BloguesÉlise Desaulniers

Quand le patron s’invite à souper à la maison

À chaque fois, le « ding » annonçant un nouveau courriel faisait monter la peur en moi et pendant longtemps, je n’ai pas répondu au téléphone de peur que ce soit lui. Lui, ce n’est pas un ex envahissant, lui, c’était mon patron.

Quand je racontais à mes amis à quel point le travail m’empoisonnait l’existence, on me disait de prendre sur moi : « ignore-le, c’est juste une job, t’as besoin de vacances » ou encore me conseillaient de l’affronter « tsé, dis-lui que t’es pas d’accord ». À mes amis qui me parlaient eux aussi de leurs mauvais patrons, je servais les mêmes conseils.

Je n’aurais certainement pas dit à une copine qui vit une relation difficile avec son amoureux de l’ignorer ou de prendre des vacances. Lorsque nos soucis concernent les relations de travail, on a toujours tendance à vouloir dédramatiser, à vouloir faire passer les bénéfices que procure le boulot – l’argent, le statut social, la sécurité, les possibilités d’avancement – avant les coûts émotifs. Mais de récentes études pourraient bien nous faire changer d’avis. On y apprend qu’avoir une mauvaise relation avec son patron affecte non seulement notre performance au travail, mais aussi notre santé physique et nos relations avec nos proches.  Comme si le patron s’invitait à souper à la maison.

 

Effets contagieux

Avoir de mauvais rapports avec son employeur empoisonnerait son couple. Des chercheurs du Texas ont interrogé 280 employés et leurs partenaires amoureux. Ils ont découvert que ceux qui disent avoir un patron abusif ont tendance à aussi vivre des conflits à la maison. Plus le couple est récent, plus les dommages causés par les mauvaises relations de travail sont importants.

 

Cœurs fragiles, s’abstenir

Une étude suédoise nous a quant à elle appris que les travailleurs qui ont un mauvais patron risquent plus de subir une crise cardiaque ou de mourir d’une maladie cardio-vasculaire. Pour les chercheurs, un bon patron est quelqu’un qui a de la considération pour ses employés, leur fixe des objectifs clairs, a des attentes réalistes, communique, donne du feedback, délègue l’autorité, etc. Un mauvais patron ne démontrerait donc pas ces qualités. D’autres études viennent confirmer ces hypothèses, comme celles qui estiment que les employés qui se sentent traités justement courent un risque 30 % moins grand de souffrir d’une maladie cardiaque.

 

La vraie source de stress

On s’intéresse beaucoup au stress au travail alors que l’attention devrait davantage être portée sur les relations entre les employés et leurs patrons. Les employés qui se sentent soutenus par leurs patrons gèrent mieux les situations stressantes. En fait, la principale source de stress des employés ne serait pas la tâche elle-même, mais plutôt la pression de leur patron.

 

Le bonheur est dans nos relations

Dans son excellent essai The happiness hypothesis, le psychologue Jonathan Haidt cite Freud : toute personne devrait aspirer à pouvoir aimer et travailler. Le travail est non seulement un mal nécessaire, il est aussi nécessaire à notre bonheur. Comme l’amour, le travail nous met en relation avec des projets et des personnes plus grands que nous, et le bonheur vient de ces relations. Contrairement à ce qu’on voudrait bien penser, le bonheur n’est pas en nous. Les études en psychologie cognitive nous montrent qu’il est dans nos relations, et que nos relations de travail sont de première importance.

Inviteriez-vous votre patron à souper à la maison? Si ce n’est pas le cas, peut-être vaudrait-il mieux mettre votre CV à jour et investir dans une autre relation!