BloguesÉlise Desaulniers

Témoignage de Frédéric à l’UQO

Je n’ai pas encore écrit sur la grève étudiante. Pas parce que le dossier ne m’intéresse pas, mais parce que de nombreux blogueurs le font déjà très bien et que je voyais mal ce que moi, je pourrais ajouter aux réflexions bien étoffées qu’on peut déjà lire sur la question. Mais là, on ne parle plus de conflit sur une vision de l’état. On parle de répression et d’injustice. Je ne veux et ne peux plus me taire.

Un grand ami à moi, Frédéric Côté-Boudreau, étudiant en philosophie, a été témoin d’une scène d’une violence inouïe hier, à l’UQO. Il a été arrêté puis relâché. Ce matin, il a raconté ce qu’il a vu.

En racontant son histoire, il risque d’empirer son cas. Tout ce qu’il dit pourrait être retenu contre lui, car il aurait commis une infraction criminelle en faisant partie de l’occupation de l’UQO. Mais il n’a rien à se reprocher. Il croit même qu’il a un devoir moral de témoigner devant l’injustice. J’admire son courage. Je suis révoltée par ce que j’ai lu. Je le partage simplement ici :

 

Nous étions en état d’arrestation depuis une bonne heure ou deux et nous restions à la caféteria de l’UQO, le temps qu’ils viennent nous prendre un par un. Nous étions encore 30 ou 40. Nous n’avions pas recours à la salle de bain (même si on demandait d’être escortés et fouillés) ni à de l’eau (même si les policiers buvaient devant nous). À un moment donné, il semblerait que l’une d’entre nous ne pouvait plus se retenir. Si j’ai bien compris, alors, cette étudiante a essayé d’uriner dans un pot (que pouvait-elle faire d’autre?), discrètement, sans que personne ne le remarque vraiment. Un policier de l’antiémeute s’est approché d’elle et lui a demandé de la suivre. Elle a demandé pourquoi. Il n’a pas répondu, sinon que par la même phrase, avec plus d’insistance: « Suivez-moi, madame. »
On a trouvé ça raide et bizarre alors on s’est approchés. Le policier l’a prise par le bras et l’a levée de force. Un professeur (si j’ai bien compris), qui était également une personne âgée, détenue avec nous pour nous soutenir, s’est rué pour défendre l’étudiante. On ne voulait que des explications, pas de la violence. À ce moment-là, plusieurs policiers de l’antiémeute, munis de matraques et de boucliers, sont arrivés. L’un d’entre eux a frappé plusieurs fois le professeur, avec la matraque ET avec le bas de son bouclier; ce monsieur a dû subir plusieurs coups au bras et au dos. La femme de ce dernier, qui était aussi avec nous et qui était une personne âgée, s’est rapprochée pour défendre son mari. Elle a été bousculée par terre. Le tout s’est passé si rapidement que nous ne croyons pas que cela a été filmé. On en croyait pas nos yeux. On ne pouvait tout simplement plus faire confiance à ces agents de l’ordre, avec qui nous avions pourtant collaboré depuis le début de l’occupation. La scène a été tendue pendant tout le reste du temps, nous avons crié un bon moment au scandale, sans qu’ils réagissent ou se sentent le moindrement coupables. Leur geste était totalement non nécessaire; nous ne les confrontions pas, nous voulions juste comprendre et ne pas laisser partir l’un des nôtres sans justification. Je crois que d’autres étudiants ont été frappés et bousculés durant cette scène.

Mais vraiment, pourquoi faut-il que ce débat politique tourne en conflit de violence physique? C’est une escalade qui n’en finit plus, qui ne peut malheureusement être qu’un cercle vicieux, que personne ne désire. Maintenant, ils en sont rendus à FRAPPER DES AÎNÉS! Seulement parce que ceux-ci nous soutiennent et veulent nous protéger. Ils ont été frappés plus d’une fois et ont été brutalisés, poussés par terre. Ça s’empire de jour en jour.