeur n’a pas manqué à sa promesse, offrant à Montréal la version en trois chansons de son rappel (il se contente de n’en jouer que deux dans certaines villes, si on se fie setlist.fm): You Wreck Me, (I’m Not Your) Steppin’ Stone manière Paul Revere and the Raiders et American Girl.
Si Tom Petty est bel et bien un des derniers représentants du rock-pour-tous, nous n’aurions pu rêver de plus grisantes funérailles.
J’ai vu au moins 200 show dans ma vie et celui ci était un des pire a voir et entendre. Le set up était pour une salle comme le métropolis, pauvre en décor et en matériel et que dire du son malheureusement médiocre. ET ET ET encore une fois a la billetterie ont nous fais croire qu’il n’y a plus de billet au plus haut niveau disponible alors que c’est completement faux. Ca marche puise que j’ai encore acheter plus cher plus bas.