Fred Dubé : Un « écologissse » du 21e siècle

L’humoriste Fred Dubé détonne dans le paysage du stand-up, au Québec. Incisif et intelligent, son humour s’inscrit dans les débats et enjeux de la société d’aujourd’hui. L’homme et citoyen, lui, a signé le manifeste Élan global, marchera pour le climat le 11 avril, avant de monter sur la scène du Capitole en soirée pour le Climat Show.

VOIR : Pourquoi avez-vous choisi de vous impliquer directement dans la Marche Action Climat et le Climat Show, de même que pour le manifeste Élan global?

Fred Dubé : J’ai déjà fait des spectacles pour la Fondation Rivières, donc les organisateurs me connaissaient, connaissaient mon humour, et savait que mon humour était en lien avec les revendications. Ils m’ont donc invité pour le spectacle du soir.

De jour, la marche, j’y vais en tant que citoyen. J’ai aussi fait une vidéo promotionnelle pour la marche, avec Action Climat, comme plusieurs l’ont fait. La mienne était plus humoristique, pour lubrifier le tout. Je me paie un peu la gueule de ceux qui nous appellent les écologissses.

Et pourquoi j’ai signé Élan global? Parce que tous les gens les plus intelligents sur la planète Terre, sans intérêt particulier, nous disent qu’il y a deux choses qui mettent la civilisation humaine en danger: les inégalités de richesse et les changements climatiques. Évidemment, à ne pas confondre avec le réchauffement climatique. C’est souvent un terme qui est employé par les Éric Duhaime de ce monde et autres sbires à l’intelligence digne d’un protozoaire, pour discréditer ce qui se passe. C’est comme le politicien qui est arrivé à New York avec une balle de neige pour nous dire que le réchauffement climatique n’existe pas. Je ne fais que m’abreuver aux gens qui n’ont pas d’intérêt particulier – contrairement aux lobbyistes. Dès que tu te tiens un peu informé, tu te rends compte des combats qu’on a. Naomi Klein a aussi dit que l’écologie n’est pas soluble dans le capitalisme, donc voilà, tout ça est relié. L’écologie n’est pas un combat hors de la société. C’est très concret.

VOIR : Gabriel Nadeau-Dubois expliquait que les enjeux des hydrocarbures et de la protection du climat devait sortir un peu du mouvement écologiste et devenir une mobilisation citoyenne. Est-ce une affirmation qui vous interpelle?

FD : Tout à fait! Un des grands défis de la gauche, au 21e siècle, c’est de se réapproprier des symboles, de se réapproprier une rhétorique, et je crois que l’écologie est quelque chose sur laquelle on peut se baser pour repenser un mouvement de gauche. Je ne pense pas que tu puisses être à gauche et être anti-écologiste. Tu ne peux pas être un être humain et être anti-écologiste! À moins d’être bien équipé et d’avoir construit une navette qui est déjà en orbite autour de la planète et de t’appeler Guy Laliberté, avec ton île et ton Purell à volonté là-dessus. C’était quoi la question? (rires)

On ne peut pas penser de manière écologique et rester dans notre système faussement démocratique et notre économie de marché. Si tu repenses la société en filtrant tout ça, notre philosophie, notre idéologie, notre politique, notre démocratie, notre économie, à travers le filtre de l’écologie, on n’a pas le choix de faire des réformes majeures et radicales de notre façon de voir les choses. On ne peut pas juste faire “bon, je m’occupe de l’écologie sans toucher à l’économie”. Non. Comme Naomi Klein le disait, l’écologie n’est pas soluble dans le capitalisme, donc quand on parle d’écologie, il faut réformer l’économie. C’est la base, c’est le noyau.

VOIR : Selon vous, des démarches comme la Marche Action Climat ou le manifeste Élan global sont-elles un premier pas? Y a-t-il d’autres actions à entreprendre?

FD : C’est un des premiers pas. C’est de moins en moins marginal d’être écologiste. Mais il faut être cynique et de mauvaise foi pour dire qu’on ne changera pas le monde avec une marche, avec un manifeste. Ben non, c’est une goutte d’eau dans un mouvement collectif qui nous dépasse. C’est un petit électrochoc pour dire “on en parle encore, c’est encore vivant”. C’est comme un rappel. En plus, c’est un mouvement collectif avec des intellectuels, des écologistes, des artistes, etc. C’est donc un électrochoc de plus pour continuer le combat. Et pour faire une analogie qui a zéro rapport ici : mettre du gaz dans’ tinque des militants.

VOIR : En bout de ligne, avez-vous qu’espérez-vous accomplir? Avez-vous de grands espoirs fondés dans cette marche et Élan global?

FD : Oui, on n’a pas le choix. Dès que t’es révolté, t’as de l’espoir. Sinon, t’es en colère. Et en colère, t’es tout seul chez vous et t’écoute des DVDs. Quand t’es révolté, ça te tente d’être dans la rue, d’être solidaire. On a deux choix : soit tu y crois, soit tu n’y crois pas. Moi, j’y vais, j’avance. Que ça marche ou pas, ça ne m’appartient pas. Moi, ce qui m’appartient, c’est d’aller vers un idéal et j’y vais.

VOIR : Côté spectacle, préparez-vous quelque chose de spécial?

FD : Ce sera un numéro en lien avec ça. On aura beaucoup d’animation et de discours sur le sujet, mais moi, je vais faire un numéro en lien, mais pas directement, pour que ça ne devienne pas redondant. On s’adresse à des gens qui sont déjà sensibilisés, donc on n’a pas besoin d’en rajouter une couche. Je pense que c’est à ce moment-là que ce qu’on pourrait appeler «l’esthétique de la résistance» reprend une rhétorique plus terre-à-terre véhiculée par les intellectuels et autres, par le biais d’artistes, pour enrober le tout. Reprendre le discours, mais avec une forme de poésie et d’art. Donc ce sera un nouveau numéro, dans la veine de la thématique de la journée, qu’on retrouvera dans mon prochain spectacle.

Marche Action Climat : 11 avril à 13h – Départ devant l’Hôtel le Concorde, 1225 Cours du Général de Montcalm (Québec)
Le Climat Show : 11 avril à 19h30 au Capitole de Québec
Élan global : elanglobal.org