Jérôme Dupras des Cowboys fringants, l'un des auteurs du Manifeste d'Élan Global
Du pétrole ma parole

Jérôme Dupras des Cowboys fringants, l’un des auteurs du Manifeste d’Élan Global

Jérôme Dupras, bassiste des Cowboys fringants et président de la fondation du même nom, signe le texte du Manifest d’Élan global en compagnie de Camil Bouchard, Dominic Champagne, Karel Mayrand, Gabriel Nadeau-Dubois, Éric Pineault, Annie Roy et Laure Waridel. 

VOIR : Le lancement d’Élan Global a eu lieu hier (7 avril). Comment ça va jusqu’à maintenant?

JD : 24 heures plus tard, on est très contents. Y’a eu beaucoup d’adhérents. Notre site a même planté parce qu’il y avait trop d’affluence. On est même contents d’avoir des réactions aussi intenses d’opposants à ce genre de manifeste-là, que ce soit des gens des chambres de commerce ou de l’Association des exportateurs, qui essaient de ridiculiser l’initiative. Je pense que ça démontre qu’on est vraiment pertinents.

VOIR : Pourquoi avez-vous choisi de vous impliquer directement dans Élan global? Vous faites partie des auteurs du Manifeste.

JD : C’est un intérêt personnel partagé par les quatre membres des Cowboys fringants. On est hautement interpellés par les questions environnementales et on ne pouvait pas passer à côté de la dynamique des changements climatiques et des débats qu’il y a autour. Ça se reflète dans notre musique depuis bientôt une décennie avec la chanson Plus rien sur l’album La grand-messe en 2005. Ça nous touche. On fait plein d’actions avec notre fondation dans cette dynamique énergétique-là. On fait des tournées vertes depuis 2008, c’est-à-dire qu’on réduit et compense toutes les émissions de cO2. En tant que citoyen aussi, mes trois collègues qui habitent dans la région de Lanaudière sont à un jet de pierre d’un pipeline donc dans leur qualité de vie, ça vient les secouer un peu. Ils n’ont pas envie de vivre près d’une station-service internationale. C’est des raisons qui nous ont mobilisés pour s’impliquer davantage. On a rencontré une amie de la Fondation David Suzuki à l’automne et on cherchait une stratégie avec d’autres intervenants et auteurs afin d’élever le débat. On ne peut pas à chaque fois aller essayer de se mobiliser projet par projet. Il faut essayer, en tant que société, de faire un choix éclairé sur l’exploitation ou non d’énergie fossile. Il y a beaucoup de désinformation qui est circulée depuis quelque temps, à savoir si on peut choisir la voie du pétrole, de l’énergie fossile et être une nation verte, ce qui est tout à fait faux. Le premier ministre dit souvent qu’il ne faut pas opposer développement économique et protection de l’environnement. C’est pas tout à fait faux, mais faut faire les bons choix et le choix du pipeline ou du forage, c’est pas un choix compatible avec une nation verte et durable. C’est ce qu’on essaie de dire. Si le Québec veut choisir la voie du pétrole, c’est des choix qui ont beaucoup de conséquences. On ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre.

VOIR : Donc Élan global s’inscrit vraiment dans la continuité des organismes et campagnes que vous et Les Cowboys fringants avez soutenus dans le passé?

JD : Oui et beaucoup aussi autour des actions qu’on fait nous-mêmes avec notre propre organisme, La fondation Cowboys fringants, fondée en 2006. Depuis les débuts, nous avons deux grandes missions qui sont la protection de la biodiversité, on protège les territoires naturels, et minimiser les impacts qu’on peut avoir. Ces impacts sont principalement au niveau énergétique et climatique. C’est un peu la suite de cet engagement de neuf ans dans la lutte aux changements climatiques.

VOIR : Le Manifeste est maintenant en ligne. Qu’est-ce que vous espérez accomplir avec ça et quelles sont les prochaines étapes?

JD : Il y a vraiment une vocation de sensibilisation citoyenne. On vise à créer un effet boule de neige avec ce manifeste, que les gens se sentent concernés par cette question et que dans le débat public, on parle des enjeux réels. On vise à diminuer la désinformation et on a plein d’actions qui vont dans ce sens, différentes sorties qui vont mobiliser des experts et scientifiques sur les enjeux économiques liés à ça. On cherche à se positionner dans le cadre des états généraux sur l’énergie du Québec, peut-être avec des états généraux en parallèle. Notre marche, où on souhaite la mener, c’est en décembre prochain. Il y aura la Conférence des parties à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques à Paris, où on va décider un peu la suite de Kyoto, donc la mobilisation internationale pour la lutte aux changements climatiques. Nous, on est représentés par le Canada qui est vraiment à la queue du peloton des états progressistes sur cette question. On aimerait que cette démarche-là puisse mobiliser assez de Québécois pour que la voix du Québec se fasse entendre à Paris, en leur disant qu’au Canada, on n’est pas monolithique, on n’est pas seulement des pro-pétrole, qu’il y a aussi des voix qui s’élèvent contre ça et des systèmes alternatifs. La preuve, c’est qu’on a notre marché du carbone depuis environ un an et demi donc on s’inscrit dans une lignée alternative, mais il faut la poursuivre et ne pas céder aux pressions et aux tentations de l’argent facile au détriment de la vie.