Le printemps est au changement. Partout, le ton est à l’indignation. On le dit, on l’écrit et on s’en réjouit. Mais au-delà des manifestations et des textes d’opinion, c’est en le poussant avec nos bras que le vent va tourner.
Au cours des derniers mois, j’ai donné des dizaines de conférences dans des cégeps, et des universités. Presque à chaque fois, on m’a demandé ce qu’on pouvait faire, concrètement, pour changer les choses. Je milite pour qu’on pense un peu plus aux conséquences de nos choix alimentaires. Alors faire entrer un peu de compassion dans sa diète, oui. Mais pour changer les choses autour de nous? À chaque fois, je répète qu’on a pas nécessairement besoin d’un Gabriel Nadeau-Dubois (bien que sa conversion au végétarisme soit la meilleure chose qu’on puisse espérer), qu’on peut, autour de chez soi, initier de grandes choses si on s’organise un peu.
À l’Université Laval de Québec, Marie-Claude Plourde en est le parfait exemple : en quelques mois seulement, la jeune femme est partie de rien pour fonder une association végétarienne, l’AVÉGÉ et a réussi à convaincre les cafétérias de modifier leurs menus. Des histoires comme celle de Marie-Claude n’ont rien d’exceptionnel, y’en a partout au Québec. Si je la raconte, c’est simplement parce que Marie-Claude est une battante inspirante.
La jeune maman étudiante à la maîtrise en traduction n’a rien de l’image de la femme engagée qu’on voit, poing en l’air sur les tribunes. Plutôt réservée, elle affirme toutefois haut et fort la nécessité de passer à l’acte : « Si l’on croit vraiment à quelque chose, nous nous devons de non seulement prêcher par l’exemple, mais aussi de parler de nos convictions et de les défendre publiquement. ».
Pour elle, tout a commencé il y a deux ans. Sa fille lui demande d’où viennent le lait et la viande. Expliquer l’exploitation animale à un enfant la met mal à l’aise. Elle s’interroge, elle questionne, elle lit. Après de longues réflexions, elle devient végétalienne. Modifier son alimentation en profondeur n’est pas simple et elle trouve du soutien auprès d’autres végés rassemblés autour de repas-partage mensuels. Sauf qu’aucun groupe du genre n’existait sur le campus de l’Université Laval. Sur un coup de tête, elle a décidé d’en créer un.
Femme sandwich
Ok. Mais on commence comment? Par imprimer des centaines d’affiches et les poser sur les babillards de l’université. Marie-Claude s’est ensuite invitée à la journée de la rentrée où toutes les associations peuvent tenir un kiosque d’information : « N’étant pas encore une association, je n’avais pas de kiosque, mais je me suis fabriqué des pancartes et me suis déguisée en “femme-sandwich” afin de faire connaître mon projet d’asso. ». Alors qu’elle s’était donnée la session pour rassembler les 25 membres requis pour que l’asso soit reconnue par l’université, déjà à la fin septembre, l’AVÉGÉ de l’Université Laval comptait une trentaine de membres.
Si plusieurs associations deviennent vite des clubs sociaux où on parle plus qu’on agit, selon moi, la grande force de l’AVÉGÉ a été de concentrer ses énergies sur des objectifs rapidement réalisables. L’Asso a ainsi organisé des conférences avec la nutritionniste Anne-Marie Roy et moi-même (!), des conférences qui ont chacune rejoint une centaine de personnes. Reste que le grand succès de l’année a été l’adhésion de deux fournisseurs de services alimentaires à la campagne des Lundis sans viande. Dès septembre prochain, Laliberté et Sodexo offriront des menus sans viande et même autant que possible végétaliens en vedette tous les lundis sur le campus de l’UL..
Pour l’Asso, il s’agit d’une double victoire. Il se consommera moins de viande sur le campus et les étudiants seront informés sur les conséquences de la consommation de viande : « Il s’agit d’une campagne permettant de sensibiliser les gens à l’impact environnemental et éthique de leur alimentation, ainsi qu’à l’aspect santé d’une diète végé. Nous croyons que plusieurs personnes souhaiteront essayer une fois par semaine des mets végés. Nous espérons qu’ils y prendront goût. Mais même si le seul repas végé qu’ils font dans la semaine est celui du lundi, ce choix aura quand même un impact environnemental, et c’est déjà un début ».
La reconnaissance qui donne envie de continuer
Le leadership de l’AVÉGÉ n’a pas tardé à être reconnu. Après seulement quelques mois d’existence, l’asso a été mise en nomination dans deux galas de reconnaissance de l’implication étudiante à l’Université et sa présidente, Marie-Claude, sélectionnée parmi les personnalités de l’année. Et comme si ce n’était pas assez Marc-Antoine Dion a remporté le prix de la meilleure affiche pour la conférence « Je mange avec ma tête » de l’auteur de cet article.
Et pour l’an prochain? « Nous voulons assurer l’implantation réussie de la campagne Lundi sans viande et nous aimerions en fait que le campus complet y adhère. Nous souhaitons également travailler à améliorer l’affichage des options végés disponibles sur le campus, et travailler avec les fournisseurs de services alimentaires à bonifier l’offre de mets végés. Enfin, nous aimerions partager davantage de recettes, voire même peut-être organiser des cours de cuisine ». Ça promet!
Ce qu’a réalisé l’AVÉGÉ dans la dernière année est tout à fait en ligne avec les propositions de Nick Cooney dans Change of Heart dont je parlais dans mon billet « 25 trucs pour changer le monde ». Le changement n’arrive pas avec un coup de vent ni en hurlant notre mécontentement. Il arrive quand on y travaille. Le succès du projet de Marie-Claude Plourde nous montre qu’il suffit de quelques personnes motivées, d’un peu de réflexion, de temps et d’idées concrètes avec des objectifs atteignables pour arriver à de grandes choses.